N° 1951
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir,
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Mereana REID ARBELOT, M. Didier LE GAC,
députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Profondément ébranlée par la Seconde Guerre mondiale et le contexte de la Guerre Froide, la France choisit de se doter de l’arme atomique. Tout en effectuant ses premiers essais nucléaires, atmosphériques à Reggane, et en galerie souterraine dans le Hoggar, en Algérie, de 1960 à 1966, les autorités françaises recherchent d’autres sites d’expérimentation, en vue de maîtriser la technologie thermonucléaire, à l’instar des autres puissances dotées.
Au lendemain des bombardements de Hiroshima et Nagasaki, le monde se réveille dans l’horreur, découvrant la puissance inédite de l’arme atomique. Cette prise de conscience révèle l’ampleur des destructions, des souffrances et des risques, parfois invisibles, liés à cette nouvelle réalité. Les conséquences des explosions nucléaires sur l’environnement et sur l’homme sont désormais manifestes, et les autorités françaises tiennent compte de plusieurs critères pour choisir les sites aptes à accueillir les infrastructures et les opérations d’un centre d’expérimentation nucléaire. La densité démographique est particulièrement déterminante. En 1960, la France hexagonale comptait 86 habitants au kilomètre carré, l’Europe 57.5, l’Algérie 4.7, et la Polynésie française 0.02. Ces écarts expliquent en partie le choix porté sur les atolls de Moruroa et Fangataufa, dans l’archipel des Tuamotu‑Gambier.
De 1966 à 1996, le Centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) réalise 193 essais nucléaires. Jusqu’en 1974, 46 essais atmosphériques sont effectués selon différentes modalités : 4 tirs sur barge à la surface du lagon, 5 tirs de sécurité à quelques mètres de la partie émergée de l’atoll, 3 largages depuis des chasseurs bombardiers, type Mirage et Jaguar et 34 explosions en altitude, sous des ballons captifs.
De 1975 à 1996, la période dite souterraine, 147 explosions sont opérées au fond de puits de plusieurs centaines de mètres, d’abord creusés sous la couronne corallienne des deux atolls, puis sous leurs lagons, faute de place.
En 1991, après dix années au pouvoir, le Président de la République François Mitterrand décide d’un moratoire et interrompt les tirs. En 1995, dès le début de son mandat, le Président de la République Jacques Chirac acte la reprise des expérimentations afin de développer et parfaire une technologie de simulation des essais nucléaires, malgré de vives protestations en Polynésie française.
Le dernier essai nucléaire, Xouthos, marque la fin des opérations du CEP le 27 janvier 1996. Pendant trente ans, la Polynésie française en a été le théâtre à ciel ouvert, et le opu fenua (le ventre de la terre nourricière) profané.
En dépit des protestations locales, nationales et internationales de certains opposants politiques ou associatifs aux expérimentations nucléaires, les campagnes de tirs sont programmées par des gouvernements de tous bords politiques. La rétention de l’information sur ces essais au nom du secret‑défense et l’éloignement géographique de la Polynésie française des lieux de pouvoir ont contribué à minimiser voire occulter les conséquences de ces expérimentations au sein de la population locale et chez les vétérans, engagés ou appelés.
La révélation progressive, par les réseaux militants et par les autorités publiques, de l’ampleur des retombées radioactives suscite des doutes quant à l’origine radiologique de certaines pathologies chez une partie de la population civile et militaire. Le sujet s’invite alors dans le débat public et jusqu’au Parlement. Entre 2003 et 2010, dix‑huit propositions de loi, émanant de tous les horizons politiques, sont déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale.
À la suite des demandes des associations de victimes, lors de l’examen de la proposition de loi n° 1258 débattue en 2008, le ministre de la défense, M. Hervé Morin, a annoncé le 27 novembre de la même année, la création d’un groupe de travail et l’élaboration d’un futur projet de loi. Ce dernier, déposé le 27 mai 2009, vise à réparer les conséquences sanitaires des essais nucléaires français et propose, » dans un souci de rigueur et de justice, un droit à réparation intégrale des préjudices pour les personnes souffrant d’une maladie radio‑induite résultant de ces essais ».
