N° 1878
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à permettre l’exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports,
(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Constance LE GRIP, M. Mathieu LEFÈVRE, M. Nicolas METZDORF, M. Charles RODWELL, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Éric WOERTH,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 25 janvier 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la délibération du 17 février 2016 par laquelle le Syndicat des Transports d’Île‑de‑France, devenu Île‑de‑France Mobilités, avait exclu du périmètre de la tarification sociale, qui accorde une réduction tarifaire entre 50 et 75 %, les étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME). Le Tribunal a estimé que le code des transports ne subordonne « le bénéfice de la réduction tarifaire qu’à une seule condition de ressources, et non à une condition de régularité du séjour en France ».
L’objet de la présente proposition de loi est donc de modifier le cadre légal en matière de tarification dans les transports, très précisément l’article L. 1113‑1 du code des transports, afin de permettre aux Autorités organisatrices de la mobilité (AOM) d’exclure du bénéfice de la tarification sociale les personnes étrangères en situation irrégulière sur le territoire national.
Plusieurs motifs justifient de compléter l’article L. 1113‑1 du code des transports afin de permettre aux AOM de pouvoir supprimer cet avantage indu.
Cette proposition est motivée en premier lieu par des raisons budgétaires. En effet, la succession de crises récentes : la crise sanitaire, la forte inflation des coûts de l’énergie exacerbée par les tensions géopolitiques, ainsi que les incertitudes budgétaires actuelles liées à la dégradation de nos finances publiques, a considérablement fragilisé l’équilibre financier des AOM. Face à ces défis, les marges de manœuvre des pouvoirs publics pour soutenir les investissements nécessaires sont désormais limitées. Pour autant, les AOM doivent impérativement investir massivement pour s’adapter à la transition écologique et répondre aux nouveaux usages de la mobilité. Dans ce contexte, il est essentiel de leur redonner une capacité d’action budgétaire afin de mettre en place une politique de tarification sociale et solidaire qui soit juste, équitable, ciblée sur les populations les plus vulnérables, tout en garantissant que les personnes de nationalité étrangère respectent les lois de la République en matière de séjour sur notre territoire.
En second lieu, cette proposition s’explique par une nécessité d’équité et de justice sociale. Il est difficilement justifiable que les étrangers en situation irrégulière bénéficient d’un avantage tarifaire conséquent par rapport aux usagers payant plein tarif. La forte réduction tarifaire (quasi gratuité) qui peut, en l’état présent du cadre légal, être accordée aux étrangers en situation irrégulière, s’apparente à une « prime à l’illégalité ». Il est aussi difficilement compréhensible de permettre à des personnes en situation irrégulière de bénéficier d’un tarif dont peuvent bénéficier, par exemple, des personnes invalides de guerre ou encore des élèves boursiers de l’Éducation nationale.
Enfin, on peut considérer qu’en encourageant la mobilité des clandestins sur le territoire, on ne décourage pas le travail dissimulé en prenant en charge une partie des frais de transport que devraient payer les employeurs.
Ainsi, cette proposition de loi vise à garantir le principe de justice et d’équité, afin de préserver aux yeux des contributeurs la légitimité du système d’abonnement et de réduction tarifaire mis en place par les AOM.
Après plusieurs tentatives d’adoption parlementaire ces dernières années à l’Assemblée nationale et au Sénat, il apparaît opportun que la représentation nationale s’empare de ce sujet et modifie le cadre légal. En effet, les sénateurs ont examiné ce dispositif à plusieurs reprises, notamment en 2018, lors de l’examen du projet de loi Immigration, droit d’asile et intégration, puis en 2022, lors de l’examen du projet de loi de finances 2023.
En outre, la décision n° 2023‑863 DC du 25 janvier 2024 du Conseil constitutionnel, relative à la loi pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, a censuré l’article 15 qui visait à instaurer un dispositif similaire. Cependant, le Conseil constitutionnel a expressément fondé sa décision sur le fait que cette disposition ne présentait de lien, même indirect, avec aucune des dispositions figurant dans le projet de loi initial. La censure n’a donc pas porté sur le contenu de la mesure, mais uniquement sur son introduction dans un véhicule législatif inadapté. Il appartient dès lors au législateur de l’adopter dans un cadre conforme aux exigences constitutionnelles.
Il s’agit, par un article unique, de compléter l’article L. 1113‑1 du code des transports, afin de reconnaître aux autorités organisatrices de la mobilité la possibilité d’exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale, en y ajoutant une condition de régularité du séjour.
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proposition de loi
Article unique
L’article L. 1113‑1 du code des transports est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le bénéfice de cette réduction tarifaire peut être subordonné à la régularité du séjour en France. »