– 1 –
N° 2280
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer la protection du secret des sources des journalistes,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Abdelkader LAHMAR, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde qui vit au rythme des fakes news et des polémiques fabriquées de toutes pièces ; alors que le droit à une information de qualité est sans cesse menacé, de Washington à Gaza en passant par Budapest, la liberté de la presse demeure, plus que jamais, l’un des piliers essentiels de l’idéal républicain. Consacrée en France par la loi du 29 juillet 1881, la liberté de la presse a pour condition la protection du secret des sources, considérée par la Cour européenne des droits de l’Homme comme une pierre angulaire de la liberté de la presse. Plus qu’une protection de la source elle‑même ou des journalistes, le secret des sources est une garantie de l’accès effectif du public à l’information, résumée par l’axiome sans secret des sources, pas de sources ; et sans sources, pas d’information ([1]).
Pourtant, depuis l’adoption de la loi n° 2010‑1, dite loi Dati, relative à la protection du secret des sources et promulguée le 4 janvier 2010 ([2]), au moins 27 journalistes ont été convoqué·es ou placé·es en garde à vue par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ([3]), selon un décompte réalisé par le journal Télérama. Preuve que notre pays a encore des progrès à faire en matière de protection des sources des journalistes. Ce décompte montre bien que la loi de 2010 n’est pas suffisante et qu’il est du devoir du législateur de se pencher de nouveau sur la question. Dès 2011, l’Association des journalistes de la presse judiciaire exigeait d’ailleurs l’abrogation d’[un] texte inutile, piétiné à peine adopté, et son remplacement par un dispositif sauvegardant réellement le secret des sources et permettant la sanction de ceux qui le violent délibérément ([4]).
Deux exemples récents, particulièrement choquants, mettent en évidence les lacunes de notre droit actuel :
– le 4 décembre 2024 : suspecté de recel de violation du secret professionnel, le journaliste Philippe Miller a été interpellé par une dizaine de policiers lors d’un rendez‑vous avec une source supposée. Son carnet de notes, son téléphone portable et son ordinateur ont été saisis. Sa garde à vue a duré près de 48 heures et son matériel professionnel a été exploité afin d’identifier ses sources ([5]).
– Le 17 janvier 2025, la journaliste Ariane Lavrilleux était convoquée au tribunal de Paris en vue d’une mise en examen en raison de sa contribution à des articles sur une opération militaire française secrète en Egypte que ce pays aurait détournée pour cibler et tuer des civils. Si la journaliste de Disclose a finalement échappé à des poursuites, cette convocation intervient après qu’elle a fait l’objet, à l’initiative de la DGSI, de mesures de filature, de géolocalisation, de surveillance de ses activités professionnelles et privées ainsi que d’une perquisition à son domicile et d’un placement en garde à vue durant 39 heures ([6]).
Ces situations sont la conséquence du manque de précision de notre droit actuel et de son inadéquation avec la réalité contemporaine de la presse et des attaques auxquelles elle doit faire face.
En effet, la loi autorise la levée du secret des sources au cours d’une enquête en cas d’impératif prépondérant d’intérêt public et si aucune mesure moins attentatoire n’aurait permis d’obtenir les informations ou preuves recherchées ([7]). Cette formulation vague, qui laisse en réalité une large marge de manœuvre aux autorités pour déterminer quelles infractions sont susceptibles de caractériser un tel impératif, est au cœur de la faiblesse du régime de protection des sources journalistiques. Il est donc vital de préciser, dans la loi, les circonstances qui constituent un « impératif prépondérant d’intérêt public » en restreignant le champ d’application de cette notion à la prévention et à la répression des crimes et délits constituants une atteinte à la personne humaine et puni d’au moins sept ans d’emprisonnement ainsi qu’aux atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation et aux actes terroristes punis d’au moins sept ans d’emprisonnement.
De plus, seuls les journalistes sont aujourd’hui théoriquement protégés contre les atteintes aux secrets des sources. Or les directeurs de rédaction ou de publication de même que de nombreux collaborateurs de médias ou d’entreprises de presse participant à la collecte, au traitement éditorial, à la production ou à la diffusion d’informations peuvent avoir connaissance d’éléments permettant d’identifier des sources. Ces personnes représentent donc des cibles évidentes pour toute institution ou organisation cherchant à porter atteinte au secret des sources. Il paraît donc nécessaire d’élargir le champ du droit à la protection du secret des sources à l’ensemble des collaborateurs de médias.
