N° 1918
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.
PROPOSITION DE LOI
pour diagnostiquer et soigner plus tôt et plus vite les troubles psychiatriques,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Philippe FAIT,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« La santé mentale de notre jeunesse est une grande cause de l’action gouvernementale » a annoncé le 30 janvier 2024 le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale.
En France, 12,5 millions de français sont atteints de maladies mentales, 1 jeune adulte sur 2 présente des signes de dépression. 6 000 personnes meurent par suicide par an ce qui représente la 1ère cause de décès des 15‑29 ans.
Les pathologies psychiatriques sont la 1ère ALD devant les cancers et la première cause de dépenses de santé avec des coûts directs qui représentent 25 milliards d’euros en 2023, soit le 1er poste de dépense de l’assurance maladie. Pour la société, le coût global est évalué à 163 milliards d’euros en 2018 contre 109 milliards d’euros dont 13 de coûts directs en 2007.
u niveau international, selon l’OCDE, 1 personne sur 3 a été, est ou sera atteinte par une maladie mentale. Il s’agit de la 1ère cause mondiale de handicap acquis selon l’OMS, soit 20 ans de réduction d’espérance de vie, la 1ère cause d’années de vie perdues et plus de 4 % du PIB selon l’OCDE. 2/3 tiers de ces coûts sont attribués à la perte de productivité du travail.
Par ailleurs, intervenir de manière précoce dans la prévention et la gestion des troubles mentaux permet de réduire les incidents liés à des crises pouvant aussi constituer un sujet d’ordre public.
À ce jour, le modèle français de la psychiatrie publique est organisé en secteurs géo‑démographiques d’environ 70 000 habitants proposant une offre de soins intra et extrahospitaliers. Le critère d’orientation diagnostic et thérapeutique est fondé sur un critère géographique permettant un maillage territorial fin et une prise en charge de proximité pour des patients alternant des phases chroniques ou aiguës. Cependant l’accès tardif aux soins ne garantit pas une prévention satisfaisante ni une prise en charge spécialisée par pathologie.
Une étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la Santé (IRDES) a montré les écarts d’espérance de vie entre personnes atteintes de pathologies mentales et personnes non atteintes. Ainsi, une personne atteinte de troubles psychiatriques aurait deux à quatre fois plus de risques de mourir prématurément qu’une personne du même âge non souffrante, et jusqu’à 20 ans d’espérance de vie en moins, liée notamment à l’existence de comorbidités.
Par ailleurs, la spécialité psychiatrique connaît une baisse d’attractivité. Le nombre de médecins en psychiatrie n’a cessé de décroître et est passé de 14 272 à 13 344 entre 2016 et 2023 selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). L’âge moyen des psychiatres libéraux et salariés était de 52 ans en janvier 2021 et 62 ans pour les pédopsychiatres.
En 2007, suite à un appel à projet du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, un dispositif identifié comme un « Réseau Thématique de Recherche et de Soins » a été créé, coordonné par une fondation de coopération scientifique dédiée. Ce dispositif est composé de quatre réseaux spécifiques de Centres de recours dits « Centres experts », consacrés aux pathologies psychiatriques les plus sévères et les plus invalidantes comme la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression résistante et les troubles du spectre autistique. Ce système spécialisé par pathologie est complémentaire de la psychiatrie de secteur, apportant une réponse graduée et spécifique pour la prise en charge des patients.
Cette réponse est intégrée dans le parcours de soin du patient.
Ces centres experts en psychiatrie, coordonnés par une fondation de coopération scientifique, contribuent à une prise en charge globale et plurielle des troubles bipolaires, de la schizophrénie, du trouble du spectre autistique sans retard intellectuel et des dépressions résistantes.
Il en existe aujourd’hui 53. Ils proposent un service complétant l’offre de soins généraliste sectorisée et fournissent aux professionnels de santé adressant les patients, un avis expert et des recommandations adaptées à chaque patient. Ayant vocation à contribuer à l’amélioration du diagnostic et de la prise en charge des maladies psychiatriques les plus sévères, ils ont déjà permis l’évaluation de plus de 20 000 patients.
