N° 1929

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant au renforcement de la protection des mineurs dans le cadre scolaire,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, M. Alexandre ALLEGRET-PILOT, Mme Laure LAVALETTE, Mme Gisèle LELOUIS, M. Éric MICHOUX, M. Frank GILETTI, M. Marc CHAVENT,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’école républicaine, instituée par Jules Ferry sous la IIIᵉ République, est l’une des institutions fondamentales de notre pays. Elle repose sur les principes de gratuité, de laïcité et d’égalité, elle incarne surtout la promesse de former des citoyens éclairés, libres et responsables. Plus qu’un lieu d’instruction, l’école est un espace de transmission et de confiance. La protection des enfants y constitue une exigence essentielle de notre République et un principe cardinal de l’institution scolaire. Pour chaque famille, l’école doit représenter un cadre sûr, pilier de l’éducation et de la socialisation de leurs enfants ; elle a donc la responsabilité de garantir à chaque élève un environnement d’apprentissage pleinement sécurisé, tant sur le plan physique que sur les plans moral et affectif.

Or, plusieurs affaires récentes ont mis en lumière de graves failles dans le dispositif actuel. Des personnes déjà condamnées pour des faits de pédopornographie ou de violences sexuelles ont pu intervenir auprès d’élèves, notamment dans le cadre de la nouvelle réforme : éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS). En effet, le 13 septembre 2025, Médiapart a révélé qu’un référent EVARS, nommé par le rectorat de Montpellier, avait été condamné en 2011 pour détention d’images pédopornographiques. Ce scandale illustre l’absence d’un contrôle systématique et homogène des personnes appelées à intervenir auprès des enfants.

De surcroît, depuis la rentrée scolaire 2025, les programmes d’éducation à la vie affective et relationnelle (EVAR) pour l’école maternelle et élémentaire, et d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) pour le collège et le lycée, sont devenus une discipline à part entière. Ce déploiement entraîne mécaniquement une multiplication des référents et des intervenants venant compléter l’action des enseignants, ce qui rend d’autant plus nécessaire un encadrement rigoureux de leur recrutement et de leurs conditions d’intervention.

Même si des dispositions existent déjà pour certains personnels de l’Éducation nationale, elles demeurent partielles et insuffisantes. De plus, l’agrément des associations appelées à intervenir auprès des élèves repose aujourd’hui sur un cadre essentiellement réglementaire du Code de l’éducation, qui ne prévoit pas explicitement la vérification de l’intégrité de leurs membres. Cette fragilité normative expose à un risque pour la sécurité de nos enfants.

Dans ces circonstances, la présente proposition de loi vise à combler ces lacunes dans les écoles, collèges et lycées en instaurant un dispositif général et homogène de vérification de l’absence de condamnations pénales, d’inscriptions dans des fichiers judiciaires ou de mesures d’interdiction incompatibles avec l’exercice d’activités auprès de mineurs pour toute personne appelée à intervenir, à quelque titre que ce soit, auprès des élèves dans les établissements scolaires publics ou privés sous contrat. Elle renforce au niveau législatif l’exigence de contrôle des associations complémentaires de l’enseignement public et des intervenants extérieurs. Elle consacre également un droit à l’information des familles, afin que les parents d’élèves soient assurés que toute personne intervenant auprès de leurs enfants a fait l’objet des vérifications nécessaires, sans que cela porte atteinte à la vie privée des intéressés.

Cette réforme s’appuie également sur les dispositions existantes du Code de l’éducation qui interdit déjà d’exercer certaines fonctions en cas de condamnations pénales, et sur le Code de procédure pénale, qui encadre la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire à certaines autorités à l’article 776‑1. Ce dernier est complété en donnant le droit de vérification de ce casier aux autorités académiques compétentes.