Au‑delà des pressions exercées par le pouvoir politique, certaines entreprises multinationales ou de puissants intérêts privées peuvent aussi chercher à instrumentaliser des procédures pour tenter de découvrir les sources de journalistes enquêtant sur eux ou sur des sujets les concernant.
Par exemple, la loi n° 2018‑670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires ([8]) a engendré des effets de bords indésirables. Certaines entreprises s’autorisent ainsi à saisir les tribunaux de commerces sous prétexte d’atteintes aux secrets des affaires afin d’entraver le travail d’investigation des journalistes. Ces tribunaux se retrouvent à gérer des affaires de presse alors qu’ils n’ont pas d’expertise en la matière… Ils ordonnent des saisies de matériel, des censures avant publication… Qui sont certes cassées ensuite par les juridictions compétentes, mais le mal est fait. Les avocats des multinationales sont ingénieux et abusent de ce genre de procédés. Il faut donc inscrire dans le droit de nouvelles garanties afin que les procédures judiciaires ne soient pas détournées de leur objet, tant par l’État que par des intérêts privés, à des fins d’entrave à la liberté de la presse.
Ainsi, afin d’empêcher l’instrumentalisation de procédures civiles dans un but d’identification des sources des journalistes, il est nécessaire de proclamer l’interdiction générale de porter atteinte au secret des sources en dehors d’une procédure pénale. En effet, le critère d’intérêt public ne devrait jamais par principe être rempli en matière civile – la nature de ce droit étant de protéger des intérêts privés. De même, les journalistes dévoilant des informations secrètes se révélant d’intérêt public ne doivent pas pouvoir être poursuivis pénalement pour recel de violation du secret professionnel, du secret de l’enquête ou de l’instruction au nom de leur mission d’information. De telles dispositions permettront de prévenir les procédures baillons, d’où qu’elles viennent, qui visent à entraver la liberté d’informer des médias et de leurs collaborateur·rice·s.
Aujourd’hui, une entreprise qui instrumentalise des procédures pénales pour empêcher le travail d’investigation d’un·e journaliste ne peut être poursuivie et condamnée pour ce motif. Il n’y a donc dans notre droit aucune disposition dissuasive permettant de prévenir de tels comportements. C’est pourquoi, il est proposé de renforcer les amendes visant à sanctionner les procédures abusives lorsque celles‑ci sont le fait d’entreprises et ont pour objectif d’entraver le travail d’information des journalistes.
Il est également proposé de créer une circonstance aggravante concernant certains délits, et notamment les délits d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données, d’atteinte à l’inviolabilité du domicile et à l’inviolabilité des correspondances, qu’ils soient commis ou non par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, lorsque le délit a pour objet de porter atteinte à la protection des sources d’information d’un bénéficiaire de cette protection. De telles dispositions permettent de rendre effectives les recommandations que la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) avait rendues, dès 2013, concernant la réforme de la protection du secret des sources ([9]).
D’autre part, la loi de 2010 ne crée aucune voie de recours pour des journalistes tiers à une procédure judiciaire en cas de violation du secret de leurs sources. Il est donc nécessaire d’autoriser les journalistes dont les sources ont été illégalement découvertes à demander la nullité des actes d’investigation concernés, ce qui aujourd’hui n’est possible que si le ou la journaliste en question est personnellement mis·e en cause dans la procédure. Il est également proposé de permettre à toutes les parties à une procédure de demander la nullité d’actes et de pièces en cas de violation du secret des sources.
Il est donc évident que la loi du 4 janvier 2010 doit être réformée pour mieux protéger le secret des sources. La loi n° 2016‑1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias ([10]), dite loi Bloche, avait cette ambition. Cependant, la censure de l’ensemble de l’article 4 de cette loi par le Conseil constitutionnel a empêché la mise en œuvre de plusieurs propositions pertinentes, dont certaines n’avaient donné lieu à aucune objection de la part du juge constitutionnel.
