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N° 1953
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à supprimer la mention du sexe sur les cartes nationales d’identité,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Jean-François COULOMME, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L’origine historique de la mention du sexe sur la carte nationale d’identité
En France, les lettres « M » et « F » figurent sur les papiers d’identité de tous les citoyens dès la naissance. Notre pays s’est construit sur une catégorisation binaire, homme/femme, héritée d’un passé où les droits différaient selon le sexe. En effet, l’organisation sociale et juridique reposait sur l’autorité détenue par les hommes, excluant explicitement les femmes. Autrefois, être homme ou femme impliquait des droits différents, et la mention du sexe à l’état civil servait à justifier ces inégalités, structurant ainsi l’accès aux droits et leur application dans la société.
Une telle mention du sexe permettait donc de restreindre un grand nombre de droits.
Premièrement, le droit de vote et d’éligibilité était réservé aux hommes ; les femmes ne l’ont obtenu en France qu’en 1944, et cette restriction était basée sur leur sexe tel qu’inscrit à l’état civil.
En outre, avant 1985, la filiation était principalement patrilinéaire, ce qui signifie que le nom et la lignée étaient transmis par le père. Les femmes étaient exclues du rôle d’autorité sur leurs enfants. Le père avait le contrôle exclusif sur la famille, et la mère n’était qu’une figure subordonnée, sans pouvoir juridique sur la filiation ou la gestion des biens de ses enfants.
Quant à l’accès à l’emploi, certaines professions étaient réservées aux hommes, et la mention du sexe permettait de faire respecter ces restrictions. Les femmes n’avaient pas le même accès aux opportunités professionnelles que les hommes. Par exemple : les métiers militaires étaient interdits aux femmes jusqu’en 1972. Elles n’ont pu devenir magistrates (juges, procureures) qu’à partir de 1946. L’accès aux métiers industriels lourds, dans les mines, la sidérurgie ou certaines usines chimiques, a été soumis à des interdictions légales jusqu’en 1965.
De plus, concernant la gestion des biens, les femmes mariées n’avaient pas le droit de gérer leurs propres biens sans l’autorisation de leur mari. Cette restriction était appliquée en fonction du sexe inscrit à l’état civil.
En outre, les droits civiques et politiques étaient considérablement restreints. Cela inclut le droit de vote, le droit de se présenter à des élections, le droit de témoigner en justice, etc. Les femmes étaient considérées comme des citoyennes passives, exclues des processus décisionnels et des responsabilités publiques. Par exemple, elles ne pouvaient pas témoigner dans les actes d’état civil ou notariés, c’est‑à‑dire qu’elles ne pouvaient pas témoigner dans des documents officiels comme les actes de naissance, de mariage ou de décès, ou dans des actes notariés (acte de vente immobilière, donation, testament, promesse de vente…).
Enfin, cette mention permettait d’éviter les mariages considérés comme illicites comme ceux entre personnes du même sexe, qui étaient interdits. Aujourd’hui, ce type d’union est autorisé en France depuis le 17 mai 2013, grâce à la loi dite « Loi Taubira ».
Ainsi, la mention du sexe a donc contribué à construire une différence sociale entre les femmes et les hommes. Aujourd’hui, ces derniers disposent des mêmes droits et devoirs. L’homme ne bénéficie plus d’avantages sociaux, juridiques ou légaux. Il n’existe donc plus aucune raison de justifier une inégalité entre les sexes.
Aujourd’hui, l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de droits progresse, mais elle n’est pas encore pleinement atteinte. Des inégalités persistent, notamment en termes de salaires, de répartition des responsabilités domestiques, d’accès à certains postes à hautes responsabilités ou encore face aux violences sexistes et sexuelles. La société continue toutefois de tendre vers plus d’équité et de justice. Dans cette perspective, supprimer la mention du sexe sur la carte nationale d’identité pourrait constituer une avancée symbolique et concrète vers une égalité réelle, en limitant les discriminations fondées sur le genre.
Une inscription non utile d’un point de vue administratif et juridique
En effet, cette mention n’est pas nécessaire pour procéder à l’identification des personnes puisque la mention du sexe sur les documents d’État civil ne reflète en rien l’apparence ou l’identité vécue d’une personne. Il est courant que l’apparence d’un individu ne corresponde pas aux stéréotypes ou aux attentes sociales associées au sexe inscrit sur ses papiers officiels. Cette discordance peut entraîner des situations de malaise, de discrimination, voire de remise en question de l’identité de la personne concernée. Ainsi, l’utilité de cette mention est discutable : elle ne permet pas d’identifier efficacement une personne. Ce n’est pas l’indication du sexe qui garantit la reconnaissance d’un individu, mais bien d’autres éléments comme la photo, le nom, les prénoms, la nationalité, la date et le lieu de naissance.
