N° 1934

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre obligatoire le casier vierge pour les candidats à une élection municipale,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Emmanuel GRÉGOIRE,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le respect de la probité et l’exemplarité des élus constituent un fondement essentiel de la vie démocratique. Dans un contexte de défiance accrue à l’égard des responsables publics, les garanties offertes aux citoyens sur l’intégrité de celles et ceux qui sollicitent leur suffrage doivent être renforcées. Cette exigence s’applique à toutes les sensibilités politiques, sans distinction, car elle vise non pas à stigmatiser une formation ou un courant, mais à protéger la crédibilité des institutions locales et le bon fonctionnement de la démocratie de nos communes.

Depuis plus de vingt ans, le législateur a engagé des réformes successives pour moraliser la vie publique et renforcer la transparence :

‑ la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, qui a instauré la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) et renforcé les obligations déclaratives des responsables publics locaux ;

– la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui a durci les sanctions applicables ;

– les lois du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, qui ont encadré les emplois familiaux, renforcé le contrôle des dépenses électorales et limité certaines formes de cumul de mandats ;

– ainsi que d’autres textes sectoriels, notamment sur le financement des campagnes électorales, la prévention des conflits d’intérêts ou l’indépendance de la justice financière.

Cette proposition de loi s’inscrit par ailleurs dans une volonté politique exprimée de longue date par des sensibilités diverses :

– la proposition de loi n° 454 déposée en octobre 2024 par M. Olivier Marleix et plusieurs députés LR ;

– la proposition de loi n° 912 déposée au Sénat en août 2023 par M. Henri Cabanel, sénateur socialiste de l’Hérault ;

– la proposition de loi n° 4289 déposée par M. Bruno Le Roux, adoptée par l’Assemblée nationale en février 2017 mais restée sans suite au Sénat. 

Près de 10 années se sont écoulées sans que le législateur ne s’empare de cet enjeu démocratique. Malgré les avancées précédemment décrites, aucune disposition n’impose encore de manière claire et uniforme l’exigence d’un casier judiciaire vierge pour l’ensemble des candidatures aux élections locales. Alors qu’aujourd’hui, plus de deux tiers des Français déclarent ne pas faire confiance aux responsables politiques pour agir avec honnêteté et transparence, selon plusieurs enquêtes d’opinion récentes, il est indispensable de franchir une nouvelle étape.

La présente proposition de loi complète le code électoral en interdisant la candidature aux élections municipales, avant le prochain renouvellement général, des personnes condamnées pour des infractions incompatibles avec l’exercice d’un mandat électif. Elle s’inscrit dans la continuité des efforts entrepris depuis deux décennies pour restaurer la confiance entre citoyens et représentants et donner aux électeurs une garantie lisible d’intégrité. Si un casier vierge est déjà exigé pour nombre d’emplois publics dans les collectivités locales, rien ne justifie que les élus ne soient pas soumis aux mêmes règles. Cette mesure préventive est transparente ; elle est sans lien aucun avec l’aléa d’une quelconque affaire ou de son traitement judiciaire. Elle apporte au contraire une prévisibilité et une clarté bienvenues en garantissant la présomption d’innocence puisque seule une condamnation définitive est susceptible de figurer sur un casier.

L’article 1er créée un nouvel article imposant un bulletin n° 2 du casier judiciaire exempt de condamnations pour :

– les infractions traduisant un manquement au devoir de probité ;

– les infractions de corruption, trafic d’influence, recel et blanchiment de tels délits ;

– les infractions d’escroquerie ou voisines de l’escroquerie ;

– l’omission ou évaluation mensongère de déclarations à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

L’article 2 fixe une entrée en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux.

Ces mesures ne sont ni absolues ni perpétuelles : les règles relatives à l’effacement ou à la réhabilitation du casier judiciaire demeurent pleinement applicables, permettant à toute personne réhabilitée de retrouver ses droits civiques et la possibilité de se présenter.

La confiance ne se décrète pas. En renforçant la transparence et l’exemplarité des candidatures locales, cette proposition de loi contribue au bon fonctionnement des institutions démocratiques et à la restauration durable du lien de confiance entre les citoyens et leurs élus.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Après l’article L.O. 230‑3 du code électoral, il est inséré un article L. 230‑4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2304. – Ne peuvent pas faire acte de candidature les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif.

« Les condamnations incompatibles avec l’exercice d’un mandat électif sont :

« 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité définies aux articles 432‑10 à 432‑11 et 432‑12 à 432‑15 du code pénal ;

« 2° Les infractions de corruption et trafic d’influence définies aux articles 433‑1, 433‑2, 434‑9, 434‑9‑1, 435‑1 à 431‑5, 431‑7 à 431‑10 et 445‑1 à 445‑2‑1 du même code ;

« 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, définies aux articles 321‑1, 321‑2, 324‑1 et 324‑2 du même code, lorsqu’elles portent sur le produit, les revenus ou les choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;

« 4° Les infractions d’escroquerie et voisines de l’escroquerie définies aux articles 313‑1, 313‑2, 313‑3, 313‑5, 313‑6, 313‑6‑1 et 313‑6‑2 du même code ;

« 5° Les infractions définies au I de l’article 26 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 2

L’article 1er de la présente loi s’applique à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant sa promulgation.