N° 2032

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 octobre 2025.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses mesures d’adaptation de la législation relative à la gestion des déchets relevant de la responsabilité élargie du producteur en outre-mer,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jiovanny WILLIAM,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La gestion des déchets au sein des territoires d’outre‑mer se situe au carrefour des problématiques de santé publique ; d’une part en raison de l’exposition aux infections telles que la dengue, le chikungunya, le paludisme – lorsque ces derniers ne sont pas collectés – et d’autre part, du fait de considérations environnementales majeures et du risque d’affecter, par certaines pratiques, la biodiversité dans son ensemble.

Nichée au cœur de la notion de développement durable, la gestion des déchets en outre‑mer est contrainte à un niveau d’exigence supérieure, afin de préserver des espaces labellisés et inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation). C’est notamment le cas des Pitons, cirques et remparts de La Réunion inscrits depuis le 24 juillet 1995 et reconnus comme des réserves de biosphère depuis le 1er octobre 2011, mais également les îles Marquises en Polynésie française. La liste n’est pas exhaustive et s’étend également à la Guyane et à son massif amazonien qui procure à la France l’avantage d’un bilan carbone et d’une gestion des émissions de gaz à effet de serre exemplaire. La labellisation de ces réserves de biosphère a notamment été étendue à Mayotte le 14 juin 2017 et à la Martinique depuis le 15 septembre 2021.

Dans ces conditions, l’entrée en vigueur de la loi n° 2020105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « AGEC », a été perçue par les acteurs de la gestion des déchets relevant des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), comme une opportunité d’augmenter le niveau de performance de la collecte, du tri et de la valorisation au sein de ces territoires vulnérables et en outre, particulièrement exposés aux risques naturels.

Articulée autour de 130 articles, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) poursuivait un objectif principal, celui de passer d’une économie linéaire (produire, consommer, jeter), à une économie circulaire et durable autour du principe pollueur‑payeur.

Les ambitions de la loi AGEC étaient par ailleurs clairement exprimées pour les territoires d’outre‑mer : ramener sur une période de 3 à 5 ans les objectifs de performance de ces territoires vers ceux de la France hexagonale.

En somme, au titre de l’année 2023, les déchets relevant des filières REP collectés et triés, ont atteint 115 393 tonnes pour l’ensemble des territoires d’outre‑mer contre 10 566 207 de tonnes pour le territoire hexagonal, soit une moyenne de 52 kilogrammes de déchets collectés par habitant en outre‑mer, contre 160 kilogrammes par habitant résidant en Hexagone selon les statistiques de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

L’objectif n’est donc pas atteint, rappelant ainsi la portée des dispositions de l’article 1er de la loi n° 2017256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outremer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, dite EROM, qui dispose que « La République reconnaît (aux territoires ultramarins) le droit d’adopter un modèle propre de développement durable pour parvenir à l’égalité dans le respect de l’unité nationale ».

La présente proposition de loi vise à proposer des adaptations utiles à une meilleure performance des filières à responsabilité élargie du producteur au sein des territoires ultramarins. Bon nombre des éco‑organismes et des systèmes individuels déployés localement, peinent à s’investir à hauteur des enjeux exposés. Les auditions des acteurs de ce secteur ont permis d’identifier plusieurs problématiques récurrentes et communes, qui appellent l’attention du législateur.

Déclinée autour de trois articles, la proposition de loi soumise à la discussion, vise par un article 1er à définir un plan outremer en amont de l’octroi de l’agrément délivré aux écoorganismes. Si ce plan figure bien au sein des exigences légales, à ce jour, la déclinaison des engagements et du processus déployé au sein des territoires ultramarins, sont définis après l’octroi de cet agrément. Ce qui prive l’autorité ministérielle d’un contrôle des engagements en amont, autant que les collectivités, d’un droit contributif destiné à définir un plan adapté à leurs besoins réels.

Dans cet ordre d’idée, l’absence de définition d’objectifs spécifiques à atteindre au sein des territoires ultramarins, confond le niveau d’engagement des éco‑organismes, qui se conforment aux seuls objectifs nationaux. Les résultats des territoires d’outre‑mer sont dilués dans cet ensemble. Par suite, il est proposé d’assigner aux éco‑organismes, des objectifs territorialisés, détaillés et chiffrés en matière de collecte, de traitement, de valorisation et d’expédition des déchets exportés. Ce point est crucial et contribuera à une clarification du niveau d’exigence souhaité pour chaque territoire.

Par ailleurs, par souci de clarification, ce cahier des charges doit préciser sans équivoque, les modalités de prise en charge et de réexpédition des déchets relevant des filières sans exutoires. Pneus, textiles, huiles usagées, piles et électroménagers, sont réexpédiés aux termes de conditions financières inégales d’un éco‑organisme à l’autre, à défaut de dispositions législatives explicites sur la garantie de continuité territoriale, jusqu’aux centres de traitement nationaux. Par conséquent, afin de définir des contours d’intervention clairs, l’éco‑organisme devra au support de sa demande d’agrément, produire un plan de continuité territoriale intérieure et extérieure, détaillant les conditions de desserte entre îles mais aussi celles de l’intérieur des terres vers les zones de traitement. Ce plan précise enfin, les conditions de rapatriement des déchets provenant de filières sans exutoires, vers la France hexagonale.

Afin de lutter contre les zones blanches, ce même plan, prévoit les conditions du reversement aux collectivités gestionnaires de la compétence déchets, des écocontributions perçues et pour lesquelles aucun service effectif n’est intervenu. Cette redistribution a pour objectif de compenser le coût de cette gestion, retransférée de fait, aux collectivités. C’est notamment le cas pour l’intérieur des terres de la Guyane.