Lors des débats sur ce projet de loi, certaines limites sont dénoncées. Elles soulèvent, encore aujourd’hui, des difficultés dans la mise en œuvre d’une indemnisation juste et efficace.
Promulguée le 5 janvier 2010, la « loi Morin » constitue un premier pas dans la reconnaissance des conséquences sanitaires des essais nucléaires réalisés par la France, en Algérie et en Polynésie française. Néanmoins, son dispositif d’indemnisation s’avère rapidement restrictif, dysfonctionnant et décourage les associations, les malades et leurs familles.
Ce texte de loi permet l’indemnisation des individus cumulant trois conditions : leur présence sur les sites d’expérimentations nucléaires ou dans les zones exposées à des retombées radioactives ; leur exposition durant une période de contamination effective ; et la manifestation de l’une des 23 pathologies radio‑induites éligibles, dont la liste figure en annexe du décret n° 2014‑1049 du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français.
Ces trois conditions fondent une présomption de causalité entre la survenance de la maladie et l’exposition aux rayonnements ionisants issus des essais nucléaires, qui peut être renversée par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) chargé de l’instruction des dossiers.
Depuis 2010, différentes modalités de renversement de la présomption de causalité se succèdent, marquant autant l’insatisfaction que les hésitations du législateur à l’égard de ce régime d’indemnisation. Tout d’abord, le risque négligeable que la maladie soit effectivement due aux essais, est inscrit dans la première version de la loi Morin jusqu’en 2017. Entre 2017 et 2018, la suppression de ce critère ne permet plus au CIVEN de renverser la présomption de causalité. Cette situation provoque des démissions au sein du comité et un blocage du régime d’indemnisation. En 2018, l’instauration d’un seuil d’exposition de 1 millisievert/an est votée dans la loi. Ce seuil, issu des normes de radioprotection, réintroduit la possibilité pour le CIVEN de renverser la présomption de causalité lorsqu’il démontre que le requérant ne l’a pas atteint.
Par ailleurs, la loi Morin crée une commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires (CCSCEN), censée se réunir au moins deux fois par an. Elle est consultée sur le suivi de l’application de la loi, ainsi que sur les modifications éventuelles de la liste des maladies radio‑induites. Depuis 2010, son rôle n’est guère encouragé et elle n’a été que rarement réunie.
Après plus de quinze ans d’application et d’ajustements des dispositions de cette loi, l’insatisfaction d’une grande partie de la population polynésienne et de ceux qui ont vécu ce pan de notre histoire, comme travailleurs ou vétérans du CEP, continue de s’exprimer avec force à travers des représentants politiques, associatifs, religieux et des témoins de cette époque.
Face à cette détresse, parfois cette colère, l’expression de postures pour justifier de l’innocuité des expérimentations nucléaires trace une continuité depuis l’époque du CEP jusqu’à nos jours pour en minimiser les conséquences. Ces discours, tantôt pertinents et argumentés, tantôt chargés de dissimulations et de mensonges, entretiennent une rupture de confiance, envers les institutions de la Polynésie française et celles de l’État, et brouillent l’appréciation objective et raisonnable des conséquences sanitaires des essais nucléaires.
Afin de dresser un bilan de la loi Morin et de proposer des solutions législatives, une commission d’enquête est créée en 2024 puis à nouveau en 2025, à l’initiative du groupe Gauche Démocrate et Républicaine.
Cette commission d’enquête, acceptée deux fois par le bureau de l’Assemblée nationale, « relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation », est composée de 31 députés et s’est réunie du 14 janvier au 10 juin 2025.
À l’issue de 55 auditions et d’une mission en Polynésie française, le rapport d’enquête est adopté à l’unanimité. Il rassemble de façon inédite tous les témoignages et les discours afin d’en tirer les conclusions qui s’imposent : résoudre les problèmes concrets que ne règle pas la loi dans son état actuel et apaiser les esprits réfractaires.
