N° 1928
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à faire assumer à chacun les conséquences de ses actes en permettant la saisie des amendes non payées sur les minimas sociaux,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Fabien DI FILIPPO, M. Thibault BAZIN, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Mme Josiane CORNELOUP, Mme Justine GRUET, M. Michel HERBILLON, M. Thierry LIGER, Mme Frédérique MEUNIER, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, M. Vincent ROLLAND, M. Patrick HETZEL, M. Éric PAUGET, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Christelle MINARD, M. Eric LIÉGEON,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les amendes pénales ou forfaitaires, sanctions qui consistent à payer une somme d’argent au Trésor public, représentent plus d’un tiers des peines prononcées par les tribunaux français.
Mais leur taux de recouvrement reste à ce jour bien trop faible.
Selon un rapport de la commission des finances du Sénat paru en février 2019, le taux de recouvrement des amendes pénales, c’est‑à‑dire prononcées par la justice à l’issue d’un jugement, ne s’élevait qu’à 48 % à fin 2017. Dans une réponse à une question écrite publiée au Journal officiel de l’Assemblée nationale le 26 décembre 2023, le ministère de la Justice a fourni des chiffres actualisés et indiqué que pour l’ensemble des condamnations, le taux de recouvrement ne dépassait toujours pas 50 %.
Selon le type de contentieux, ce taux de recouvrement varie fortement. Si les amendes liées aux excès de vitesse (81 %), aux homicides et blessures involontaires (80 %) et à l’environnement (75 %) sont effectivement payées dans la grande majorité des cas, il n’en va pas de même s’agissant des violences (43 %), des destructions (37 %), des vols (25 %), des stupéfiants (23 %), ou encore des recels ou des escroqueries (16 %). Le taux de recouvrement des amendes forfaitaires contraventionnelles ou délictuelles, comme celles visant les consommateurs de drogues ou les conducteurs sans permis, est quant à lui de seulement 35 %.
Entre frais de relance et procédures longues, le Trésor public fait parfois le choix d’abandonner le recouvrement, d’autant plus si cette procédure a un coût supérieur à la somme due à l’administration.
Cette situation est inacceptable. Une partie de la population se livre à des actes délictueux car elle sait qu’il n’y a jamais de conséquences. De plus, ces amendes non recouvrées représentent chaque année des centaines de millions d’euros en moins pour l’État.
En 2023, le montant du recouvrement forcé, c’est‑à‑dire les paiements non spontanés, a augmenté de 14 %, selon le cabinet du Ministre de l’Economie. En effet, 1 309 milliard d’euros ont été recouvrés par l’État, soit 164 millions d’euros de plus sur un an. Il reste malgré tout beaucoup de chemin à parcourir, puisque près du tiers des amendes, toutes sortes confondues, restent impayées en France.
A ce jour, le Trésor public dispose de plusieurs procédures pour obtenir le paiement de ces amendes.
Il peut par exemple faire des saisies sur les comptes bancaires ou les salaires sans passer par un juge. Pour cela, le Trésor public peut délivrer une saisie administrative à tiers détenteur (SATD), c’est‑à‑dire à la banque ou à l’employeur.
Le Trésor public qui saisit les comptes bancaires doit laisser le montant du RSA pour une personne seule, soit 635,71 euros (montant au 1er avril 2024).
Concernant le salaire, seule une certaine fraction est saisissable.
Certaines prestations sociales peuvent également être saisies par voie administrative auprès d’un tiers détenteur : il en va ainsi de l’assurance invalidité, l’allocation du régime d’assurance chômage, les indemnités journalières de la sécurité sociale, les pensions civiles d’invalidité, l’assurance vieillesse, les pensions civiles et retraites de l’État ou encore le droit à pension des militaires.
D’autres prestations sont, en revanche, insaisissables. Parmi elles, le revenu de solidarité active (RSA), sauf pour le recouvrement des indus de RSA (article R. 262‑93 du code de l’action sociale et des familles), ou encore l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui peut être accordée à une personne qui a épuisé ses droits au chômage
Concernant les prestations familiales, seules certaines peuvent être saisies : l’Allocation de Rentrée Scolaire, le complément familial, l’allocation de base, le congé parental, ou encore les aides au logement.
De plus, cette saisie ne peut être effectuée que pour rembourser certaines dettes bien définies, à savoir des impayés liés à l’alimentation ou l’entretien des enfants, ou le recouvrement de prestations familiales versées de façon indue, c’est‑à‑dire lorsqu’il y a un octroi de prestations par la caisse d’Allocations familiales (CAF) ou la mutualité sociale agricole (MSA) à un allocataire qui ne devrait pas les recevoir.
Les sommes sont saisies dans la limite d’un montant mensuel fixé selon les revenus et les charges de la famille.
Cette proposition de loi vise à élargir les motifs de saisie des prestations familiales déjà « saisissables » en incluant le motif du remboursement des amendes impayées.
Elle propose également que le Revenu de Solidarité Active et l’Allocation de solidarité spécifique, insaisissables jusqu’alors, puissent faire l’objet d’une saisie partielle et étalée pour le remboursement de ces amendes.
Il est en effet injustifiable que les indemnités de maladie, de maternité et d’accident du travail, les indemnités chômage ou encore l’allocation de retour à l’emploi (ARE) fassent partie des revenus saisissables, et que l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) qui prolonge les aides après la fin de l’assurance‑chômage, en soit exclue. De même, il est anormal que les pensions d’invalidité, les pensions de retraite ou encore l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) puissent être saisies et que le Revenu de Solidarité Active, qui peut même être versé à des étrangers sans emploi, ne puisse pas l’être.
Les amendes non recouvrées pourraient donc être saisies sur le RSA, l’ASS ou les prestations familiales, de manière étalée jusqu’à 50 euros par mois en fonction des revenus et des charges de la personne concernée.
Une personne se trouvant dans ce cas et qui se serait par exemple rendue coupable de dépôt sauvage de déchets sur la voie publique, délit puni d’une amende forfaitaire de 68 euros, serait ainsi prélevée de 50 euros le premier mois et de 18 euros le deuxième mois.
Cette saisie sur les prestations sociales précitées s’effectuerait bien entendu dans le respect du montant du solde bancaire insaisissable.
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proposition de loi
Article 1er
Le I de l’article L. 553‑4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Le mot : « ou » est supprimé ;
b) Sont ajoutés les mots : « ou du non‑paiement d’une amende. » ;
2° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Pour le recouvrement des amendes non payées, dans la limite de 50 euros par mois. »
Article 2
Les deux premiers alinéas de l’article L. 5423‑5 du code du travail sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« L’allocation de solidarité spécifique peut faire l’objet d’une saisie de la part du Trésor public pour le recouvrement d’une amende non payée, dans la limite de 50 euros par mois. »
Article 3
L’article L. 262‑19 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le revenu de solidarité active peut faire l’objet d’une saisie de la part du Trésor public pour le recouvrement d’une amende non payée, dans la limite de 50 euros par mois. »