Cette loi ne vise pas à restreindre l’action éducative ou associative, mais à instaurer un principe clair et partagé : aucune personne ne doit intervenir auprès d’élèves sans qu’il ait été vérifié qu’elle ne présente pas de danger pour eux. Elle répond à une exigence de prévention, de confiance et de responsabilité collective. En définitive, cette proposition de loi souhaite consacrer le principe du risque zéro pour la protection des enfants à l’école. Elle renforce la vigilance de l’institution scolaire, renforce la confiance des familles et assure que l’éducation des enfants se déroule dans un cadre absolument sûr.

L’article 1er instaure une obligation générale de vérification préalable obligatoire, systématique et renouvelée périodiquement pour toute personne appelée à intervenir auprès des élèves dans les établissements scolaires. L’article 2 étend cette exigence aux associations complémentaires de l’enseignement public et à tous les intervenants extérieurs. L’article 3 consacre un droit à l’information des parents d’élèves sur la réalisation effective de ces contrôles. L’article 4 complète le code de procédure pénale afin de permettre aux autorités académiques d’accéder aux données nécessaires pour mener ces vérifications.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le chapitre Ier du titre Ier du livre IX de la quatrième partie du code de l’éducation est complété par un article L. 911‑10 ainsi rédigé :

« Art. L. 91110. – Toute personne, qu’elle soit agent public, contractuel, bénévole, stagiaire ou membre d’une association, appelée à exercer une activité ou à intervenir auprès des élèves dans un établissement scolaire public ou privé sous contrat, doit faire l’objet de vérifications préalables par l’autorité administrative compétente.

« Cette vérification est obligatoire, systématique et renouvelée périodiquement. Elle porte notamment sur l’absence de condamnations pénales, d’inscriptions dans un fichier judiciaire ou de mesures d’interdiction incompatibles avec l’exercice d’activités auprès de mineurs.

« Les modalités de mise en œuvre, de renouvellement périodique et de suivi de ces vérifications sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

Le livre V de la deuxième partie du code de l’éducation est complété par un titre VII ainsi rédigé :

« Titre VII

« Associations complémentaires de l’enseignement public et intervenants extérieurs

« Art. L. 568. – L’agrément délivré aux associations complémentaires de l’enseignement public est subordonné à une vérification similaire à celle prévue à l’article L. 911‑10 du présent code pour leurs membres appelés à intervenir auprès des élèves.

« Ces vérifications sont réalisées sous le contrôle du recteur d’académie, qui veille à leur régularité et peut, à tout moment, retirer ou suspendre l’autorisation d’intervention en cas de manquement constaté.

« Art. L. 569. – Toute personne, membre ou non d’une association, appelée à intervenir ponctuellement ou régulièrement auprès des élèves, est soumises à une vérification identique à celle prévue à l’article L. 911‑10 du présent code. L’autorité académique ne peut autoriser une intervention qu’après s’être assurée du respect de ces obligations.

« Art. L. 570. – Les modalités de mise en œuvre, de renouvellement périodique et de suivi de ces vérifications sont précisées par décret en Conseil d’État. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles les informations relatives à ces contrôles sont portées à la connaissance des chefs d’établissement et des familles, dans le respect de la protection des données personnelles et du droit à la vie privée. »

Article 3

Après l’article L. 111‑4 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 111‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 11141. – Les parents d’élèves sont informés, de manière régulière, que toutes les personnes appelées à intervenir auprès de leurs enfants dans l’établissement scolaire ont fait l’objet des vérifications prévues par le présent code.

« Sur demande, ils peuvent obtenir confirmation que ces vérifications ont été réalisées pour tout intervenant identifié, sans qu’il leur soit communiqué d’informations couvertes par le respect de la vie privée et du secret professionnel. »

Article 4

L’article 776‑1 du code de procédure pénale est complété par un 7° ainsi rédigé :

«  Aux autorités académiques compétentes afin qu’elles puissent consulter les informations nécessaires à la vérification pour toute personne appelée à intervenir, à quelque titre que ce soit, auprès des élèves dans les établissements scolaires publics ou privés sous contrat. Ces informations peuvent inclure les données issues du casier judiciaire ainsi que, le cas échéant, les fichiers judiciaires prévus à cet effet. »

Article 5

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.