La voie législative contribue en effet à élaborer une nouvelle approche des conséquences sanitaires du CEP. Elle a pour objectif de rétablir la confiance entre tous les acteurs concernés. Si cette loi ne peut, à elle seule, apporter toutes les réponses, elle pose néanmoins les jalons indispensables à la restauration de cette confiance, condition préalable à la réussite des mesures relatives aux conséquences non sanitaires du CEP.
Imprégné d’une culture du secret, le contexte des campagnes d’expérimentations nucléaires – marqué par des mesures de précaution inégales et inadaptées, des anticipations erronées des retombées radioactives, ainsi qu’une surveillance radiologique et un suivi insuffisants des populations exposées – conduit de nombreux malades à suspecter ces opérations d’être à l’origine de leurs pathologies, tandis que des personnes en bonne santé craignent d’en développer. Avec le temps, ces inquiétudes nourrissent un profond sentiment d’injustice face aux décisions distinguant les malades reconnus victimes des essais nucléaires de ceux qui ne le sont pas.
Dans un rapport intitulé Évaluation de l’exposition radiologique des populations tahitiennes aux retombées atmosphériques de l’essai Centaure (07/1974), rendu public pendant les travaux de la commission d’enquête, l’Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection (ASNR) indique que les données fournies par le CEA‑DAM, opérateur des essais, comportent des incertitudes qui « amène[nt] à considérer que seuls les ordres de grandeur sont à retenir : les doses efficaces consécutives aux retombées de l’essai Centaure sur Tahiti estimées dans cette étude sont de l’ordre du millisievert, allant de moins de 1 millisievert à quelques millisieverts ».
Pendant la durée des expérimentations, aucune dosimétrie individuelle n’a été réalisée sur la population et elle était parcellaire sur les travailleurs civils et sur les vétérans. Or, le CIVEN utilise les données du CEA‑DAM, car ce sont les seules existantes. Aujourd’hui, afin d’appliquer la loi, le CIVEN attribue à un individu des valeurs moyennes annuelles d’exposition radiologique externe, établies par zone selon son lieu habituel de résidence et son âge au moment des tirs. L’exposition radiologique interne est, quant à elle, estimée à partir de modèles types d’alimentation.
Surtout, les experts scientifiques entendus par la commission d’enquête soulignent que, même si ce seuil n’est pas atteint par un individu, rien ne permet d’écarter ou de confirmer l’existence d’un lien de causalité entre la maladie et l’exposition aux rayonnements ionisants.
Malgré l’insatisfaction générale qu’il suscite, le régime actuel n’a jusqu’à présent connu qu’une succession d’ajustements. Au‑delà de la seule dimension budgétaire, qui explique en partie les réticences à améliorer le dispositif d’indemnisation, le rapport de la commission d’enquête souligne que le principal blocage réside dans la crainte qu’un système plus efficace ne soit perçu comme plus culpabilisant pour l’État. La méfiance demeure forte, qu’il s’agisse de la société civile, qui dénonce un manque de reconnaissance, ou des experts, qui redoutent que le droit ne vienne affirmer ce que la science ne peut démontrer avec certitude.
La loi telle qu’elle s’exprime aujourd’hui recherche un lien de causalité entre la survenance d’une maladie et l’exposition aux rayonnements ionisants. Lorsque le CIVEN attribue le statut de victime à un demandeur, il établit que les rayonnements ionisants sont la cause légale de sa maladie. Selon tous les scientifiques auditionnés, c’est pourtant impossible à démontrer en l’espèce.
Une telle impasse nécessite une refondation qui articule les acquis scientifiques avec les prescriptions légales. De plus, cette approche nouvelle permet d’aligner le dispositif sur les autres régimes d’indemnisation, en vue d’assurer des décisions justes et rigoureuses.
La proposition de loi s’inscrit dans une perspective réparatrice, qui dépasse l’objet originel de l’indemnisation individuelle introduit par la loi Morin, car elle comporte aussi une dimension collective.
Cette dernière concerne, en premier lieu, les dépenses liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites des victimes de l’exposition aux essais nucléaires, de facto honorées par les caisses primaires d’assurance maladie civiles et militaires et par la Caisse de Prévoyance Sociale de la Polynésie française (CPS) à partir de 1977, lorsque la compétence en matière de santé est transférée à la collectivité polynésienne.
