N° 1881

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à expérimenter la décentralisation de la compétence « rénovation énergétique des logements » aux intercommunalités et aux départements,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Sébastien MARTIN,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que le logement est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre, la rénovation énergétique et thermique des logements est un impératif partagé et central dans la transition écologique de notre pays. Les objectifs nationaux ambitieux ne pourront être atteints sans la participation active des collectivités territoriales, actrices incontournables et engagées.

Par ailleurs, le coût énergétique du logement (isolation, chauffage, refroidissement, passoires énergétiques…) pèse sur les ménages et devient une difficulté pour de plus en plus de foyers.

À côté de ces enjeux majeurs, la fermeture du guichet du parcours accompagné de MaPrimeRénov’ pour l’été 2025 et les multiples modifications et atermoiements autour de ce dispositif ainsi que les nombreuses fraudes et plaintes démontrent des dysfonctionnements du dispositif national.

Les changements de règles nationales incessants ainsi que les incertitudes liées au budget d’une année sur l’autre plongent les collectivités, les ménages et les acteurs économiques dans l’incertitude, rendant plus difficile de mener sereinement une action publique efficace.

Pour relever ces défis, la décentralisation de la politique de la rénovation énergétique des logements est la solution afin d’agir efficacement au niveau local en fonction des réalités territoriales pour une justice écologique et sociale, pour une gestion efficace des deniers publics, ainsi que pour le développement économique territorial.

Cette décentralisation, pour laquelle plaide Intercommunalités de France depuis plusieurs années, est la condition pour mieux adapter les types d’aides et les montants associés aux réalités de chaque territoire, et mettre en adéquation MaPrimeRénov’ avec les autres aides et dispositifs existants mis en place par les élus locaux.

La présente proposition de loi ouvre la possibilité pour les intercommunalités et les départements volontaires d’expérimenter pendant deux ans l’exercice de la compétence de rénovation énergétique des logements en lieu et place de l’État.

Cette décentralisation permettra de contribuer aux objectifs suivants :

– accélérer la transition écologique ;

– améliorer le reste à charge des ménages ;

– renforcer l’efficacité des politiques de rénovation au plus près des réalités des habitants et en lien avec les autres politiques publiques locales ;

– simplifier les aides et le parcours des ménages ;

– optimiser la gestion des moyens financiers avec une approche de guichet unique et de proximité ;

– s’appuyer sur un réseau d’acteurs existants pour mieux contrôler les accompagnateurs et limiter la fraude ;

– orienter les travaux vers des typologies de rénovation adaptées à chaque territoire ;

– mieux piloter le versement des aides et la consommation des crédits ;

– faire de la rénovation énergétique un levier puissant de développement économique et accompagner les entreprises vers l’obtention du label RGE (reconnu garant de l’environnement).

Les intercommunalités et les départements expérimentant la décentralisation de cette compétence bénéficieront d’une répartition des crédits actuellement alloués au versement des aides, à l’instruction des dossiers, à l’information et à l’accompagnement des ménages, ainsi qu’au contrôle de l’utilisation des crédits.

Cette proposition de loi a été travaillée avec l’équipe d’Intercommunalités de France.

Cette proposition de loi comporte trois articles. 

L’article 1er prévoit une expérimentation de deux ans pour permettre, s’ils délibèrent favorablement, aux intercommunalités à fiscalité propre disposant d’un programme local de l’habitat exécutoire, à la métropole de Lyon et aux départements d’exercer la compétence de rénovation énergétique des logements en lieu et place de l’État. Pour les départements, cette compétence s’exercerait seulement en dehors du périmètre des intercommunalités à fiscalité propre qui participent à l’expérimentation. 

Cette compétence participera à la réussite de la stratégie nationale bas carbone.

Cet article définit la compétence qui comprendrait notamment la décentralisation du dispositif MaPrimeRénov’, la gestion de toutes les aides visant à la rénovation énergétique des bâtiments, la définition des critères d’éligibilité des aides, la faculté d’agréer les opérateurs et accompagnateurs et de retirer cet agrément, l’information et l’accompagnement des ménages. Une fois la loi promulguée, les intercommunalités et départements volontaires disposeraient de six mois pour délibérer en faveur de ce transfert de compétence qui serait effectif le 1er janvier ou le 1er juin suivant la délibération.

