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N° 2028

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère en outre-mer dans le secteur des services,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe NAILLET, M. Christian BAPTISTE, Mme Béatrice BELLAY, M. Elie CALIFER, M. Jiovanny WILLIAM, M. Boris VALLAUD, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, M. Belkhir BELHADDAD, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, Mme Martine FROGER, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, M. Sacha HOULIÉ, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Roger VICOT,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vie chère en Outre‑mer ne s’arrête pas à la sortie du supermarché.

Si les écarts exorbitants de prix avec l’hexagone pour l’alimentation occupent de manière compréhensible une part importante de l’attention médiatique, il est impératif de rappeler que la vie chère est un phénomène complexe qui s’immisce à répétition dans le quotidien de près de 2,9 millions d’habitants des territoires ultramarins de notre pays.

Elle est une affaire de prix trop élevés ainsi qu’une question de revenus trop faibles qui dure depuis bien longtemps. Qui plus est, les territoires ultramarins font face à des handicaps structurels et ont vu leur développement économique entravé par des logiques accentuant les dépendances aux importations et limitant la coopération avec les bassins régionaux environnants.

Il faut sans cesse le rappeler, la vie chère vient de loin. Plusieurs mouvements de contestations ont traversé les Outre‑mer. Fin 2008 en Guyane, de janvier à mars 2009 aux Antilles, en 2011 à Mayotte, de mars à avril 2017, à nouveau en Guyane, de février à avril 2018 à nouveau à Mayotte et de novembre à décembre 2018 à La Réunion, et plus récemment encore en 2024 avec un mouvement social d’ampleur en Martinique. Ces mobilisations populaires rappellent avec force à l’ensemble de nos concitoyens combien ces injustices perdurent et fissurent chaque jour un peu plus la promesse de l’égalité républicaine.

Dès lors, la cherté de la vie couplée à une précarité sociale importante forme un cocktail explosif qui met à mal la cohésion sociale et vient nourrir un sentiment d’injustice légitime, d’autant plus que les écarts de prix pour des services proposés ne présentent aucune véritable justification.

En outre, quand bien même certains facteurs comme l’éloignement ou encore l’insularité peuvent parfois expliquer une différence de coût, le principe de l’égalité républicaine doit assurer, au nom de la solidarité nationale, une compensation permettant à toutes et à tous, un égal accès aux services publics et au territoire national.

La lutte contre ce coût excessif de la vie en outre‑mer est au cœur du projet politique des socialistes.

En effet, les lois « Régulation économique » et « Égalité réelle » initiées par M. Victorin Lurel et portées au Gouvernement par les ministres George Pau‑Langevin et Ericka Bareigts, avaient mis en place des outils pour les pouvoirs publics qui leur permettent de lutter contre les marges abusives et les pratiques anticoncurrentielles.

Sous la précédente législature, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont été à l’initiative d’une commission d’enquête sur « le coût de la vie Outre‑mer » dont le rapport présenté en juillet 2023 est venu poser des constats détaillés sur les mécanismes pernicieux à l’œuvre dans les Outre‑mer et tracer des solutions.

Le combat des socialistes contre la vie chère s’est également poursuivi à l’Assemblée nationale sous la législature en cours avec l’adoption en première lecture, lors de notre dernière journée parlementaire réservée, de la proposition de loi visant à prendre des mesures d’urgence contre la vie chère et à réguler la concentration des acteurs économiques dans les territoires d’outre‑mer et au Sénat avec l’adoption en première lecture de la proposition de loi portée par M. Victorin Lurel visant à renforcer le droit de la concurrence et de la régulation économique outre‑mer

Ainsi, la présente proposition de loi aspire à poursuivre ce travail parlementaire en prévoyant des mesures d’urgence pour lutter contre la vie chère dans le secteur des services. Celle‑ci n’est pas exhaustive mais elle permettra de mettre fin à des écarts de traitement injustifiés entre les citoyens ultramarins et le reste des citoyens du pays.

L’article 1er vise à modifier l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques pour étendre la péréquation tarifaire à l’ensemble du territoire national en y incluant les territoires ultramarins. En effet, la péréquation tarifaire qui prévaut actuellement s’applique uniquement sur le territoire « métropolitain ». Actuellement, les territoires ultramarins ne bénéficient de la péréquation tarifaire que pour les envois d’un poids inférieur à 100 grammes. Au‑delà, des prix supérieurs à l’hexagone sont actuellement pratiqués en totale contradiction avec le service universel postal.