L’absence totale de registre du cancer en Polynésie française avant 1985 et sa consolidation tardive à partir de 2015 rend difficile de déterminer une somme rigoureuse de 1977 à 1985. Cette évaluation et les modalités de remboursement doivent relever d’un accord entre les organismes d’assurance maladie et l’État.
Depuis plusieurs décennies, la prise en charge des dépenses liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites repose sur les cotisations sociales de l’ensemble des contribuables. En Polynésie française, cette situation est perçue comme une injustice supplémentaire, une seconde peine, s’ajoutant à celle d’avoir accueilli le CEP et ses expérimentations atomiques.
Les dépenses de santé des personnes reconnues victimes au titre de la loi sont remboursées par l’État. En cas d’incertitude dans leur évaluation, qui justifie le besoin d’un accord, des montants forfaitaires sont appliqués afin de suppléer l’absence de données précises.
En second lieu, l’approche collective concerne le souvenir de ce pan de notre histoire et, plus particulièrement, celle des personnes qui en ont souffert. Considérant que la réparation est également mémorielle, la proposition de loi institue une journée du souvenir, destinée à accompagner symboliquement la mise en place d’un régime d’indemnisation efficace. La proposition de loi facilite l’accès effectif aux archives, encourage la recherche sur le fait nucléaire et renforce l’enseignement du fait nucléaire, condition essentielle pour éclairer la manière d’assumer son héritage et prévenir les fantasmes qu’il suscite.
L’article 1er de la proposition de loi crée un titre dédié à l’indemnisation des victimes de l’exposition aux essais nucléaires.
L’article 2 de la proposition de loi redéfinit les personnes éligibles à l’indemnisation. Il substitue au préjudice fondé sur l’établissement d’un lien de causalité entre une pathologie potentiellement radio‑induite et une exposition aux rayonnements ionisants des essais nucléaires, celui fondé sur le risque assumé par l’État en exposant des populations ou des personnels à ces rayonnements, dès lors qu’une pathologie pouvant résulter de cette exposition est avérée.
Il étend également cette définition aux victimes dites « indirectes » ou « par ricochet », en reconnaissant le préjudice propre des ayants droit, tels que les conjoints et les proches du premier cercle familial.
Enfin, en tenant compte du contexte culturel particulier de la Polynésie française, l’article inclut dans la catégorie des ayants droit les personnes liées aux victimes directes par le lien fa’a’amu (lien nourricier). Ce dernier désigne le confiage d’un enfant à un parent nourricier, créant des liens affectifs étroits et durables ainsi qu’une solidarité familiale, intergénérationnelle ou fraternelle, avec les membres de la famille de la personne exposée.
Cet article harmonise le régime d’indemnisation avec les dispositifs existants, en instaurant un délai de prescription décennal pour les ayants droit à compter du décès de la victime directe. Il rend également les nouvelles dispositions rétroactives pour les demandes déposées avant la promulgation de la présente loi, y compris pour les ayants droit.
Corollaire de la redéfinition des personnes éligibles à l’indemnisation, l’article institue une commission chargée d’élaborer un constat partagé entre l’État et les organismes d’assurance maladie concernés, c’est‑à‑dire ceux auprès desquels sont affiliées les personnes reconnues victimes directes par la présente loi. Ce constat porte à la fois sur les dépenses identifiées à partir des données comptables des organismes d’assurance maladie et sur une évaluation forfaitaire des dépenses pour lesquelles ces données font défaut.
L’article 3 de la proposition de loi définit les conditions permettant d’identifier l’ensemble des personnes exposées, y compris in utero, ayant ultérieurement contracté une pathologie potentiellement radio‑induite.
Pour l’Algérie, les dispositions de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français sont maintenues.