L’article 2 prévoit, que pour financer l’exercice de cette compétence, une partie des crédits nationaux affectés à la rénovation énergétique des logements serait allouée aux intercommunalités à fiscalité propre, à la métropole de Lyon et aux départements volontaires, cette répartition étant fixée par décret en prenant en compte pour chaque périmètre concerné le montant des aides versées par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) pendant les trois années précédant le début de l’expérimentation. Une partie de ces crédits pourra être allouée pour des dépenses d’ingénierie, afin de faciliter la prise de compétence et la montée en compétence des intercommunalités et départements volontaires.

Une convention d’objectifs entre l’ANAH et chaque intercommunalité à fiscalité propre et département volontaires (ainsi que la métropole de Lyon le cas échéant) serait signée pour permettre la gestion décentralisée de la prime de transition énergétique (« MaPrimeRénov’ ») et des autres crédits affectés à la rénovation énergétique des logements. Il s’agit, ce faisant, de concourir aux objectifs de rénovation énergétique des logements définis dans les programmes locaux de l’habitat et les programmes départementaux de l’habitat concernés, auxquels la convention d’objectifs serait annexée. 

L’article 3 prévoit que le Gouvernement établisse un rapport d’évaluation et le présente au Parlement à l’issue de l’expérimentation pour la prolonger, la généraliser ou y mettre fin. 

 


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proposition de loi

Article 1er

En application de l’article 72 de la Constitution, une expérimentation est engagée en vue de permettre aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre disposant d’un programme local de l’habitat exécutoire qui le demandent, à la métropole de Lyon si elle le demande, ainsi qu’aux départements qui le demandent, d’exercer en lieu et place de l’État la compétence de rénovation énergétique des logements.

Les départements volontaires n’exercent pas cette compétence sur le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre participant à l’expérimentation dans les conditions prévues par la présente loi.

La compétence visée au premier alinéa comprend  :

1° Le versement de la prime à la transition énergétique prévue au II de l’article 15 de la loi n° 2019‑1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 ;

2° Le versement de toute autre aide prévue à destination des propriétaires occupants, des propriétaires bailleurs, des locataires ou des copropriétaires en vue de financer des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement ;

3° La définition des critères d’éligibilité aux aides visées aux 1° et 2°, ainsi que l’instruction et le traitement des dossiers ;

4° L’accompagnement et l’information des ménages dans la demande d’aides, dont l’octroi de l’agrément aux accompagnateurs et aux opérateurs intervenant, le cas échéant, en matière de rénovation énergétique des logements.

Cette compétence participe aux objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone.

La mise en œuvre de l’expérimentation autorise à déroger aux articles L. 3641‑1, L. 5214‑16, L. 5215‑20, L. 5216‑5, L. 5217‑2, L. 5219‑1 et L. 3211‑1 du code général des collectivités territoriales.

Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la métropole de Lyon et les départements volontaires pour engager l’expérimentation délibèrent en faveur d’une participation à l’expérimentation dans les six mois suivant la publication de la présente loi. L’expérimentation commence au 1er janvier ou au 1er juin suivant leurs délibérations, selon la date retenue par les organes délibérants. La durée de l’expérimentation est de deux ans.

Article 2

Un décret fixe les modalités de répartition des crédits affectés à la rénovation énergétique des logements entre l’agence mentionnée à l’article L. 321‑1 du code de la construction et de l’habitation et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, la métropole de Lyon et les départements volontaires en prenant en compte pour chaque périmètre concerné le montant des aides versées par l’agence pendant les trois années précédant le début de l’expérimentation.

Les crédits visés au précédent alinéa financent les aides à la rénovation énergétique, l’instruction des dossiers, l’ingénierie nécessaire, l’information et l’accompagnement des ménages, ainsi que le contrôle de l’utilisation des crédits.

Une convention d’objectifs est signée entre l’agence mentionnée à l’article L. 321‑1 du code de la construction et de l’habitation et chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre volontaire, chaque département volontaire, ainsi que la métropole de Lyon le cas échéant, afin que ces derniers assurent la gestion de ces aides, en vue d’atteindre les objectifs de rénovation énergétique des logements fixés dans leurs programmes locaux de l’habitat et leurs programmes départementaux de l’habitat respectifs.

Cette convention est annexée aux programmes locaux de l’habitat et aux programmes départementaux de l’habitat concernés.

Article 3

Six mois avant la fin de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation afin de déterminer les conditions d’une éventuelle généralisation ou prorogation de l’expérimentation.

Le rapport évalue notamment les effets de l’expérimentation sur :

– le nombre de dossiers instruits et l’efficacité de leur instruction  ;

– les résultats obtenus en matière d’efficacité énergétique de l’habitat  ;

– la lutte contre la fraude.

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.