L’article 2 vise à modifier l’article L 1803‑4 du code des transports pour mettre en œuvre un véritable tarif plafond concernant les billets d’avion pour les résidents ultramarins. Il s’agit d’un dispositif clé qui participera à la mise en œuvre d’une politique de continuité territoriale ambitieuse. Par conséquent, cet article institue deux tarifs plafonds « résident ». Tout d’abord un tarif plafond général « résident » applicable à toute personne justifiant de sa résidence fiscale et qui varie selon les collectivités en fonction notamment de la distance, des caractéristiques de desserte et des coûts moyens observés. Puis, un tarif plafond spécifique « résident », applicable aux bénéficiaires d’un bon délivré au titre de l’aide à la continuité territoriale. Ce plafond spécifique est fixé de manière à garantir que le reste à charge du bénéficiaire ne puisse excéder 50 % du prix moyen du billet sur la liaison aérienne concernée.

L’article 3 vise à rétablir et compléter le dispositif prévu par la loi « Lurel » en interdisant aux établissements bancaires de pratiquer des tarifs supérieurs, dans les territoires ultramarins, aux tarifs pratiqués dans n’importe quelle région de l’Hexagone pour les mêmes prestations. En plus de rétablir ce dispositif abrogé par ordonnance en 2021, cet article accorde des pouvoirs à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour assurer le respect de cette interdiction. Il permet en outre à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de prononcer à l’encontre de l’établissement concerné par le non‑respect de cette interdiction, une sanction pécuniaire et d’enjoindre le remboursement aux clients des sommes indûment perçues.

L’article 4 gage cette proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le sixième alinéa de l’article L. 1 du code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phase, le mot : « métropolitain » est remplacé par le mot : « français » ;

2° La deuxième phrase est ainsi modifiée :

– après le mot : « Constitution », sont insérés les mots : « de la Nouvelle‑Calédonie, » ;

– après le mot : « Saint‑Martin, », sont insérés les mots : « de la Polynésie française, » ;

– à la fin, les mots : « métropolitain lorsque ces envois sont d’un poids inférieur à 100 grammes » sont remplacés par les mots : « français, quelle que soit la tranche de poids des envois » ;

3° La dernière phrase est supprimée.

Article 2

L’article L. 1803‑4 du code des transports est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Afin de garantir l’effectivité du droit à la continuité territoriale et de limiter les écarts tarifaires entre les territoires ultramarins et le territoire métropolitain, il est institué deux tarifs plafonds « résident » applicables aux liaisons aériennes régulières mentionnées au présent article :

« 1° Un tarif plafond général « résident », défini par décret conjoint du ministre chargé des transports et du ministre chargé de l’outre‑mer, applicable à toute personne justifiant de sa résidence fiscale principale dans l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 1803‑2. Ce tarif plafond varie selon les collectivités, en fonction notamment de la distance, des caractéristiques de desserte et des coûts moyens observés.

« 2° Un tarif plafond spécifique « résident », applicable aux bénéficiaires d’un bon délivré au titre de l’aide à la continuité territoriale. Ce plafond est fixé de manière à garantir que le reste à charge du bénéficiaire ne puisse excéder 50 % du prix moyen du billet sur la liaison aérienne concernée.

« Lorsque le prix du billet excède le tarif plafond applicable, la différence entre ce prix et le tarif plafond est prise en charge, par l’Agence de l’outre‑mer pour la mobilité prévue à l’article L. 1803‑10, selon des modalités fixées par voie réglementaire.

« Un arrêté conjoint du ministre chargé des transports et du ministre chargé de l’outre‑mer définit les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de fixation, de révision et de contrôle des tarifs plafonds « résident », ainsi que les modalités de compensation versées aux transporteurs. »

Article 3

L’article L. 711‑22 du code monétaire et financier est ainsi rétabli :

« Dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre‑mer de Saint‑Barthélemy, de Saint‑Martin et de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, pour les services bancaires de base mentionnés au III de l’article L. 312‑1, les établissements de crédit ne peuvent pratiquer des tarifs supérieurs à la moyenne de ceux que les établissements ou les caisses régionales du groupe auquel ils appartiennent pratiquent dans l’Hexagone.

« Les établissements de crédit présents dans ces collectivités participent chaque année à une réunion présidée par le représentant de l’État et en présence de l’Institut d’émission des départements d’outre‑mer afin de définir ensemble les mesures nécessaires à la détermination des tarifs visés au premier alinéa.

« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution contrôle le respect des obligations mentionnées au premier alinéa et peut, après mise en demeure restée sans effet, prononcer à l’encontre de l’établissement concerné une sanction pécuniaire dont le montant est déterminé proportionnellement au produit net bancaire réalisé dans la collectivité concernée au cours du dernier exercice clos. L’Autorité peut également enjoindre le remboursement aux clients des sommes indûment perçues.

« L’Autorité établit chaque année un rapport public présentant les mesures prises en application du présent article, les manquements constatés et les sanctions prononcées.

« Les dispositions du présent article s’appliquent sans préjudice des sanctions pénales ou civiles auxquelles l’établissement pourrait être exposé en vertu des textes en vigueur. »

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.