Pour la Polynésie française, les conditions de temps et de lieu sont établies comme suit : l’ensemble du territoire est considéré comme ayant été exposé aux rayonnements ionisants durant la période des essais atmosphériques. Pour la période des essais souterrains et du démantèlement, les atolls de Moruroa et de Fangataufa, sur lesquels les activités pouvaient disséminer des éléments radioactifs et exposer les individus à des rayonnements ionisants sont considérés comme zones exposées.
Enfin, compte tenu des conditions particulières de conduite des essais nucléaires en Polynésie française, l’article prévoit une souplesse pour établir l’exposition dans des situations exceptionnelles. cette disposition vise notamment les cas où des équipements, matériels, moyens de transport et engins provenant des sites d’expérimentation ont pu exposer des personnes aux rayonnements ionisants en dehors des zones dédiées aux essais et à leur préparation.
L’article 4 de la proposition de loi confère à la Commission de suivi des conséquences des essais nucléaires (CSCEN) un pouvoir décisionnaire pour l’élaboration de la liste des maladies potentiellement radio‑induites. Cette liste est régulièrement mise à jour par les membres de la commission, en fonction des demandes reçues, éclairés par les travaux de la communauté scientifique nationale et internationale. L’article prévoit également la pérennisation et la facilitation des réunions de la CSCEN, ainsi qu’une extension de son rôle à l’ensemble du processus d’indemnisation.
Ce renforcement du rôle de la CSCEN vise à réunir l’ensemble des acteurs du suivi sanitaire des conséquences des essais nucléaires, afin de réduire malentendus et frustrations. La commission discute régulièrement : la liste des traducteurs, pour faciliter les échanges entre les membres du CIVEN et les demandeurs ; la liste des experts évaluant les préjudices ; le choix des barèmes d’expertise ; ainsi que les référentiels applicables. Elle peut ensuite formuler des recommandations au CIVEN.
Ces mesures garantissent la solidité et la pertinence des décisions grâce à l’implication d’experts et de représentants des administrations compétentes, tout en renforçant leur légitimité par la participation de représentants politiques et associatifs. Elles contribuent également à une meilleure représentation de la Polynésie française au sein de la CSCEN, compte tenu des spécificités des conséquences sanitaires propres à ce territoire.
L’article 5 de la proposition de loi redéfinit les procédures devant le CIVEN, en conformité avec ses nouvelles missions et le nouveau fondement de l’indemnisation. La référence au seuil de 1 millisievert est supprimée, puisque l’indemnisation concerne les personnes exposées aux rayonnements ionisants issus des essais nucléaires français et ayant développé une ou plusieurs maladies potentiellement radio‑induites.
Le CIVEN vérifie que les conditions permettent de bénéficier non plus d’une présomption de causalité, mais d’une présomption d’exposition aux rayonnements ionisants. Dans l’exercice de sa mission, le CIVEN s’assure de la clarté de ses décisions et adapte sa communication au public susceptible de le solliciter.
L’article 6 de la proposition de loi précise les modalités de versement des indemnisations. Il prévoit, conformément au code civil, que l’acceptation d’une offre d’indemnisation rend irrecevable toute action juridictionnelle visant à réparer les mêmes préjudices. L’article exonère par ailleurs d’impôt l’indemnisation des préjudices subis par les personnes reconnues en vertu de la présente loi.
L’article 7 de la proposition de loi crée un titre dédié au souvenir des personnes exposées aux essais nucléaires.
L’article 8 de la proposition de loi contribue à la réparation mémorielle en instituant le 2 juillet – date de l’expérimentation de la première bombe nucléaire en Polynésie française en 1966 – comme journée nationale du souvenir, commémorant toutes les personnes exposées aux essais nucléaires français.
L’article 9 de la proposition de loi accorde à la période des expérimentations nucléaires françaises la place qu’elle mérite dans l’enseignement, afin que les populations, en Polynésie française et sur l’ensemble du territoire national, puissent s’approprier cette histoire. Conformément aux besoins exprimés lors des travaux de la commission d’enquête, la recherche est encouragée et la gestion des archives renforcée.
L’article 10 de la proposition de loi précise que les modalités de son application feront l’objet d’un décret en Conseil d’État.