Par ailleurs, ces réseaux constituent une infrastructure de recherche clinique. Les différents projets de recherche ont contribué à permettre à la France d’atteindre la 3ème place en matière de recherche sur les troubles bipolaires. Cette approche, associant évaluation clinique spécifique et recommandations de prise en charge basées sur les données de la recherche clinique, a un intérêt sur l’évolution des patients : douze mois après une évaluation en centre expert, une amélioration du pronostic et une réduction de 50 % des journées d’hospitalisation sont constatées.
Le budget annuel nécessaire au fonctionnement d’un centre expert est de 320 000 euros. Cela comprend la rémunération d’un psychiatre aussi médecin hospitalier, d’un psychologue, d’un neuropsychologue, d’un secrétaire médical, d’un assistant social et d’un infirmier, d’un technicien d’études cliniques avec un budget de fonctionnement et équipement de 20 000 euros.
Les centres experts sont aujourd’hui victimes de leur succès. L’afflux des patients est en hausse. Le délai moyen pour obtenir un rendez‑vous de bilan peut aller jusqu’à deux ans. La demande de labellisation de nouveaux centres experts sur le territoire national est croissante. Ils sont aussi confrontés à des demandes d’extension à d’autres pathologies comme les conduites suicidaires, les troubles obsessionnels compulsifs, l’hyperactivité avec déficit d’attention ou les troubles du comportement alimentaire.
Aujourd’hui, il s’agit d’officialiser l’existant, d’intégrer ce dispositif que, 17 ans après sa mise en place, l’on ne peut plus considérer comme expérimental, comme une offre de soins à part entière dans le code de la santé publique en complément de l’offre de psychiatrie de secteur.
En outre, afin de décloisonner les prises en charges somatiques et psychiatriques et améliorer le recours précoce, les communautés professionnelles territoriales de santé doivent intégrer la dimension psychiatrique en intégrant des parcours dédiés à la santé mentale et des professionnels de la santé mentale.
L’article 1er vise à intégrer dans le code de la santé publique le rôle des centres experts en santé mentale existants à date sur le territoire national à titre expérimental.
L’article 2 prévoit d’intégrer la santé mentale dans les communautés professionnelles territoriales de santé en lien notamment avec les projets territoriaux de santé mentale.
L’article 3 prévoit une compensation des charges pouvant résulter de l’application des mesures proposées par ce texte. Il est donc proposé de gager les dépenses supplémentaires pour les organismes de sécurité sociale, pour les départements par la majoration de leur dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la majoration des droits sur les tabacs.
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proposition de loi
Article 1er
Le chapitre Ier du titre II du livre II de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3221‑7 ainsi rédigé :
« Art. L. 3221‑7. – Les centres experts sont des centres de recours, spécialisés, articulés avec les professionnels de proximité, intégrés aux parcours de soins, destinés à améliorer la précision du diagnostic et l’établissement de recommandations thérapeutiques personnalisées.
« Les centres experts participent activement à la recherche et la collecte de données relatives aux maladies psychiatriques. Ils innovent et valorisent les progrès réalisés en la matière.
« Chaque région doit pouvoir recenser sur son territoire un centre expert en santé mentale pour les troubles de l’humeur, les troubles neuropsychiatriques, les troubles du développement et les troubles du comportement alimentaire. Le choix de ces pathologies repose sur leur sévérité, les besoins des usagers et la demande des professionnels de la psychiatrie.
« Les centres experts en santé mentale sont gérés par des structures hospitalières ou des organisations à but non lucratif.
« Ils sont coordonnés médicalement et scientifiquement par une structure financée de façon ad hoc pour optimiser le savoir scientifique et médical comme la qualité et la sécurité des prises en charge.
« Ils font l’objet d’analyses médico‑économiques régulières comme tous les programmes de prévention et d’une analyse de leur activité de chaque centre. »
Article 2
Au deuxième alinéa de l’article L. 1434‑12 du code de la santé publique, après la référence : « L. 1411‑12 », sont insérés les mots : « et des acteurs intervenant dans les domaines de prévention, de diagnostic, de soins, de réadaptation et de réinsertion sociale en santé mentale définis à l’article L. 3221‑1 en lien avec les projets territoriaux de santé mentale définis à l’article L. 3221‑2 ».
Article 3
I. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
III. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.