N° 2274

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la transparence des dépenses de soutien aux aéroports,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christine ARRIGHI, M. Alexis CORBIÈRE, M. Charles FOURNIER, Mme Lisa BELLUCO, Mme Sandrine ROUSSEAU, M. Arnaud BONNET, M. Nicolas BONNET, Mme Eva SAS, Mme Dominique VOYNET, Mme Julie OZENNE,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le soutien public au secteur aéroportuaire mobilise chaque année des montants significatifs issus de l’État et des collectivités, sans que l’information disponible permette toujours d’en apprécier l’exhaustivité, la légalité, l’efficacité économique et la cohérence avec nos engagements environnementaux.

Le rapport d’information sur les dépenses de soutien aux aéroports ([1]) met en lumière un enchaînement de mécanismes de soutien (des modulations de redevances, contrats mercatiques, subventions publiques aux exploitants) dont la lisibilité, l’encadrement et l’évaluation demeurent insuffisants ([2]). Cette situation alimente une opacité préjudiciable au contrôle démocratique et à la bonne gestion des finances publiques ([3]).

Le diagnostic est sans ambiguïté. D’une part, les modulations pour améliorer l’utilisation des infrastructures sont trop souvent détournées de leur finalité pour octroyer des avantages discriminatoires assimilables à des aides déguisées, dans des conditions de notification lacunaires empêchant toute vision consolidée par l’autorité de régulation et l’administration ([4]). D’autre part, la pratique des contrats de prestations mercatiques conclus par certains aéroports avec des compagnies à bas coûts, pratique qui a donné lieu à un contentieux européen nourri, est jugée peu avantageuse pour les plateformes, coûteuse pour le contribuable ([5]) et contre-productive pour le climat, les retombées territoriales apparaissant limitées ([6]).

En aval, nombre d’aéroports – fragilisés par ces pratiques – dépendent de subventions d’exploitation dont l’avenir est incertain au regard du droit européen, et qui gagneraient à être conditionnées écologiquement et mieux documentées. À ce jour, l’ordre de grandeur des aides locales demeure approximatif (évalué en 2023 à soixante-six millions d’euros en moyenne annuelle ([7])) et la publicité des informations imparfaite, alors même que les élus locaux doivent pouvoir se prononcer en connaissance de cause. Fort de ces constats, le présent texte propose des évolutions permettant de remédier à ces manquements :

Premièrement, ce texte renforce la transparence des contreparties financières accordées par les exploitants d’aérodromes aux transporteurs aériens. Face à la multiplication et l’opacité de telles contreparties, il est proposé d’étendre et de pérenniser les obligations d’information et de publication. Pour ce faire, le texte institutionnalise une commission consultative économique pour tout aérodrome, élargit la transmission des informations et organise leur publication annuelle sur une plate-forme numérique nationale au plus tard le 1er juin de chaque année. Le droit positif réserve aujourd’hui la commission consultative économique à certaines plateformes répondant à des seuils de trafic. L’extension proposée permet d’unifier les pratiques de consultation et d’information à l’échelle du réseau aéroportuaire.

Deuxièmement, ce texte renforce le contrôle démocratique en rendant publics et accessibles en un clic les rapports régionaux sur les aides et en complétant leur contenu par une analyse de l’impact environnemental. Cette consolidation permettra d’améliorer l’effectivité d’un outil déjà prévu par le législateur et rappelé par la doctrine administrative, mais dont l’accessibilité et l’exhaustivité restent hétérogènes.

Troisièmement, il convient de sécuriser le périmètre des aéroports d’État. Le droit positif renvoie à un décret la liste des aérodromes d’intérêt national ou international appartenant à l’État. Cette restriction contraste avec la nécessité d’une énumération exhaustive pour lever toute ambiguïté sur le champ de compétence de l’État et la répartition des responsabilités entre l’ensemble des acteurs concernés. La proposition de loi clarifie cette situation en proposant une rédaction de cet article permettant d’affermir juridiquement le domaine aéroportuaire de l’État.

En dernier lieu, le texte propose d’étudier la possibilité de mieux outiller l’Autorité de régulation des transports afin qu’elle puisse mieux vérifier le respect du principe de l’opérateur en économie de marché dans les contrats mercatiques et les contrats de modulations de redevances signés par les aéroports avec des compagnies à bas coûts.

