N° 2207

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la protection du droit de propriété face aux occupations sans droit ni titre et à rétablir l’équilibre avec le droit au logement,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Sophie RICOURT VAGINAY,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le droit de propriété, garanti par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, est inviolable et sacré. Pourtant, de nombreux propriétaires se trouvent aujourd’hui privés de leur bien du fait de l’occupation sans droit ni titre, communément appelée « squat ».

Ces situations entraînent des conséquences graves : impossibilité d’habiter son logement, perte de loyers, charges supportées sans compensation, frais de remise en état parfois considérables. Les procédures d’expulsion sont souvent longues et complexes, malgré les améliorations récentes apportées par la loi du 7 décembre 2020 dite « ASAP ».

Parallèlement, la loi du 5 mars 2007 a consacré le droit au logement opposable (DALO), qui constitue un droit fondamental mais qui n’est opposable qu’à l’État et non aux particuliers. Il en résulte une contradiction : les propriétaires privés supportent seuls les conséquences d’une carence dans la mise en œuvre du droit au logement, alors même que cette responsabilité incombe à l’État.

La présente proposition de loi vise à rétablir l’équilibre entre ces deux droits fondamentaux, en protégeant les propriétaires tout en responsabilisant l’État. Elle comporte deux volets :

1. La création d’un Fonds d’indemnisation des propriétaires victimes de squats (FIPS).

Ce fonds indemnise les propriétaires dont le logement est occupé illicitement. L’indemnisation couvre un loyer de marché, les charges courantes et les frais de remise en état ainsi que les frais de procédure et d’expertise nécessaires pour constater l’occupation illicite. L’État, subrogé dans les droits du propriétaire, conserve la possibilité de recouvrer les sommes auprès des occupants. Le FIPS s’accompagne de mesures de suivi telles que la création d’un registre national des logements vacants et la mise en place d’une cellule nationale d’observation des occupations illicites, permettant de centraliser les données, formuler des recommandations, évaluer l’efficacité des procédures et déclencher des procédures d’expulsion conformément à la loi.

2. L’accélération des procédures d’expulsion.

La procédure administrative d’évacuation, prévue à l’article 38 de la loi DALO, est étendue à tout type de logement, qu’il soit résidence principale, secondaire, vacant ou destiné à la location. Le préfet doit statuer dans un délai de sept jours ouvrés, et le recours suspensif des occupants est limité à quarante‑huit heures. Le préfet peut ordonner l’expulsion immédiate avec concours des forces de l’ordre si le logement est vacant et occupé sans droit ni titre. La trêve hivernale est expressément rendue inapplicable aux squatteurs, tout en demeurant pleinement applicable aux locataires de bonne foi. Le suivi des délais et l’efficacité des expulsions font l’objet d’un rapport annuel au Parlement, accompagné de la publication des données sur les occupations illicites.

Ce dispositif apporte une réponse équilibrée :

– protection du droit de propriété,

– responsabilisation de l’État dans la mise en œuvre du droit au logement,

– dissuasion des occupations illicites,

– et garantie de l’accès aux dispositifs publics adaptés pour les personnes en difficulté.

 


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proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 300‑1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 300‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 30011.  Le droit au logement n’est pas opposable aux propriétaires privés.

« Lorsqu’un logement est occupé sans droit ni titre, l’État indemnise le propriétaire au titre de l’atteinte portée à son droit de propriété.

« Cette indemnisation comprend :

« 1° Une somme équivalente au loyer de marché local constaté pour un logement de caractéristiques comparables ;

« 2° Les charges locatives et de copropriété supportées durant la période d’occupation ;

« 3° Le cas échéant, les frais de remise en état du logement sur présentation de justificatifs ;

« 4° Les frais de procédure et d’expertise nécessaires pour constater l’occupation illicite.

« Le versement de l’indemnisation emporte subrogation de l’État dans les droits du propriétaire à l’encontre des occupants sans droit ni titre. »

Article 2

Il est créé un fonds d’indemnisation des propriétaires victimes de squats, établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre chargé du logement.

Ce fonds assure la gestion des demandes et procède aux versements prévus à l’article L. 300‑1‑1 du code de la construction et de l’habitation. L’indemnisation est opposable uniquement à l’État, qui en assume la pleine responsabilité. Aucun occupant privé ne peut être tenu directement de verser l’indemnisation. L’État est subrogé dans les droits du propriétaire à l’encontre des occupants sans droit ni titre afin de recouvrer, le cas échéant, les sommes versées.

Un décret en Conseil d’État précise les modalités de fonctionnement du fonds, les barèmes de référence pour l’évaluation du loyer, les justificatifs exigés, les délais d’instructions et les modalités de recouvrement. Le FIPS est financé par une dotation de l’État, ainsi que par les remboursements obtenus auprès des occupants sans droit ni titre.

Le fonds est financé par une fraction de la taxe sur le tabac, déterminée par décret, ainsi que par les remboursements obtenus auprès des occupants sans droit ni titre, le cas échéant.

Article 3

L’article 38 de la loi n° 2007‑290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« En cas d’introduction et de maintien dans tout logement, qu’il s’agisse d’une résidence principale, d’une résidence secondaire, d’un logement vacant ou destiné à la location, ou dans tout local à usage d’habitation, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le logement est occupé, toute personne agissant dans son intérêt ou le propriétaire des lieux peut demander au représentant de l’État dans le département de mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux. Cette demande est accompagnée d’une plainte, de tout document établissant les droits de l’intéressé sur le logement et d’un constat d’occupation illicite établi par un officier de police judiciaire, le maire ou un commissaire de justice. »

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le représentant de l’État dans le département statue dans un délai maximal de sept jours ouvrés à compter de la réception de la demande. Le recours formé devant la juridiction administrative n’est suspensif que s’il est introduit dans les quarante‑huit heures suivant la notification de la décision préfectorale. Lorsque le logement est vacant et occupé sans droit ni titre, le préfet peut ordonner l’expulsion immédiate avec le concours de la force publique. »

Article 4

Pour assurer le suivi et la coordination des occupations, un dispositif national est institué, sous l’égide des observatoires régionaux du logement, structures existantes placées sous l’autorité du ministère chargé du logement, et comprend :

1° La tenue d’un registre national des logements vacants, tenu par l’État, accessible aux collectivités et aux forces de l’ordre pour faciliter la prévention des occupations illicites ;

2° La mise en place d’une cellule nationale d’observation des occupations illicites, chargée de centraliser les données et de proposer des recommandations ;

3° Le registre permet à l’État et aux autorités compétentes de déclencher les procédures d’expulsion conformément à la loi ;

4° Le gouvernement remet chaque année un rapport au Parlement sur l’efficacité du fonds, les délais d’expulsion, les mesures de prévention et publie les données sur les occupations illicites.

Article 5

La présente loi s’applique à l’ensemble du territoire national.

Article 6

La présente loi entre en vigueur à compter de sa publication au Journal officiel de la République française.

Article 7

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.