L’article 11 de la proposition de loi définit le gage compensant pour l’État les charges résultant de son application.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Avant l’article 1er de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, il est inséré un intitulé ainsi rédigé :
« Titre Ier
« L’indemnisation des victimes
de l’exposition aux essais nucléaires
Article 2
L’article 1er de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi rédigé :
« I. – Peuvent obtenir la réparation intégrale de leur préjudice dans les conditions prévues par la présente loi :
« 1° Toute personne souffrant d’une pathologie potentiellement radio‑induite résultant d’une exposition à des rayonnements ionisants issus des essais nucléaires français et inscrite sur la liste mentionnée au V de l’article 3 de la présente loi ;
« 2° Les ayants droit de la personne visée au 1. En Polynésie française, est notamment considérée comme ayant droit toute personne attestant, par tout moyen, d’un lien de confiage fa’a’amu.
« II. – Si la personne est décédée, la demande de réparation peut être présentée par ses ayants droit. Si la personne est décédée avant la promulgation de la loi n du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir, au titre de sa succession, la demande doit être présentée par l’ayant droit dans un délai de dix ans à compter de la promulgation de cette loi. Si la personne décède après la promulgation de la même loi, la demande doit être présentée par l’ayant droit au plus tard le 31 décembre de la dixième année qui suit le décès.
« III. – Lorsqu’une demande d’indemnisation a fait, avant l’entrée en vigueur de la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir, l’objet d’une décision de rejet, le demandeur ou, s’il est décédé, ses ayants droit peuvent présenter une nouvelle demande d’indemnisation dans un délai de dix ans après la promulgation de la même loi.
« IV. – Lorsqu’une demande d’indemnisation a fait, avant l’entrée en vigueur de la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir, l’objet d’une décision favorable, les ayants droit du demandeur, au titre de leurs préjudices propres, peuvent présenter une demande d’indemnisation dans un délai de dix ans après la promulgation de la même loi.
« V. – Les personnes reconnues victimes des essais nucléaires avant l’entrée en vigueur de la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir, sont reconnues victimes de l’exposition aux essais nucléaires et conservent l’intégralité de leurs droits d’indemnisation. Les indemnités en cours de versement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi continuent à être versées selon les modalités prévues par la même loi.
« VI. – L’État prend en charge le remboursement des dépenses de santé engagées par les organismes d’assurance maladie concernés, liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites, sur la base d’une évaluation des dépenses associées aux victimes reconnues par la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir. Cette évaluation est élaborée conjointement entre les organismes concernés et l’État.
« À cette fin, il est créé une commission d’évaluation des dépenses liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites, composée :
« – d’un représentant de la caisse primaire d’assurance maladie, désigné par son président ;
« – d’un représentant de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, désigné par son président ;
« – de deux représentants de la Cour des comptes, désignés par son premier président ;
« – d’un représentant du ministre de la défense ;
« – d’un représentant du ministre chargé des outre‑mer ;
« – d’un représentant du ministre chargé de la santé ;
« – d’un représentant du président de la Polynésie française.
« VII. – La commission d’évaluation des dépenses liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites mentionnée au VI est chargée d’évaluer, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir, le montant des dépenses de santé engagées par les organismes d’assurance maladie, liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites pour les victimes reconnues par la présente loi. Le montant prend en compte les dépenses pour lesquelles les organismes d’assurance maladie disposent d’une évaluation sur la base de données comptables et d’une évaluation forfaitaire quand il n’existe pas de données comptables.
« Elle établit un rapport détaillé, transmis au Parlement, au Gouvernement, à l’assemblée de la Polynésie française et au gouvernement de la Polynésie française, proposant les modalités d’évaluation et de remboursement de ces dépenses aux organismes d’assurance maladie concernés.
« La commission est dissoute à compter de la remise de son rapport.