En effet, seules deux dispositions ont justifié la censure globale de l’article 4. La présente proposition de loi reprend donc plusieurs éléments non problématiques de l’article 4 de la loi Bloche comme, par exemple, l’élargissement du champ d’application du droit à la protection du secret des sources à l’ensemble des collaborateur·rice·s de média et la création de circonstances aggravantes pour certains délits évoqués plus haut.
Autre idée importante inspirée de la loi Bloche : le renforcement des garanties procédurales lorsqu’une enquête est susceptible de porter atteinte au secret des sources s’impose. S’agissant des perquisitions, il est proposé d’aligner le régime applicable aux entreprises de presse et à leurs collaborateurs sur celui des avocats. Alors que les deux régimes ont longtemps été similaires, des avancées ont été consacrées au bénéfice des avocat·e·s uniquement, par la loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ([11]). Il est grand temps de corriger cette inégalité entre deux professions dont l’indépendance doit être identiquement garantie.
Dans le même esprit, il est proposé que tout acte d’enquête ou d’instruction susceptible de porter atteinte au secret des sources devra désormais être autorisé par le juge des libertés et de la détention (JLD). De telles dispositions ont le mérite de mettre la France en conformité avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui exige qu’une autorité judiciaire indépendante se prononce en amont d’une atteinte au secret des sources sur la proportionnalité de la mesure ([12]).
Les états généraux de l’information (EGI), lancés par le gouvernement en octobre 2023 et dont le rapport a été rendu public le 12 septembre 2024, appellent à faire évoluer notre droit dans le sens d’une meilleure protection du secret des sources. Les états généraux de la presse indépendante (EGPI) ont formulé la même recommandation. Le 17 octobre 2024, la ministre de la culture elle‑même, pourtant autrice de la loi de 2010, a reconnu la nécessité d’une réforme devant le Sénat. Il est donc temps, pour le législateur, d’agir en conséquence.
D’ailleurs, les obligations européennes nous y appellent. Le règlement européen pour la liberté des médias (EMFA) est devenu pleinement applicable le 8 août 2025. Il revient au gouvernement de mettre le droit national en conformité avec ces principes, dont celui de la protection du secret des sources. Mais les débats à venir doivent permettre d’aller plus loin qu’une simple transposition du minimum européen. Ils peuvent être l’occasion de faire de notre pays un état à la pointe en matière de protection du secret des sources.
La présente proposition de loi doit donc être vue comme un élément versé au débat. Elle s’appuie sur le travail réalisé par un collectif rassemblant des syndicats de journalistes, des associations, des médias, des Sociétés de journalistes (SDJ), etc. Une délégation des membres de ce collectif, comptant des représentants de Sherpa, du Syndicat national des journalistes (SNJ), du Fond pour une Presse libre (FPL) et de Reporter sans frontières (RSF) a pu être auditionné à l’Assemblée nationale le 11 mars 2025, permettant de poser les principes de la présente proposition de loi. Et des échanges réguliers à la suite de cette audition ont permis d’affiner le dispositif finalement proposé.
L’article 1er modernise la protection du secret des sources pour la faire correspondre aux réalités contemporaines. Il élargit le champ de la protection du secret aux personnes exerçant les fonctions de direction de la publication ou de la rédaction et aux collaborateurs de rédaction. Il précise la notion d’impératif d’intérêt public justifiant l’atteinte au secret des sources en la réservant à la prévention et à la répression de certains crimes ou délits punis d’au moins 7 ans d’emprisonnement. Il restreint la possibilité de porter atteinte au secret des sources aux seules procédures pénales. Il instaure également un régime d’immunité visant à prémunir les journalistes et les directeurs de publication ou de rédaction contre des poursuites civiles, notamment sur les fondements du dénigrement commercial ou du secret des affaires. Il institue enfin une irresponsabilité pénale pour les journalistes et directeur de publication ou de rédaction détenant des documents secrets lorsque ces documents contiennent des informations d’intérêt général.
L’article 2 crée des circonstances aggravantes pour les délits d’atteinte aux systèmes de traitement automatisé de données, d’atteinte à l’inviolabilité du domicile et à l’inviolabilité des correspondances lorsque ces délits sont commis dans l’intention de porter atteinte au secret des sources. Il renforce également les amendes envers les entreprises pour procédures abusives lorsque celles‑ci visent à entraver le travail des journalistes.
