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N° 1884
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à accélérer le développement de la construction et de la rénovation en bois-terre-paille,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Sylvie FERRER, M. Gabriel AMARD, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’urgence écologique est indéniable. La publication du rapport de synthèse du sixième rapport d’évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), publié le 20 mars 2023 a dressé des constats alarmants. Les scientifiques du GIEC ont constaté que l’ampleur des changements récents dans l’ensemble du système climatique sont « sans précédent depuis plusieurs siècles à plusieurs millénaires ». Les scientifiques du GIEC ont également affirmé que les activités humaines sont « sans équivoque », à l’origine du réchauffement climatique.
Il est donc nécessaire de renforcer drastiquement nos efforts pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la neutralité carbone en 2050. En effet, les effets du changement climatique nous sont déjà perceptibles comme nous l’indique le rapport du Haut Conseil pour le Climat dans son rapport de juin 2024 « Tenir le cap de la décarbonation, protéger la population », puisque « le continent européen se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne planétaire. Les cinq dernières années, la température moyenne de la planète a été supérieure de 1,3°C à la moyenne pré‑industrielle, celle de l’Europe de 2,3°C et celle de l’Arctique de 3,3°C. »
Afin de faire face à cette urgence, nous devons donc planifier la bifurcation écologique. Des changements doivent être mis en œuvre dans tous les secteurs de la société. Le secteur du bâtiment est bien évidemment concerné. Il est en effet nécessaire, pour atténuer le changement climatique et s’adapter aux effets de ce changement, de faire bifurquer le secteur de la construction, vers des matériaux biosourcés et géosourcés, alors que ce secteur est aujourd’hui basé sur le recours aux énergies fossiles et aux matériaux polluants.
Au niveau mondial, le dernier rapport de l’IEA (2024‑2025) signale qu’ « en 2023, la construction et l’exploitation des bâtiments sont restées une source majeure d’émissions mondiales de CO₂, représentant 34 % des émissions totales, ce qui en fait le secteur ayant la plus forte contribution (AIE 2024a) ». Rien qu’en France, le secteur du BTP (Bâtiment et Travaux Publics) représente 33 % des émissions nationales, en comptabilisant les émissions liées à la consommation de l’énergie et celles liées au cycle de vie des produits de construction et de rénovation, ainsi que des équipements utilisés. Rien que le ciment représente plus de 6 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre causées par les activités humaines à l’échelle internationale.
Afin de faire face à l’urgence écologique, il est nécessaire de repenser la manière dont sont conçus les bâtiments, et de changer les matériaux qui sont utilisés. Pour cela, nous devons sortir des systèmes de construction actuels, qui sont fondés sur des ressources non‑renouvelables et utilisant des procédés dommageables pour la planète. C’est notamment le cas du pétrole, utilisé pour la fabrication d’isolants, la combustion ou encore le transport, ainsi que du sable, extrait des fonds marins pour former du béton.
En outre, le secteur du BTP est l’un des principaux producteurs de déchets. D’après le ministère de la transition écologique, en 2020, les entreprises du BTP ont produit 213 millions de tonnes de déchets, dont 42,2 millions de tonnes pour le bâtiment. Trouver des alternatives à l’usage massif du béton constitue donc une priorité pour le secteur du bâtiment, puisque le béton, constitué de ressources non‑renouvelables (sable) et hautement polluantes (ciment), est non‑réutilisable.
De plus, le modèle de construction actuellement majoritaire provoque également des conséquences sanitaires. Par exemple, le ciment est produit en cimenterie par chauffage à haute température (1 500°C) en utilisant des combustibles fossiles et/ou des combustibles issus de déchets (matelas, meubles, pneus…), ce qui engendre des émissions nocives pour la santé.
Des alternatives à ce mode de construction dans le BTP existent et elles doivent être soutenues et développées.
La bifurcation du secteur du bâtiment passe par le déploiement et le recours à des matériaux tels que le bois, la terre crue et la paille. La Stratégie nationale bas‑carbone (SNBC) indique en effet que pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur du bâtiment d’ici 2050, des mesures doivent être prises et notamment celle consistant à « avoir davantage recours aux produits de construction et équipements les moins carbonés et ayant de bonnes performances énergétiques et environnementales, comme dans certains cas ceux issus de l’économie circulaire ou biosourcée, via des objectifs de performance sur l’empreinte carbone des bâtiments sur leur cycle de vie, à la fois pour la rénovation et la construction ».
