N° 1886

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 septembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer le principe de laïcité dans les compétitions sportives en interdisant le port de tenues ou de signes ostensiblement religieux,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Constance LE GRIP, Mme Emmanuelle HOFFMAN, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Delphine LINGEMANN, M. Nicolas METZDORF, Mme Annie VIDAL, Mme Caroline YADAN,

députées et député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le principe de laïcité est au cœur de notre pacte républicain. Il garantit à chacun la liberté de conscience et la liberté religieuse, tout en posant un cadre à l’exercice de ces libertés : le respect de l’ordre public et l’égalité de tous devant la loi, sans distinction de religion ou de conviction. Impliquant la séparation de l’État et des organisations religieuses, elle en induit la neutralité de l’État, des collectivités territoriales, des services publics, et des organisations qui poursuivent une mission de service public.

Le sport, en ce qu’il est porteur de messages qui s’adressent à tous, égalité, et particulièrement égalité entre les femmes et les hommes, dépassement de soi, excellence, performance, respect des règles, respect des autres, intégration, cohésion sociale, entraide, non‑discrimination, doit être un espace au sein duquel ce principe de laïcité soit appliqué et respecté.

Pourtant, au fil des dernières années, la radicalisation et des dérives contraires aux principes républicains ont été mises en évidence dans ce domaine. Plusieurs rapports parlementaires l’ont souligné, notamment celui des députés Éric Diard et Éric Poulliat en 2019, celui fait au nom de la commission d’enquête du Sénat sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, par les sénatrices Nathalie Delattre et Jacqueline Eustache‑Brinio, le rapport du sénateur Stéphane Piednoir en 2024, ainsi que, plus récemment en mars 2025, les conclusions de la mission flash sur les dérives communautaristes et islamistes dans le sport conduite par les députés Caroline Yadan et Julien Odoul. Tous mettent en évidence que le milieu sportif peut être détourné de son objectif initial d’intégration et de cohésion sociale pour devenir un terrain propice au prosélytisme, au séparatisme et à l’entrisme religieux.

Le Président de la République, dans son discours aux Mureaux ([1]) le 2 octobre 2020, avait lui‑même souligné que « Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste. ». Il ajoutait que les manifestations « des écarts répétés avec les valeurs de la République » peuvent se traduire par « le développement de pratiques sportives, culturelles, communautarisées, qui sont le prétexte pour l’enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République ». Parmi ces écarts, il y a le non‑respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Plus récemment encore, un rapport commandé en janvier 2024 par le Président de la République en Conseil de défense et de sécurité nationale sur la mouvance des Frères musulmans et l’islamisme politique en France a conclu, dans sa version rendue publique au printemps 2025, à l’existence d’une menace grave marquée par un double discours et un ciblage particulier des activités de jeunesse, notamment sportives. Le rapport met en lumière que les activités de jeunesse et particulièrement le sport sont ciblés par les menaces séparatistes : « en 2020, 127 associations sportives étaient identifiées comme ayant une relation avec une mouvance séparatiste, rassemblant plus de 65 000 adhérents (…). Leurs dirigeants ou entraîneurs adoptent une attitude prosélyte, mettent en avant l’identité arabo‑musulmane et développent des pratiques religieuses (prières collectives avant match, salles de prière aménagées dans les vestiaires, rappels réguliers des commandements religieux). Si ce chiffre peut paraître modeste au regard des 156 000 structures sportives recensées au plan national et de leurs 16,5 millions de licenciés, il se double d’un entrisme caractérisé dans la pratique sportive générale, en particulier dans le football, sport le plus ciblé par les militantes favorables au port du voile islamique ». ([2])

La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a déjà apporté plusieurs réponses sur cette problématique. Cependant, à la lumière des récents travaux et constats, il devient urgent de renforcer plus encore le respect du principe de laïcité dans le cadre sportif, en interdisant notamment le port de tenues ou de signes ostensiblement religieux lors des compétitions sportives officielles organisées en France.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Cette proposition de loi s’inscrit dans un cadre juridique cohérent et légitime. En effet, la décision du Conseil d’État du 29 juin 2023, qui a rejeté la requête de deux associations, dont le collectif « Les Hijabeuses », demandant que la Fédération française de football (FFF) autorise le port du voile islamique (hijab), ainsi que la requête de la Ligue des Droits de l’Homme contestant l’interdiction de « tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » lors des matchs, a confirmé que les fédérations sportives peuvent tout à fait exiger la neutralité vestimentaire des joueurs et des joueuses. L’objectif est ainsi de garantir le bon déroulement des compétitions et de prévenir tout risque de tensions ou de confrontations. Le Conseil d’État a jugé que l’interdiction du voile islamique imposée par la FFF était à la fois « adaptée et proportionnée », rappelant que le principe de neutralité du service public s’étend aux fédérations sportives, en ce qu’elles poursuivent une mission de service public, c’est‑à‑dire une finalité d’intérêt général orientée vers la cohésion sociale.

Le respect de la laïcité dans le sport est une exigence partagée par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). L’article 2 de la Charte d’éthique et de déontologie du sport français, adoptée lors de l’Assemblée générale du 23 mai 2022, réaffirme cet engagement en faveur d’une pratique sportive respectueuse des valeurs de la République dans un cadre strict de neutralité. Les fédérations délégataires doivent former leurs encadrants et sensibiliser les sportifs pour garantir l’application cohérente de cette loi, tout en privilégiant le dialogue et la pédagogie avant toute sanction.

Cette proposition de loi, par son article unique, entend renforcer notre cadre juridique en introduisant un nouvel article au sein du code du sport. L’alinéa premier vise à interdire explicitement le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse par les licenciés des fédérations sportives françaises lors des compétitions sportives menant à l’attribution de titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux. Ce texte répond de manière concrète aux menaces posées par les tentatives de radicalisation dans le sport et aux atteintes à l’égalité entre les hommes et les femmes, en réaffirmant fermement notre engagement en faveur du principe de laïcité, socle de notre République.

De manière similaire aux dispositions prévues par l’article L. 141‑5‑1 du code de l’éducation, le second alinéa prévoit que le comité d’éthique créé par chaque fédération délégataire sera chargé de faire appliquer cette interdiction, en favorisant d’abord le dialogue. En cas d’échec, il pourra saisir les organes disciplinaires compétents pour prendre les mesures nécessaires.

Cette interdiction, toutefois, ne concerne pas les sportifs membres de fédérations sportives étrangères, afin de ne pas se voir opposer les règlements du Comité international olympique (CIO) ou des autres fédérations internationales.

 


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proposition de loi

Article unique

La section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport est complétée par un article L. 131‑23 ainsi rédigé :

« Art. L. 13123. – Le port de signes ou tenues par lesquels les personnes détentrices d’une licence mentionnée à l’article L. 131‑6 manifestent ostensiblement une appartenance religieuse lors des compétitions sportives mentionnées à l’article L. 131‑15 est interdit. 

« Le comité d’éthique prévu à l’article L. 131‑15‑1 est chargé de veiller à l’application du premier alinéa et habilité, à l’issue d’un dialogue avec les intéressés, à saisir les organes disciplinaires compétents. »

 

 


([1]) Discours du Président de la République sur le thème de la lutte contre les séparatismes – 2 octobre 2020

([2]) Rapport public “Frères musulmans et islamisme politique en France”, 2 mai 2025.