L’article 3 renforce les garanties de procédure pénale entourant la protection du secret des sources. Il rend obligatoire, à peine de nullité, le rappel, au début de toute audition ou interrogatoire, du droit de ne pas révéler ses sources à toute personne ayant le droit à la protection du secret des sources. Il soumet également, à peine de nullité, tout acte d’enquête ou d’instruction susceptible de porter atteinte au secret des sources à l’autorisation préalable spécialement motivée du juge des libertés et de la détention (JLD).
L’article 4 renforce les garanties procédurales en cas de perquisitions dans les locaux d’un média ou au domicile d’un collaborateur de média. Il soumet ces perquisitions à une autorisation du JLD à peine de nullité et introduit la possibilité de former un recours suspensif de la décision du JLD validant la saisie.
L’article 5 crée une voie de recours pour des journalistes tiers à une procédure judiciaire en cas de violation du secret de leurs sources. Il permet également à toutes les parties à une procédure de se prévaloir d’une violation du secret des sources pour demander l’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
L’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Art. 2. – I. – Afin de garantir l’information du public dans une société démocratique, le secret des sources est protégé et il ne peut y être porté atteinte que dans les conditions prévues par la loi.
« A droit à la protection du secret des sources :
« 1° Toute personne qui, dans l’exercice de sa profession de journaliste, pratique le recueil et la vérification d’informations d’intérêt général et leur diffusion au public pour le compte d’une ou de plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne ou de communication audiovisuelle ou d’une ou de plusieurs agences de presse ayant pour vocation la diffusion au public d’informations d’intérêt général sourcées et vérifiées ;
« 2° Toute personne qui exerce des fonctions de direction de la publication ou de la rédaction pour le compte de l’une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1° ;
« 3° Le collaborateur de la rédaction, soit toute personne qui, par sa fonction au sein de la rédaction dans une des entreprises, publications ou agences mentionnées au 1°, est amenée à prendre connaissance d’informations permettant de découvrir une source et ce, à travers la collecte, le traitement éditorial, la production ou la diffusion de ces mêmes informations.
« II. – Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public, tel que défini à l’alinéa suivant, le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.
« L’impératif prépondérant d’intérêt public visé à l’alinéa précédent tient à la prévention ou à la répression soit d’un crime, soit d’un délit constituant une atteinte à la personne humaine puni d’au moins sept ans d’emprisonnement ou d’un délit prévu aux titres Ier ou II du livre IV du code pénal puni d’au moins sept ans d’emprisonnement.
« En conséquence des alinéas précédents, il est interdit de porter atteinte directement ou indirectement au secret des sources en dehors d’une procédure pénale.
« Pour apprécier la nécessité et la proportionnalité de mesures envisagées portant atteinte au secret des sources il est tenu compte de la gravité des faits, des circonstances de la préparation ou de la commission de l’infraction et du nombre et de la qualité des victimes et des mis en cause ainsi que de l’importance de l’information recherchée pour la prévention ou la répression de cette infraction et de son caractère indispensable à la manifestation de la vérité.
« Toutefois, une personne mentionnée au I ne peut en aucun cas être obligée de révéler ses sources.
« III. – Est considérée comme une atteinte directe au secret des sources au sens du II, le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste.
« Est considérée comme une atteinte indirecte au secret des sources au sens du II, le fait de chercher à découvrir les sources d’un journaliste au moyen d’investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d’identifier ces sources.
« IV. – Les personnes mentionnées au 1° et 2° du I ayant divulgué des informations d’intérêt général ne sont pas civilement responsables des dommages résultant de leur divulgation de bonne foi d’informations participant à un débat public d’intérêt général.
La détention, par une personne mentionnée au 1° et 2° du I, de documents, d’images ou d’enregistrements sonores ou audiovisuels, quel qu’en soit le support, provenant du délit de violation du secret professionnel ou du secret de l’enquête ou de l’instruction ou du délit d’atteinte à l’intimité de la vie privée ne peut constituer le délit de recel prévu à l’article 321‑1 du code pénal ou le délit prévu à l’article 226‑2 du même code lorsque ces documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels contiennent des informations dont la diffusion au public constitue un but légitime dans une société démocratique ».
Article 2
I. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 226‑4 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 50 000 €.
« Pour les personnes morales, le montant de l’amende prévue à l’alinéa précédent peut être porté à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;
2° L’article 226‑15 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 50 000 €.