Cependant, ces régimes discriminatoires ne s’appliquent plus aujourd’hui. Bien que des termes comme « père » et « mère » soient toujours utilisés, le droit français ne prévoit plus de traitement différencié en fonction du sexe dans la reconnaissance et l’exercice des droits. En conséquence, il n’existe plus de justification juridique à la conservation de la mention du sexe sur la carte nationale d’identité.
En ce qui concerne les contrôles d’identité des forces de l’ordre, le sexe n’est jamais demandé, car il n’a aucune utilité pratique, pour cette autre raison il n’y a pas d’utilité à le faire figurer sur une pièce d’identité.
En outre, cette mention peut rendre plus compliquée l’identification d’une personne par les services de l’État et créer de la souffrance. La mention du sexe figurant sur les documents d’identité ne dit rien de l’apparence physique d’une personne. Celle‑ci peut tout à fait avoir une apparence qui ne correspond pas aux attentes sociales associées à la mention de sexe indiquée sur ses pièces d’identité.
Dans certaines situations, comme un contrôle d’identité ou la justification de l’identité, l’écart entre l’apparence d’une personne et la mention de son sexe peut engendrer un malaise, voire une incompréhension, pouvant mener à des violences verbales et physiques, une stigmatisation et une discrimination institutionnelle fondée sur des critères misogynes et des stéréotypes sexistes dépassés, liés à l’apparence ou à l’habillement (ex : jupe pour les femmes, cheveux courts pour les hommes), mais aussi à des obstacles dans l’accès aux droits. Pour un agent administratif, un policier ou toute autre personne chargée de vérifier une identité, la situation peut être déstabilisante, mais ce sont avant tout les personnes concernées qui en subissent les conséquences, la vivent comme une expérience humiliante et en souffrent, souvent de façon répétée à chaque confrontation à travers des questions inutiles et indiscrètes. Le problème ne vient pas de leur corps ou de leur apparence, mais du regard normatif porté sur elles ; et ce regard pourrait évoluer si les règles administratives changeaient pour permettre que la réalité dépasse deux cases à cocher.
Ainsi, cette mention est un choix politique récent plus qu’une nécessité administrative. Selon l’association “Toutes des femmes”, la mention du sexe pourrait être simplement supprimée à terme, d’autant qu’elle n’apparaissait pas sur les cartes d’identité françaises avant 1955. Le fait qu’elle ait été absente jusqu’à cette date montre bien qu’il ne s’agit pas d’un élément fondamental ou indispensable à l’identification d’une personne. Sa réintroduction relève donc davantage de choix politiques que d’une véritable nécessité administrative.
Une mention contraire aux principes constitutionnels
La question du droit à l’autodétermination se pose puisque le principe de libre disposition de soi implique que chaque individu est libre de disposer de son corps et de son identité. Les citoyens devraient être libres de choisir la manière dont ils souhaitent être identifiés, sans que l’État ne leur impose une catégorisation fondée sur des critères biologiques ou sociaux. Imposer une telle mention constitue une atteinte à ce droit fondamental de définir soi‑même son identité. Les citoyens doivent pouvoir façonner leur propre identité et la vivre en toute liberté et sécurité.
La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 garantit d’ailleurs aux individus que l’État les traite de manière égale et impose que les distinctions opérées ne peuvent avoir pour objet que de promouvoir une égalité concrète et réelle.
Ainsi, l’article 1 affirme que « les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » L’article 6 dispose quant à lui que « la loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
La mention du sexe sur les papiers d’identité implique pour l’État d’identifier le sexe des individus, créant ainsi une distinction sexuelle binaire de principe qui au stade des papiers d’identité n’a pas pour objet de garantir une égalité réelle entre les individus. Pire, cette mention est facteur de discrimination.
Le principe de non‑discrimination interdit toute discrimination fondée le sexe. L’inscription du sexe sur la carte nationale d’identité est une forme de discrimination, car elle peut contraindre celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans les catégories « homme » ou « femme », comme les personnes transgenres, non‑binaires, intersexe, ou celles qui choisissent d’avoir un genre différent de leur sexe biologique, à révéler une information qui ne correspond pas à leur identité.
