N° 2273

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir un régime déclaratif pour l’instruction en famille,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Josiane CORNELOUP, M. Hubert BRIGAND, M. Fabrice BRUN, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Alix FRUCHON, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, M. Patrick HETZEL, M. Philippe JUVIN, M. Thomas LAM, M. Philippe LATOMBE, M. Corentin LE FUR, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Alexandra MARTIN, M. Kévin MAUVIEUX, M. Laurent MAZAURY, M. Pierre MEURIN, Mme Laure MILLER, M. Paul MOLAC, M. Christophe NAEGELEN, M. Jérôme NURY, Mme Maud PETIT, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, M. Antoine VILLEDIEU,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la loi du 28 mars 1882, la République reconnaît aux familles la liberté de choisir les modalités d’instruction de leurs enfants. Ce principe, confirmé par le Conseil constitutionnel comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République, s’inscrit dans le droit fil du Préambule de la Constitution de 1946 ainsi que de l’article 26.3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, selon lequel « les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d’éducation à donner à leurs enfants ».

Or, la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a profondément modifié ce cadre juridique. L’instruction en famille, auparavant soumise à un régime déclaratif, est désormais conditionnée à une autorisation administrative préalable, fondée sur un nombre strictement limité de motifs. Cette réforme a inversé la logique historique de la liberté d’enseignement en substituant un principe de méfiance administrative à un principe de confiance encadrée.

Quatre ans après son entrée en vigueur, les effets concrets de ce nouveau régime sont aujourd’hui objectivement mesurables. Le rapport de la Cour des comptes publié en juin 2025 dresse un constat particulièrement sévère : le régime d’autorisation s’est révélé coûteux, complexe, inégalitaire, juridiquement fragile et administrativement inefficace. Le nombre d’enfants instruits en famille est passé de 72 000 en 2021‑2022 à 30 644 en 2024‑2025, soit une baisse de 57 %.

Cette chute ne traduit pas un désintérêt des familles pour l’instruction en famille, mais résulte principalement des obstacles administratifs créés par la réforme. Les procédures sont lourdes, les délais d’instruction souvent incompatibles avec la préparation d’une rentrée scolaire, les exigences de justification sont disproportionnées, et les taux d’acceptation varient fortement d’une académie à l’autre. En 2024, 23 % des demandes ont fait l’objet d’un refus, parfois sans motivation suffisamment précise. Près de 40 % des familles ont engagé un recours administratif préalable, dont plus d’un tiers a abouti favorablement, révélant l’importante insécurité juridique du dispositif.

La Cour des comptes constate également une hausse de 71 % des contentieux liés à l’instruction en famille en un an, illustrant l’engorgement croissant des juridictions administratives sur ce contentieux spécifique.

Parallèlement, l’État a créé 80 postes supplémentaires d’inspecteurs afin d’assurer la gestion et le suivi du régime d’autorisation, pour un coût estimé à 8,7 millions d’euros par an, alors même que les enfants concernés représentent moins de 0,3 % de l’ensemble des enfants d’âge scolaire.

Ces moyens déployés apparaissent d’autant plus disproportionnés que l’efficacité pédagogique de l’instruction en famille n’est nullement remise en cause. Plus de 90 % des contrôles sont jugés satisfaisants et seuls 4 % des enfants font l’objet d’une réorientation vers un établissement scolaire. Ces chiffres sont constants depuis plusieurs années. L’instruction en famille constitue dans la majorité des cas une solution temporaire, adaptée à des situations spécifiques telles que le harcèlement scolaire, l’anxiété, la phobie scolaire, les troubles du neuro‑développement, le handicap, l’itinérance professionnelle ou encore certaines contraintes familiales.

Dans son rapport de juin 2025, la Cour des comptes recommande explicitement une inflexion du cadre juridique actuel. Elle préconise une simplification du dispositif, une harmonisation nationale des pratiques, une modernisation des procédures et un recentrage de l’action publique sur les contrôles pédagogiques a posteriori. Elle observe que l’objectif légitime de protection de l’enfance ne justifie pas le maintien d’un régime d’autorisation généralisé.

La présente proposition de loi tire directement les conséquences de ces constats.

Elle vise à rétablir un régime déclaratif pour l’instruction en famille, en supprimant l’exigence d’autorisation préalable introduite en 2021. Elle procède pour cela à une modification des articles L. 131‑2 et L. 131‑5 du code de l’éducation afin de revenir à une déclaration annuelle effectuée auprès du maire et de l’autorité académique.

Elle supprime corrélativement les dispositions relatives à l’autorisation administrative (notamment l’article L. 131‑5‑1), et met en cohérence l’ensemble des articles du code de l’éducation relatifs au contrôle, à la vérification des motifs et au suivi de l’instruction en famille, notamment les articles L. 131‑10, L. 131‑10‑1 et L. 131‑11.

Ce rétablissement du régime déclaratif ne constitue en aucun cas un affaiblissement des exigences éducatives. Les contrôles municipaux et académiques sont pleinement maintenus. L’autorité de l’État conserve l’ensemble de ses pouvoirs d’intervention, y compris la possibilité d’imposer une scolarisation en établissement en cas de carence éducative avérée. Il s’agit non pas de réduire la protection de l’enfant, mais de recentrer les moyens de l’administration sur les situations à risque réel.

La présente proposition de loi poursuit ainsi un triple objectif : restaurer une liberté fondamentale, garantir l’égalité de traitement des familles sur l’ensemble du territoire, et rationaliser l’action publique en la rendant plus efficace et juridiquement plus sécurisée. Elle s’appuie sur les constats d’une institution indépendante, sur des données objectivées, et sur les attentes exprimées par de nombreuses familles, associations, juristes, enseignants et élus locaux.

 


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proposition de loi

Article unique

Le chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa de l’article L. 131‑2, les mots : « , sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131‑5 » sont supprimés ;

2° L’article L. 131‑5 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– à la fin, les mots : « bien, à condition d’y avoir été autorisées par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, lui donner l’instruction en famille » sont remplacés par les mots : « déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille. » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Dans ce cas, il est exigé une déclaration annuelle. » ;

b) Le deuxième aliéna est complété par les mots : « ou de choix d’instruction » ;

c) Les quatrième à quinzième alinéas sont supprimés ;

d) Au seizième alinéa, les mots : « obtenu l’autorisation mentionnée au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « déclaré qu’ils feront donner à cet enfant l’instruction dans la famille » ;

3° L’article L. 131‑5‑1 est abrogé ;

4° L’article L. 131‑10 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « de verifier la réalité des motifs avancés par les personnes responsables de l’enfant » sont remplacés par les mots : « d’établir les raisons alléguées par les personnes responsables de l’enfant » ;

b) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « la délivrance de l’autorisation » sont remplacés par les mots : « la déclaration d’instruction par les personnes responsables de l’enfant » ;

c) À la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « l’autorisation qui leur est accordée » sont remplacés par les mots : « la déclaration annuelle qu’elles sont tenues d’effectuer » ;

5° À l’article L. 131‑10‑1, les mots : « sont autorisées à donner » sont remplacés par le mot : « donnent » ;

6° À l’article L. 131‑11, la référence : « L. 131‑5‑1, » est supprimée.