En somme, la présente proposition de loi répond à un triple impératif :

– d’abord, une intégrité et une transparence financières, en garantissant une information publique consolidée et la traçabilité des contreparties ;

– ensuite, une concurrence saine, en évitant les avantages discriminatoires et en outillant le contrôle ;

– enfin, une soutenabilité environnementale, en rendant visibles les impacts budgétaires et climatiques des soutiens financiers aux aéroports.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l’article L. 6311‑1 est ainsi modifié :

a) Les mots : « dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État » sont supprimés ;

b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La liste des aérodromes mentionnés à la première phrase est fixée par décret en Conseil d’État » ;

2° L’article L. 6325‑1 est complété par un II ainsi rédigé :

« II. – Pour tout aérodrome est instituée une commission consultative économique, dont un décret détermine les modalités de création, de fonctionnement et les compétences, sans préjudice des dispositions du présent article.

« Cette commission comprend de droit, outre les maires de toutes les communes du département dans lequel est situé, au moins partiellement, l’aérodrome, les personnes mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 280 du code électoral.

« L’exploitant de tout aérodrome transmet aux membres de la commission consultative économique de l’aérodrome, dans des conditions précisées par un arrêté du ministre chargé de l’aviation civile, des informations sur les conditions dans lesquelles des contreparties financières peuvent être accordées à un transporteur aérien par l’exploitant en vue de développer le trafic ou de créer de nouvelles liaisons, ainsi qu’un bilan annuel anonymisé des contreparties ainsi accordées, incluant le montant financier agrégé et le nombre de passagers concernés, au titre de l’exercice précédent.

« Au plus tard le 1er mars de chaque année, l’exploitant de tout aérodrome transmet au ministre chargé de l’aviation civile ainsi qu’à l’Autorité de régulation des transports, lorsqu’elle est compétente en application de l’article L. 6327‑1 du présent code, des informations sur les conditions dans lesquelles des contreparties financières ont été accordées l’année écoulée à un transporteur aérien par l’exploitant en vue de développer le trafic ou de créer de nouvelles liaisons, ainsi qu’un bilan annuel anonymisé des contreparties ainsi accordées, incluant le montant financier agrégé et le nombre de passagers concernés, au titre de l’année civile précédente.

« Au plus tard le 1er juin de l’année suivant celle concernée, l’État met à la disposition du public, sur une plate‑forme numérique, l’intégralité des informations et du bilan, mentionnés à l’alinéa précédent. »

Article 2

L’article L. 1511‑1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la fin de l’avant‑dernier alinéa, les mots : « et sociales » sont remplacés par les mots « , sociales et environnementales » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Au plus tard le 1er juin de l’année suivant celle concernée, l’État met à la disposition du public, sur une plate‑forme numérique, l’intégralité des rapports mentionnés au premier alinéa, ainsi que les procès‑verbaux des débats mentionnés à l’avant‑dernier alinéa. »

Article 3

Au plus tard le 31 décembre 2027, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’affecter une taxe dynamique et prélevée sur le secteur aérien à l’Autorité de régulation des transports afin de financer un éventuel renforcement de ses pouvoirs en matière de contrôle des contrats mercatiques et des contrats de modulations de redevances signés par les aéroports avec des compagnies à bas coûts, aux fins de vérifier le respect du principe de l’opérateur en économie de marché. 

Article 4

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


[1]  Rapport d’information n° 1659 de l’Assemblée nationale sur « les dépenses de soutien aux aéroports », réalisé dans le cadre des travaux du printemps de l’évaluation, publié le 2 juillet 2025.

[2]  Idem, pp 23 à 49.

[3]  Ibidem, pp 30 à 32 et 45 à 47.

[4]  Op.Cit, p. 26.

[5]  Rapport d’information n° 2385 de Mme Odile Saugues sur les aides aux aéroports régionaux et les taxes de sûreté des aéroports (E 4479), 23 mars 2010, p. 11.

[6]  Rapport d’information n° 1659 sur « les dépenses de soutien aux aéroports », juillet 2025, p. 36.

[7]  Rapport public thématique de la Cour des comptes sur « le maillage aéroportuaire français », juin 2023, p. 38.