Les matériaux biosourcés tels que le bois et la paille, ou géosourcés tels que la terre crue ont en effet des bénéfices environnementaux importants. Le bois, la terre et la paille sont des ressources renouvelables et disponibles en France, réduisant donc le transport nécessaire à leur acheminement sur les chantiers. De plus, ce sont des matériaux crus : ils ne nécessitent donc pas une combustion qui génère des émissions de gaz à effet de serre. En outre, le bois et la paille stockent du CO2 et sont donc des puits de carbone, tant qu’ils ne rentrent pas en décomposition. Dès lors, l’analyse en cycle de vie de ces matériaux est bien meilleure que celle du secteur du bâtiment actuellement majoritaire !
Par ailleurs, le recours à ces matériaux permet de réduire les déchets produits dans le secteur du bâtiment puisque le bois, la terre ou la paille sont compostables et recyclables. Ces matériaux peuvent même être réutilisés à proximité du chantier, dans une autre construction pour le bois ou dans un jardin, pour la paille.
En outre, les matériaux biosourcés, et notamment la combinaison de la terre et de la paille, comportent de fortes capacités isolantes, aussi bien en été qu’en hiver. La terre crue est un matériau doté d’une forte inertie thermique, et est donc un moyen de résister aux variations thermiques extérieures. Dans la mesure où les événements extrêmes se multiplient avec le réchauffement climatique, et notamment les vagues de chaleur, la terre crue permettra d’éviter des températures très élevées dans les foyers. C’est pourquoi ces matériaux biosourcés doivent être massivement utilisés pour lutter contre la précarité énergétique, ce qui permettra de réduire la facture d’énergie des ménages, aussi bien pour le chauffage que pour la climatisation. Les député∙es du groupe parlementaire de La France insoumise réaffirment la nécessité d’accélérer le rythme de rénovation thermique des bâtiments grâce à un plan de rénovation énergétique de 700 000 logements par an, en isolant en priorité les passoires thermiques et en réalisant des rénovations globales.
Des exemples montrent que la construction en bois, terre et paille fonctionne et comporte de nombreux avantages. C’est le cas notamment du HLM de huit étages en bois et en paille, construit en 2014 dans les Vosges. Comme l’indique un article du journal Le Monde du 19 mai 2014, « le bilan carbone d’une telle construction est positif de 1 100 tonnes de CO2. À titre de comparaison, un édifice classique béton‑polystyrène‑PVC dégage lors de sa construction l’équivalent de 600 tonnes de CO2 ». Enjeux écologiques et enjeux sociaux vont de pair, grâce à une isolation très performante : « les charges pour le chauffage, l’eau chaude, la ventilation et l’entretien s’élèvent à seulement 11 euros par mois, soit 132 euros par an, là où celles dans un logement social construit de façon traditionnelle montent jusqu’à 150 euros par mois… au moins ».
Par ailleurs, il convient de souligner que la construction en bois, terre, paille a des effets sanitaires positifs car les matériaux utilisés sont organiques et ont des vertus notamment en termes d’isolation phonique. Cela concourt à une amélioration de la qualité de vie et du sommeil, et a donc un impact important sur la santé.
De plus, le développement du bois, de la terre et de la paille dans le secteur du bâtiment générera davantage de création d’emplois non‑délocalisables, que les autres techniques de construction. Ces matériaux biosourcés sont en effet à forte intensité sociale, c’est‑à‑dire qu’il y a un besoin important de main‑d’œuvre pour construire ou pour rénover un bâtiment à partir de ces matériaux. Dans l’ouvrage B comme BTP : Bois Terre Paille, l’intensité sociale de différentes techniques de construction comme la terre‑paille, et parpaing‑laine de verre est comparée. Il est indiqué dans cet ouvrage que « 1 Mégawattheure (MWh) investi dans le terre‑paille ouvre la possibilité de 552 h de travail alors que la parpaing‑laine de verre n’ouvre la possibilité qu’à seulement 27 h de travail ».
