N° 2113

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 novembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

posant l’interdiction de la fabrication, de la commercialisation et de l’emploi des pièges à colle et dispositifs connexes,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Emmanuel MANDON, M. Pierrick COURBON, Mme Corinne VIGNON, M. Olivier FALORNI, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. Gabriel AMARD, M. Ian BOUCARD, M. Michel CASTELLANI, M. Mickaël COSSON, M. Arthur DELAPORTE, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Cyrille ISAAC-SIBILLE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Sophie METTE, Mme Joséphine MISSOFFE, Mme Louise MOREL, M. Jacques OBERTI, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Richard RAMOS, Mme Alexandra MARTIN, M. Benoît LARROUQUIS, M. François GERNIGON, Mme Catherine HERVIEU, Mme Sylvie BONNET, M. Damien MAUDET, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Philippe VIGIER, Mme Dominique VOYNET, M. Stéphane HABLOT,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La condition animale revêt une importance majeure dans la société française et pour les citoyens.

Mais notre droit n’a intégré que partiellement cette préoccupation. Selon un sondage récent, 73 % des Français perçoivent comme illégitime la souffrance animale, 67 % pensent que cette préoccupation est insuffisamment prise en compte par les politiques publiques.

Pourtant, la réglementation française autorise toujours les pièges à colle, connus également sous les appellations de « colle à rats » ou « pièges à la glu ». Ces produits causent des souffrances inacceptables aux animaux capturés. Les rongeurs et autres animaux piégés peuvent se briser les os ou se ronger les membres en tentant de se libérer, et souffrir de la faim et de la soif avant de succomber.

Non sélectifs, les pièges à colle nuisent à la sauvegarde de la biodiversité, en capturant des animaux pouvant appartenir à des espèces protégées comme les rouges‑gorges ou les hérissons.

En droit interne, l’article 515‑14 du code civil reconnaît que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Cette disposition impose que leur souffrance soit prise en compte dans l’élaboration de la norme juridique, notamment lorsque des dispositifs comme les pièges à colle sont susceptibles de leur infliger une souffrance prolongée.

Si le bien‑être animal ne relève pas directement du bloc de constitutionnalité, et notamment n’est pas visé par la Charte de l’environnement, qui prend en compte l’environnement en tant que patrimoine commun, il bénéficie néanmoins d’une reconnaissance croissante dans le droit positif.

Ce cadre permet au législateur d’adopter des mesures spécifiques de protection animale, dès lors qu’elles sont fondées sur un objectif d’intérêt général et qu’elles respectent le principe de proportionnalité.

Par ailleurs, en droit de l’Union européenne, la décision d’exécution (UE) 2017/1532 impose, pour les pièges collants, que « la mise à mort soit effectuée séparément », ce qui suppose une surveillance humaine continue et une intervention rapide. Cette exigence vise à limiter les souffrances inutiles, et s’inscrit dans la logique de l’article 13 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), aux termes duquel l’Union et les États membres doivent tenir compte des exigences du bien‑être des animaux en tant qu’êtres sensibles dans leurs politiques.

Or, aucune garantie effective ne permet d’assurer que les animaux capturés sont systématiquement mis à mort par l’utilisateur, conformément aux exigences européennes. Dans la pratique, de nombreux emballages de pièges à colle ne prévoient aucune indication relative à la mise à mort de l’animal, se contentant de recommander l’élimination du piège en l’état, y compris lorsque l’animal est encore vivant. Cette absence de précaution entraîne un risque élevé de souffrance prolongée, contraire aux principes de protection animale.

La convergence croissante entre le droit français et le droit de l’Union autour de la prise en compte de la souffrance animale permet de justifier des mesures législatives restrictives visant à limiter ou interdire les dispositifs les plus attentatoires au bien‑être animal.