Ainsi, la mention du sexe est source de stigmatisation, de marginalisation et d’invisibilisation, donc de discrimination. Cela contrevient à la liberté fondamentale de chacune et chacun de disposer de soi et de son identité personnelle
Une mention contraire au droit européen
L’arrêt du 13 mars 2025 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) confirme que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) s’applique au changement de la mention du genre dans les registres d’État civil. Depuis cette date, dans les pays membres de l’Union européenne, toute personne souhaitant modifier son état civil, c’est‑à‑dire la mention de son genre sur ses papiers d’identité, a le droit de le faire en vertu du RGPD et du droit à l’autodétermination (le droit pour chaque personne de faire ses propres choix sur sa vie, son corps et son identité, sans être forcée par les autres). Contrairement à la législation européenne antérieure, la personne n’a plus l’obligation de passer par le juge aux affaires familiales, qui était auparavant chargé, à partir d’un dossier de preuves, de statuer sur la légitimité de cette demande de changement. Désormais, il est possible de demander la modification de son État civil sans que l’État n’exige de conditions médicales ni la preuve d’un traitement chirurgical (comme la réassignation sexuelle), ni une procédure judiciaire. Cela garantit que le droit à la rectification ne peut pas être limité par de telles exigences. En revanche, la personne qui souhaite modifier sa mention de genre doit fournir des éléments de preuve suffisants pour démontrer que les informations sur ses papiers sont incorrectes. La France doit maintenant adapter sa législation pour respecter le droit européen, et donc à minima supprimer la mention du sexe sur le document d’identité français.
Quant au Conseil de l’Europe, il recommande depuis 2015 aux États membres de « permettre aux personnes intersexuées de ne pas choisir un marqueur de genre spécifié, masculin ou féminin, sur l’État civil ». Supprimer cette mention sur les cartes nationales d’identité permettrait de faciliter la mise en œuvre de cette recommandation.
Une mention contraire au droit international
Les principes de Jogjakarta affirment les normes juridiques internationales obligatoires auxquelles les États doivent se conformer. Des experts internationaux des droits humains ont rédigé, à l’initiative de la Commission internationale de juristes et du Service international pour les droits de l’homme, une codification des normes internationales des droits humains relatives à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre. Ils appellent à la reconnaissance juridique sans entrave du genre en recommandant aux États de « mettre fin à l’enregistrement du sexe et du genre de la personne dans les documents d’identité tels que les certificats de naissance, les cartes d’identité, les passeports et les permis de conduire, et en tant que partie intégrante de sa personnalité juridique ». Ainsi, il devient essentiel de supprimer la mention du sexe sur les pièces officielles et premièrement la carte d’identité pour garantir le respect de la dignité et des droits individuels.
Quant à l’expert indépendant des Nations Unies sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, il a déclaré en 2018 dans le rapport de l’expert indépendant sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre que « les systèmes juridiques doivent, en permanence, examiner attentivement le raisonnement qui sous‑tend la collecte et l’exposition de certaines données », exprimant « des doutes importants quant à la nécessité réelle de l’exposition omniprésente des marqueurs de genre dans la documentation officielle et non officielle ». Il affirme que les États et les institutions doivent remettre en question en permanence les raisons qui justifient la collecte et l’affichage de certaines données personnelles, en particulier celles liées au genre, et ne pas le faire par simple habitude ou tradition. Il appelle ainsi à réduire, voire à supprimer, l’affichage obligatoire du genre, sauf si cela est strictement nécessaire, afin de protéger la vie privée et de lutter contre les discriminations.
Une mention facteur d’inégalités persistantes
En France, bien que l’égalité entre les sexes soit un principe constitutionnel précisé dans l’article 3 du Préambule de la Constitution de 1946 – « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » – la mention du sexe sur les documents officiels peut contribuer à entretenir des inégalités. Cette distinction, en apparence anodine, peut renforcer l’idée que les individus doivent être catégorisés selon leur sexe, ce qui peut conduire à des différences de traitement dans divers domaines comme la parentalité, les pensions ou encore l’accès à certains droits. Par exemple, les femmes sont souvent confrontées à des attentes sociales spécifiques (comportement, maternité, rôle familial…), ainsi qu’à des discriminations comme les inégalités salariales. Le simple fait d’indiquer le sexe sur les papiers d’identité peut ainsi perpétuer des rôles sociaux dépassés, où être homme ou femme impliquait des droits et devoirs différents.