Le développement du recours au bois‑terre‑paille nécessite de former de nombreuses personnes aux techniques et aux savoir‑faire pour construire et rénover à l’aide de ces matériaux. S’appuyant sur la réponse du ministre de l’éducation nationale et de la Jeunesse et des sports Jean‑Michel Blanquer, en date du 13 octobre 2020, à la question écrite n° 30954 de Mme Panot, les député∙es de La France insoumise réaffirment qu’il est urgent de renforcer l’enseignement des techniques de construction et de rénovation à partir de matières biosourcées et géosourcées, et de développer la formation des professeurs pour répondre au renouvellement du programme. Il est également nécessaire de prévoir des plans d’accompagnement et de reconversion pour les salarié∙es touché∙es par la bifurcation du secteur du bâtiment, notamment celles et ceux qui travaillent dans les cimenteries. C’est ce que nous proposons dans cette proposition de loi avec la mise en place d’un plan de formation aux pratiques et théories de la construction en bois‑terre‑paille.
Cette proposition de loi vise donc à accélérer le développement de la construction et de la rénovation en bois‑terre‑paille. Elle reprend la suite et l’évolution de la proposition de loi éponyme déposée en 2022 lors de la 15e législature suite aux 100 auditions réalisées et plus de 700 contributions récupérées, qui ont mené à cette proposition de loi.
L’article 1er vise à modifier les règles de la commande publique en matière de construction et de rénovation thermique. D’une part, cet article 1 précise que la commande publique veille également à l’emploi de matériaux géosourcés. Actuellement, seuls les matériaux biosourcés sont cités alors que la combinaison entre du bois, de la terre crue et de la paille est indispensable. D’autre part, cet article prévoit que dès 2028, et non 2030 comme c’est actuellement prévu, l’usage des matériaux biosourcés ou géosourcés intervient dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique. À partir de 2031, l’objectif est de 50 % (afin de correspondre aux cycles d’évolution de la RE2020).
L’article 2 vise à ce que soient fixés, par décret en Conseil d’État, des objectifs annuels d’incorporation de matériaux tels que le bois, la terre crue et la paille, pour la construction et la rénovation de bâtiments.
L’article 3 prévoit qu’un plan de formation aux pratiques de construction et de rénovation des bâtiments à partir de matériaux en bois, terre crue et paille soit mis en place. Les modalités d’application de cet article sont définies par décret.
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proposition de loi
Article 1er
Le dernier alinéa de l’article L. 228‑4 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) L’année : « 2030 » est remplacée par l’année : « 2028 » ;
b) Après le mot : « ou », sont insérés les mots : « géosourcés, tels que le bois, la terre crue et la paille, » ;
c) Les mots : « bas‑carbone » sont supprimés ;
2° Après la même première phrase, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À compter du 1er janvier 2031, l’usage des matériaux biosourcés ou géosourcés, tels que le bois, la terre crue et la paille, intervient dans au moins 50 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique. »
Article 2
L’article L. 171‑1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Au 3°, après le mot : « renouvelables », sont insérés les mots : « , notamment de matériaux biosourcés et géosourcés tels que le bois, la terre crue ou la paille, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ces résultats minimaux comprennent, pour toute catégorie de bâtiments construits et tout type de travaux, des objectifs annuels d’incorporation de matériaux biosourcés et géosourcés tels que le bois, la terre crue ou la paille ».
Article 3
I. – Afin de mettre en œuvre la bifurcation écologique et sociale dans le secteur du bâtiment, un plan de formation est élaboré. Ce plan de formation, initiale et continue, comprend notamment la transmission de connaissances théoriques et pratiques sur la construction et la rénovation en bois‑terre‑paille, ainsi que leurs bienfaits écologiques, sociaux et sanitaires.
Ce plan de formation comprend un volet dédié à la reconversion des salariés et salariées concernés et concernées par la bifurcation du secteur du bâtiment, vers des constructions et rénovations en bois‑terre‑paille, notamment celles et ceux travaillant dans des cimenteries.
Les modalités de déploiement de ce plan sont définies par un décret.
II. – La charge pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les alcools prévue au chapitre III du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.