« VIII. – Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir, les organismes d’assurance maladie exercent les recours prévus à l’article L. 376‑1 du code de la sécurité sociale par subrogation aux personnes visées au 1° du I du présent article, sur la base des modalités d’évaluation établies dans le rapport de la commission d’évaluation des dépenses engagées liées aux soins des pathologies potentiellement radio‑induites. »
Article 3
L’article 2 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi rédigé :
« I. – La personne souffrant d’une pathologie potentiellement radio‑induite doit avoir résidé, séjourné ou travaillé :
« 1° Soit entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d’expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres ;
« 2° Soit entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1974, en Polynésie française ;
« 3° Soit entre le 1er janvier 1975 et le 31 décembre 1998, sur les atolls de Moruroa et Fangataufa et en tout lieu sur lequel il est démontré que des matériels liés au Centre d’expérimentation du Pacifique, étaient susceptibles d’exposer à des rayonnements ionisants, à cette période.
« II. – La personne souffrant d’une pathologie potentiellement radio‑induite née d’une personne ayant résidé, séjourné ou travaillé pendant sa grossesse, entre le 13 février 1960 et le 31 décembre 1967 au Centre saharien des expérimentations militaires, ou entre le 7 novembre 1961 et le 31 décembre 1967 au Centre d’expérimentations militaires des oasis ou dans les zones périphériques à ces centres, est assimilée à la personne visée au 1° du I du présent article.
« III. – La personne souffrant d’une pathologie potentiellement radio‑induite née d’une personne ayant résidé, séjourné ou travaillé pendant sa grossesse, entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1974, en Polynésie française, est assimilée à la personne visée au 2° du I du présent article.
« IV. – Le demandeur justifie, en cas de besoin avec le concours des administrations concernées, que la personne visée au 1° du I de l’article 1er a résidé, séjourné ou travaillé dans les zones et durant les périodes visées au présent article et qu’elle est atteinte de l’une des maladies figurant sur la liste mentionnée au V de l’article 3. »
L’article 3 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi rédigé :
« I. – La commission de suivi des conséquences des essais nucléaires assure le suivi de l’indemnisation et de la réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires.
« II. – La commission comprend :
« – trois représentants de l’État et au moins un membre du gouvernement de la République française ;
« – le président de la Polynésie française ou son représentant ;
« – le président de l’assemblée de la Polynésie française ou son représentant ;
« – deux députés ;
« – deux sénateurs ;
« – cinq représentants des associations représentatives de victimes de l’exposition aux essais nucléaires ;
« – trois personnalités qualifiées dans le domaine de la radioprotection ;
« – un médecin nommé par le conseil de la Polynésie française de l’ordre des médecins, en raison de sa compétence dans le domaine de la réparation des dommages corporels.
« III. – La présidence de la commission est assurée conjointement par un membre du Gouvernement et le président de la Polynésie française ou leurs représentants.
« IV. – Un membre du Gouvernement ou le président de la Polynésie française réunit la commission au moins deux fois par an. La commission peut aussi se réunir à l’initiative du tiers de ses membres.
« V. – Le Gouvernement, sur proposition de la commission de suivi des conséquences des essais nucléaires, établit et actualise régulièrement la liste des pathologies potentiellement radio‑induites pouvant résulter d’une exposition à des rayonnements ionisants en prenant en compte les travaux reconnus par la communauté scientifique nationale et internationale.
« VI. – La commission se saisit des matières suivantes :
« 1° La liste des traducteurs proposés par le comité d’indemnisation des victimes de l’exposition aux essais nucléaires aux demandeurs ;
« 2° La liste des médecins‑experts missionnés par le comité d’indemnisation des victimes de l’exposition aux essais nucléaires pour réaliser les expertises médicales afin d’évaluer le préjudice des victimes ;
« 3° Les barèmes médico‑légaux utilisés par les médecins‑experts missionnés par le comité d’indemnisation des victimes de l’exposition aux essais nucléaires ;
« 4° Les barèmes d’indemnisation applicables par le comité d’indemnisation des victimes de l’exposition aux essais nucléaires.
« Après chaque réunion, la commission rédige un rapport sur les matières visées du 1° au 4° du présent VI, qui est transmis aux membres de la commission. Il est rendu public dans un délai de trois mois à compter de son adoption par la commission.