Des méthodes alternatives aux pièges à colle existent : cages de capture, tapettes, ou encore ultrasons. La France accuse un retard vis‑à‑vis d’autres États tels que l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne ou la Nouvelle‑Zélande qui ont d’ores et déjà interdit la commercialisation des pièges à colle.

Une prise de conscience néanmoins s’opère. À l’initiative des associations de protection animale, la majorité des grandes enseignes nationales de bricolage, de jardinage et de la grande distribution, ont ainsi stoppé la vente des pièges à colle dans leurs magasins, d’autres se sont engagés à le faire. L’achat en ligne reste néanmoins toujours possible sur les sites spécialisés.

Il paraît par conséquent nécessaire d’instituer l’interdiction totale des pièges à colle par la loi. En ce sens, l’article 1er précise la portée générale de cette interdiction dans le code de l’environnement.

Cette interdiction s’applique à toutes les opérations liées à ces dispositifs, qu’elles concernent leur élaboration, leur circulation ou leur utilisation. Elle inclut notamment la mise au point, la fabrication, la production, l’importation, l’exportation, le stockage, la mise sur le marché, la cession, l’acquisition, la publicité et l’utilisation.

L’objectif est de couvrir de manière complète la chaîne de diffusion de ces pièges, en cohérence avec l’objet de la proposition de loi, en excluant néanmoins de son champ les invertébrés tel que les cafards pour lesquels il sera toujours possible de recourir aux pièges à colle.

L’article 2 vise à garantir l’efficacité de cette interdiction en l’assortissant de sanctions pénales suffisamment dissuasives.

 

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 427‑8‑1 du code de l’environnement, sont insérés des articles L. 427‑8‑2 à L. 427‑8‑4 ainsi rédigés :

« Art. L. 42782.  Est considéré comme un piège à colle tout dispositif, qu’il soit fini, partiellement assemblé ou en cours de fabrication, comportant une surface adhésive destinée à la capture d’animaux, à l’exclusion des invertébrés.

« Sont également considérés comme des pièges à colle les matériaux, dispositifs ou substances expressément conçus, présentés, commercialisés ou utilisés pour constituer, assembler ou fabriquer un piège à colle tel que défini au premier alinéa, quel que soit leur état ou leur présentation commerciale. Sont exclus de cette définition les dispositifs ou substances destinés exclusivement à la capture d’invertébrés.

« Art. L. 42783.  Sont interdits :

« 1° La mise au point, la fabrication, la production, l’importation, l’exportation, le stockage à des fins de commercialisation, la mise sur le marché et la cession de pièges à colle ;

« 2° L’acquisition, le stockage à des fins d’usage personnel et l’utilisation de tels dispositifs ;

« 3° Toute forme de publicité, y compris par voie électronique, en faveur des pièges à colle.

« Art. L. 42784.  Les infractions aux interdictions prévues à l’article L. 427‑8‑3 sont punies conformément aux articles 521‑3 à 521‑5 du code pénal. »

Article 2

Le chapitre Iᵉʳ du titre II du livre V du code pénal est complété par des articles 521‑3 à 521‑5 ainsi rédigés :

« Art. 5213.  Le fait, en violation du 1° de l’article L. 427‑8‑3 du code de l’environnement, de mettre au point, fabriquer, produire, importer, exporter, stocker à des fins de commercialisation, mettre sur le marché ou céder un piège à colle tel que défini à l’article L. 427‑8‑2 du même code, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.

« Art. 5214.  Le fait, en violation du 2° de l’article L. 427‑8‑3 du code de l’environnement, d’acquérir, de stocker à des fins d’usage personnel ou d’utiliser un piège à colle est puni de 3 750 € d’amende.

« Art. 5215.  Le fait, en violation du 3° de l’article L. 427‑8‑3 du code de l’environnement, de faire de la publicité, sous quelque forme que ce soit, y compris par voie électronique, en faveur d’un piège à colle est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« La juridiction peut également prononcer les peines complémentaires prévues à l’article 131‑6 du présent code. »