À cela s’adosse un mécanisme de financement direct au bénéfice des opérateurs de collecte et de tri et de leurs structures intermédiaires, en cas de rupture du service ou de leur défaillance.

Plusieurs autres difficultés ont pu être relevées, incluant des décisions unilatérales des éco‑organismes, de co‑contracter avec un seul opérateur local. Tel n’est pas l’esprit de la loi AGEC. Par suite, afin de garantir plus de transparence et de visibilité au sein de cet écosystème, la proposition de loi vient rendre obligatoire la publicité de la liste des personnes physiques ou morales, recrutées sur place en qualité de facilitateur et dans l’intérêt de ces écoorganismes.

L’article 2 Toujours sur le plan financier, les éco‑organismes seront désormais tenus de contractualiser le seuil minimum de leur engagement financier et de reversement annuel des sommes perçues au titre des écocontributions collectées au sein de ces territoires. Afin de parvenir aux objectifs qui leur sont assignés au sein de leur cahier des charges, ce seuil de réinvestissement ne saurait être inférieur à 60 % des écocontributions annuelles perçues.

Pour rappel, des milliers d’écocontributions ont été collectées consécutivement aux achats des consommateurs ultramarins, puis reversées aux éco‑organismes, sans pour autant qu’ils n’aient fourni de prestations entre l’année 2020 et la date effective de leur implantation locale. Aucun rattrapage n’est intervenu et certaines filières récemment implantées demeurent cinq années plus tard, discrètes. La présente proposition de loi vient répondre à la demande des acteurs locaux, de voir ces écocontributions servir durablement l’intérêt des territoires.

L’article 3 vient en dernier lieu inscrire sans ambiguïté, l’obligation pour les écoorganismes, d’assurer la prise en charge des coûts du transport, lorsque les déchets collectés ne peuvent être traités localement et doivent nécessairement être exportés vers le territoire hexagonal, à des fins de valorisation ou de réemploi. Il en va de même s’agissant du coût des transports entre îles ou de l’acheminement de l’intérieur des terres vers les zones de traitement.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

I. – La sous‑section 2 de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement est ainsi modifiée :

1° L’article L. 541‑10 est ainsi modifié :

a) Au quatrième alinéa du I, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « de l’Hexagone et des collectivités relevant de l’article 72‑3 de la Constitution » ;

b) Le II est ainsi modifié :

Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il fixe préalablement à l’octroi de l’agrément, des objectifs territorialisés, détaillés et chiffrés en matière de collecte, de traitement, de valorisation et d’expédition des déchets exportés. » 

– Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Il prévoit un plan de continuité territoriale intérieure et extérieure, détaillant le circuit des déchets entre les îles ou de l’intérieur des terres et des enclaves vers les zones de traitement ainsi que ces dernières vers le territoire hexagonal, lorsque leur traitement ou leur valorisation n’est pas réalisée au sein de la collectivité. Le plan de continuité territoriale précise les modalités de cette prise en charge financière par les éco‑organismes, identifie les zones blanches caractérisées par une impossibilité d’accès par la voie terrestre ou celles qui sont caractérisées par l’existence d’un service limité.

« Les éco‑organismes et les systèmes individuels reversent aux collectivités territoriales compétentes en matière de gestion des déchets, l’intégralité des écocontributions perçues et pour lesquelles aucune contrepartie n’est intervenue.

« Le plan de continuité territoriale intérieure et extérieure prévoit en outre un mécanisme de financement direct au bénéfice des opérateurs de collecte et de tri et de leurs structures intermédiaires, en cas de rupture du service ou de leur défaillance, opposable dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cette défaillance. »

c) À l’avant‑dernière phrase du VII, les mots : « avant sa mise en œuvre » sont remplacés par les mots : « préalablement à l’octroi de l’agrément sollicité » ;

2° Le II de l’article L. 541‑10‑14 est complété par un 4° ainsi rédigé :

« 4° Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint‑Martin et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, la liste des personnes physiques ou morales rémunérées par l’éco‑organisme afin de faciliter sur place les échanges administratifs et commerciaux. »

Article 2

Le III de l’article L. 541‑10‑18 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À titre dérogatoire, les éco‑organismes sont tenus de contractualiser le seuil minimum de leur engagement financier et de reversement annuel des sommes perçues au titre des écocontributions collectées au sein des collectivités régies par les dispositions de l’article 73 de la Constitution, à Saint‑Martin et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon. Afin de parvenir à la réalisation des objectifs assignés par leur cahier des charges, relatifs à la collecte, au traitement, à la valorisation, à l’expédition des déchets et au soutien aux collectivités dans le cadre du développement de solutions territoriales adaptées, ce taux ne saurait être inférieur à 60 %. »

Article 3

L’article 64 de la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est ainsi rédigé :

« I. – Les éco‑organismes exerçant leurs activités au sein des collectivités régies par les dispositions de l’article 73 de la Constitution, à Saint‑Martin et à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, prennent en charge les coûts de transport entre ces territoires et la France hexagonale lorsque ces derniers ont vocation à être exportés à des fins de valorisation ou de réemploi.

« II. – Lorsque ces derniers exercent leurs activités au sein de la collectivité de la Guadeloupe, ils assurent une continuité entre les îles et prennent en charge les coûts de transport des îles de Marie‑Galante, la Désirade, Terre de haut et Terre de bas vers la Guadeloupe dite « continentale ».

« III. – Les éco‑organismes exerçant leurs activités au sein de la collectivité de la Guyane, prennent en charge ces mêmes coûts afin de rapatrier les déchets en provenance des communes enclavées de l’intérieur des terres ou de celles qui ne sont pas desservies par le réseau routier. »