« VII. – La commission est compétente pour établir son règlement intérieur. »
Article 5
L’article 4 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi modifié :
1° Au I, la seconde occurrence du mot : « des » est remplacée par les mots : « de l’exposition aux » ;
2° Le II est ainsi modifié :
a) Le 1° est ainsi modifié :
– les mots : « dont la fonction est assurée par un » sont supprimés ;
– les mots : « par un magistrat » sont supprimés ;
b) Le 2° est ainsi modifié :
– le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« – un médecin nommé sur proposition du conseil de la Polynésie française de l’ordre des médecins en raison de sa compétence dans le domaine de la radiopathologie ;
« – un médecin nommé sur proposition du Haut Conseil de la santé publique en raison de sa compétence dans le domaine de la réparation des dommages corporels ; »
– au cinquième alinéa, les mots : « de victimes » sont remplacés par les mots : « des victimes de l’exposition aux » ;
– au neuvième alinéa, les mots : « du huitième alinéa » sont remplacés par les mots : « de l’alinéa précédent » ;
3° Le III est ainsi rétabli :
« III. – Le président du comité d’indemnisation des victimes de l’exposition aux essais nucléaires a qualité pour ester en justice après autorisation du comité. » ;
4° Le IV est ainsi rédigé :
« IV. – Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu’elles le sont, l’intéressé bénéficie d’une présomption irréfragable d’exposition à des rayonnements ionisants issus des essais nucléaires français.
« Le comité procède ou fait procéder à toute investigation scientifique ou médicale utile, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.
« Il peut requérir de tout service de l’État, d’une collectivité publique ou d’un organisme gestionnaire de prestations sociales ou assureur, et la communication de tous les renseignements nécessaires à l’instruction de la demande. Ces renseignements ne peuvent être utilisés à d’autres fins que cette dernière.
« Les membres du comité et les agents désignés pour les assister doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’application de l’article 413‑9 du code pénal, à connaître des informations visées aux alinéas précédents.
« Dans le cadre de l’examen des demandes, le comité respecte le principe du contradictoire. Le demandeur peut être assisté par une personne de son choix. Le comité propose obligatoirement au demandeur l’assistance d’un traducteur. »
5° Le V est ainsi rédigé :
« V. – Les décisions du comité doivent être précédées d’un débat contradictoire, où le demandeur est présent ou représenté. » ;
6° Le VI est abrogé.
Article 6
Le second alinéa de l’article 5 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est remplacé par des II à IV ainsi rédigés :
« II. – Toute réparation déjà perçue par le demandeur à raison des mêmes chefs de préjudice, et notamment le montant actualisé des pensions éventuellement accordées, est déduite des sommes versées au titre de l’indemnisation prévue par la loi n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir.
« III. – L’acceptation de l’offre d’indemnisation vaut transaction au sens de l’article 2044 du code civil et désistement de toute action juridictionnelle en cours. Elle rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.
« IV. – À la fin du 33° ter de l’article 81 du code général des impôts, la référence : ‘‘n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français’’ est remplacée par la référence : ‘‘n° du visant à reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français, à améliorer leur indemnisation et à commémorer leur souvenir’’ ».
Article 7
Après l’article 5 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, il est inséré un titre II ainsi rédigé :
« Titre II
« Le souvenir des personnes exposées aux essais nucléaires ».
Article 8
L’article 6 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi rédigé :
« I. – Une journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des personnes exposées aux essais nucléaires français est instituée.
« II. – Cette journée est fixée au 2 juillet, date anniversaire de l’essai nucléaire Aldébaran. »
Article 9
L’article 7 de la loi n° 2010‑2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français est ainsi rédigé :
« I. – L’accessibilité des archives publiques et le recueil des archives privées par les organismes compétents sont améliorés, de bonne foi, par tout moyen.
« II. – Les programmes de recherche de toute discipline intéressée par la période des expérimentations nucléaires françaises ainsi qu’à l’ensemble de ses conséquences sont encouragés.
« III. – Les programmes scolaires de l’enseignement secondaire accordent une place à la période des expérimentations nucléaires françaises, ainsi qu’à l’ensemble de ses conséquences. »
Article 10
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de la présente loi.
Article 11
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.