N° 1927
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à faciliter l’accès aux soins dentaires par la création du statut d’hygiéniste dentaire,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Fabien DI FILIPPO, M. Thibault BAZIN, Mme Sylvie BONNET, Mme Émilie BONNIVARD, M. Pierre CORDIER, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Christelle MINARD, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, M. Jean-Pierre VIGIER,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Notre pays connaît une pénurie de chirurgiens‑dentistes.
En 2023, 45 249 chirurgiens‑dentistes exerçaient en France selon la Drees. Depuis 2013, leur nombre progresse à raison de 1 % par an en moyenne, mais cette croissance reste insuffisante face à celle de la population française. Avec 67 chirurgiens‑dentistes pour 100 000 habitants, elle reste en deçà des celles observées dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et inférieure à la moyenne européenne.
Le syndicat des chirurgiens‑dentistes de France (CDF) alerte régulièrement sur les risques de pénurie. En 2023, un tiers des dentistes étaient âgés de 56 à 61 ans. Près de 8 000 à 10 000 chirurgiens‑dentistes vont donc prochainement partir à la retraite selon le syndicat, et deux cabinets sur trois ne seront pas repris. En effet, trop peu de jeunes sont formés pour répondre à l’augmentation des besoins, et les jeunes dentistes souhaitent avant tout concilier volonté de soigner et vie personnelle.
Ce manque de chirurgiens‑dentistes devient préoccupant dans de nombreux départements, notamment ruraux, déjà fortement touchés par la désertification médicale. Les listes d’attente s’allongent, et certains professionnels renoncent à prendre de nouveaux patients. L’accent mis sur la prévention depuis plusieurs années incite également nos concitoyens à consulter leur dentiste plus régulièrement pour des examens de contrôle. Le programme M’T dents, qui proposait déjà jusqu’à maintenant la prise en charge d’un rendez‑vous bucco‑dentaire tous les 3 ans, a été encore renforcé au 1er avril 2025 et permet désormais aux jeunes âgés de 3 à 24 ans de bénéficier chaque année d’un examen de prévention et des soins nécessaires définis lors de ce rendez‑vous.
Si ces dispositions sont les bienvenues, elles doivent s’accompagner de mesures permettant de libérer du temps et de la disponibilité pour nos chirurgiens‑dentistes.
L’Agence régionale de santé (ARS) de la région Grand Est qui a publié en septembre 2024 une cartographie des chirurgiens‑dentistes, indique que le délai d’attente pour ces rendez‑vous de contrôle prescrits par l’Assurance maladie est de 5 mois en moyenne. Elle indique également qu’il manque des chirurgiens‑dentistes dans près de 90 % des territoires de la région, et que « les zones très sous‑dotées représentent 33,2 % de la population régionale et les zones sous‑dotées, 6,88 % de la population régionale ».
Pour limiter les pénuries et réduire les délais d’attente pour les rendez‑vous, de nombreux professionnels souhaitent permettre l’élargissement des compétences des assistants dentaires, et demandent la création en France d’un statut d’hygiéniste dentaire.
De nombreux pays dans le monde (États‑Unis, Australie ainsi que la plupart des pays européens) reconnaissent la profession d’hygiéniste dentaire au travers un diplôme d’État, permettant à ces professionnels de pratiquer de nombreux actes et de désengorger ainsi les cabinets dentaires.
La création en France d’un tel statut offrirait la possibilité aux assistants dentaires d’accroître leurs compétences pour pouvoir réaliser un panel plus large d’actes, tels que certains examens d’imagerie médicale, des détartrages ou encore des actions de prévention.
En plus de connaître une évolution dans leur carrière, ils pourraient permettre aux chirurgiens‑dentistes de dégager davantage de temps de consultation et de soins et contribuer ainsi à réduire fortement les délais d’attente pour l’obtention d’un rendez‑vous.
Cette mesure constituerait donc une réponse au moins partielle au manque de praticiens relevé en France, particulièrement dans les zones rurales.
Cette disposition avait été en partie défendue dans le cadre de la loi n° 2023‑379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, qui devait permettre aux assistants dentaires ayant obtenu un titre de formation complémentaire de contribuer aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à des soins post chirurgicaux. Malheureusement, contrairement à ce qui était attendu par les acteurs, la loi telle qu’elle est ressortie des débats parlementaires n’a pas prévu l’inscription de la formation complémentaire nécessaire pour ces nouveaux actes au répertoire national des certifications professionnelles. Les assistants dentaires restent donc à ce jour classés au niveau IV de formation (équivalent baccalauréat).
Une évolution législative s’avère donc indispensable pour garantir et sécuriser la création d’un métier distinct de celui d’assistant dentaire tel qu’il existe aujourd’hui.
Tel est l’objet de l’article 1er de la présente proposition de loi, qui porte sur la mise en place effective de la formation et sur son inscription au répertoire national des certifications professionnelles.
L’article 2 propose que les étudiants en chirurgie dentaire puissent également avoir le statut d’hygiéniste dentaire dès qu’ils auront atteint le 2e cycle des études odontologiques (4e et 5e années « cliniques » du diplôme de formation approfondie en sciences odontologiques) au cours duquel les futurs chirurgiens‑dentistes traduisent leurs connaissances académiques en compétences professionnelles en donnant les premiers soins en conditions réelles.
Enfin, l’article 3 limite le nombre d’hygiénistes dentaires à un par praticien, conformément à l’article L. 4393‑18 du code de la santé publique, qui dispose que « le nombre d’assistants dentaires contribuant aux actes d’imagerie à visée diagnostique, aux actes prophylactiques, aux actes orthodontiques ou à des soins post‑chirurgicaux ne peut, sur un même site d’exercice de l’art dentaire, excéder le nombre de chirurgiens‑dentistes ou de médecins exerçant dans le champ de la chirurgie dentaire effectivement présents. »
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proposition de loi
Article 1er
Le premier alinéa de l’article L. 4393‑8 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la dernière phrase, après la référence : « 4393‑9 », sont insérés les mots : « qui lui confère le statut d’hygiéniste dentaire » ;
2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Les modalités d’organisation et de financement, ainsi que le contenu de cette formation complémentaire sont fixés par arrêté. Cette formation est inscrite au répertoire national des certifications professionnelles. »
Article 2
Après le premier alinéa de l’article L. 4393‑8 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les étudiants en chirurgie dentaire ayant atteint le deuxième cycle des études odontologiques sont également autorisés à pratiquer les actes relevant de la compétence des hygiénistes dentaires. »
Article 3
À l’article L. 4393‑18 du code de la santé publique, après le mot : « dentaires », sont insérés les mots : « disposant du statut d’hygiéniste dentaire et ».
Article 4
I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.