Dans le monde professionnel ou administratif, cette mention peut aussi favoriser une discrimination indirecte et systémique. Dans certains secteurs encore peu ouverts à la parité, le sexe inscrit sur une carte d’identité peut influencer les décisions d’embauche ou d’évolution de carrière. Les stéréotypes de genre sont parfois renforcés par cette catégorisation, nuisant à l’égalité des chances. Enfin, cette pratique peut être perçue comme incohérente avec le principe de non‑discrimination. En assignant systématiquement une personne à une catégorie de sexe, on risque d’exclure ou de désavantager celles et ceux dont l’identité de genre ou l’apparence ne correspond pas au sexe inscrit sur les pièces d’identité. Cela peut empêcher un accès équitable aux droits, et renforcer des inégalités structurelles. En somme, la mention du sexe sur les pièces officielles, loin d’être neutre, peut entretenir des discriminations systémiques et remettre en cause le principe d’égalité entre tous les citoyens. Elle ne crée pas une caractéristique socialement valorisée ou dévalorisée en soi, mais elle contribue à maintenir des mécanismes de différenciation qui renforcent les inégalités, plutôt que de promouvoir une véritable équité. Le maintien d’une catégorisation binaire par l’État constitue un facteur d’inégalités persistantes entre les personnes dites « conformes » aux normes binaires de genre comme l’homme et la femme et celles qui n’y correspondent pas, en instaurant une inégalité de traitement entre ces deux groupes.
De plus, dans le milieu professionnel, si le sexe est un critère discriminant (dans les salaires, les opportunités de carrière, ou l’accès à certains postes), il peut même être illégal : les inégalités salariales entre hommes et femmes en France, et ce malgré les lois sur l’égalité salariale, en sont une illustration.
Ainsi, supprimer la mention du sexe sur la carte d’identité pourrait être considéré comme bénéfique dans ce contexte car cela contribuerait à limiter les discriminations basées sur le genre dans le monde professionnel en réduisant les biais conscients ou inconscients lors du recrutement, luttant symboliquement contre les stéréotypes de genre et permettrait de mieux inclure les personnes non‑binaires ou transgenres.
L’impact sur les personnes de la communauté LGBT
En France, la mention du sexe étant obligatoire sur les papiers d’identité, cela reviendrait‑il à dire qu’on ne peut être pleinement citoyen sans avoir, au préalable, été classé comme homme ou femme ? Alors que se passe‑t‑il pour une personne trans, dont l’identité de genre ne correspond pas au sexe qui lui a été attribué à la naissance, pour les personnes non‑binaires, ou pour les personnes intersexes, dont le corps ne correspond pas aux normes binaires ? Cela signifierait‑il que ces personnes ne peuvent accéder à une citoyenneté pleine et entière tant qu’elles ne se conformeront pas à une catégorie binaire imposée ?
L’idée sous‑jacente est en effet profondément problématique : si l’État impose une classification binaire comme condition d’existence administrative, il contribue à invisibiliser, voire à exclure, toutes celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans ce cadre. Cela soulève une véritable question de justice sociale et de respect des droits fondamentaux. Qu’il s’agisse du droit de vote, de la possibilité de voyager hors des frontières nationales, de se marier ou encore d’établir des liens de filiation sous leur vrai nom et genre, toutes ces démarches nécessitent la présentation d’une pièce d’identité. Or, de nombreuses personnes trans ne peuvent y accéder simplement. C’est d’ailleurs ce que relevait l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2022 concernant l’accès à la vie politique pour les personnes trans. Pourtant, le droit de vote est présenté dans tous les cours d’éducation civique comme un élément fondamental de la citoyenneté. Il est inacceptable que certains citoyens en soient encore privés aujourd’hui. C’est pourquoi il est nécessaire de supprimer la mention du sexe sur la carte nationale d’identité. Cette suppression permettrait de garantir une citoyenneté pleine et égale pour toutes et tous.
Pour toutes ces raisons, il semble indispensable et urgent d’adapter notre législation à l’évolution de notre société.
Cette proposition de loi vise donc à supprimer la mention au sexe qui existe actuellement.
L’article unique vise à exclure la mention du sexe des informations présentes sur la carte nationale d’identité.
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proposition de loi
Article unique
Le chapitre Ier du titre Ier bis du livre Ier du code civil est complété par un article 17‑13 ainsi rédigé :
« Art. 17‑13. – Tout personne ayant la nationalité française peut disposer d’une carte nationale d’identité. Celle‑ci comporte exclusivement le nom de famille, les prénoms, la date et le lieu de naissance, la taille, la nationalité, le domicile ou la résidence de l’intéressé ou, le cas échéant, le lieu où il a fait élection de domicile dans les conditions prévues à l’article L. 264‑1 du code de l’action sociale et des familles, et, si celui‑ci le demande, le nom dont l’usage est autorisé par la loi. ».