« Pour les personnes morales, le montant de l’amende prévue à l’alinéa précédent peut être porté à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;
3° L’article 323‑1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 70 000 €.
« Lorsque les faits prévus au deuxième alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 précitée, l’amende est portée à 110 000 €.
« Pour les personnes morales, le montant de l’amende prévue aux deux alinéas précédents peut être porté à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. » ;
4° L’article 432‑8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus au premier alinéa du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 40 000 €. » ;
5° L’article 432‑9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les faits prévus aux deux premiers alinéas du présent article ont été commis dans l’intention de porter une atteinte directe ou indirecte au secret des sources défini à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’amende est portée à 50 000 €. »
II. – Après le premier alinéa de l’article 177‑2 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la constitution de partie civile mentionnée au premier alinéa est le fait d’une personne morale et vise à entraver le travail d’information des personnes définies au 1° et 2° du I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le montant de l’amende peut être porté à 2 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits. »
Article 3
Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre XXXIV ainsi rédigé :
« TITRE XXXIV
« DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION
DU SECRET DES SOURCES
« Art. 706‑183. – Il ne peut être porté atteinte au secret des sources, directement ou indirectement, au cours d’une procédure pénale qu’à titre exceptionnel, dans les conditions et selon les modalités prévues au présent titre.
« Pour l’application du présent titre, les informations protégées au titre du secret des sources, les personnes titulaires du droit à la protection du secret des sources et la notion d’atteinte directe ou indirecte au secret des sources sont celles définies à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
« Art. 706‑184. – Toute personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, lorsqu’elle est entendue au cours de l’enquête de police judiciaire ou d’une instruction ou devant une juridiction de jugement, en tant que témoin ou personne suspectée ou poursuivie, sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine.
« Avant le début de toute audition ou de tout interrogatoire, elle est informée, à peine de nullité, de son droit à ne pas révéler ses sources.
« Art. 706‑185. – Tout acte d’enquête ou d’instruction susceptible de porter atteinte au secret des sources doit, à peine de nullité, être préalablement autorisé par une ordonnance du Juge de la Liberté et de la Détention spécialement motivée au regard des conditions prévues au II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881.
« Art. 706‑186. – À peine de nullité, lorsqu’ils constituent une atteinte au secret des sources, les documents, images ou enregistrements sonores ou audiovisuels saisis au cours d’une perquisition ou obtenus à la suite d’une réquisition ne peuvent être versées au dossier et les correspondances émises par la voie des télécommunications ayant fait l’objet d’une interception ne peuvent être transcrites que si les conditions prévues à l’article 706‑185 et au II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sont remplies. »
Article 4
L’article 56‑2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « d’un journaliste » sont remplacés par les mots : « d’une personne mentionnée au I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse » ;
2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces perquisitions doivent être, à peine de nullité, préalablement autorisées par une ordonnance du juge des libertés et de la détention spécialement motivée au regard des conditions prévues au II de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La décision du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un recours suspensif dans un délai de vingt‑quatre heures, formé par le procureur de la République, l’entreprise ou la personne concernée devant le président de la chambre de l’instruction. Celui‑ci statue dans les cinq jours suivant sa saisine, selon la procédure prévue au sixième alinéa du présent article. »
Article 5
L’article 170 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Elle peut également être saisie aux fins d’annulation d’un acte ou d’une pièce de la procédure par les personnes mentionnées au 1° à 3° du grand I de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse en cas d’atteinte au secret des sources commises en violation de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou des article 56‑2 ou 706‑83 à 706‑86 du code de procédure pénale.
« La violation du secret des sources est réputé causer grief ».
Article 6
I. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
[1] Bigot C., Pratique du droit de la presse, Dalloz, 2020, § 111. 11.
[2] LOI n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la protection du secret des sources des journalistes (1) - Légifrance
[5] Des méthodes « dignes d’un pays autoritaire » : un journaliste et sa source interpellés par des policiers en civil à Paris - L'Humanité
[6] Liberté de la presse : La journaliste Ariane Lavrilleux et la remise en cause du secret des sources - POLITIS
[8] LOI n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires (1) - Légifrance
[10] LOI n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias (1) - Légifrance
[11] LOI n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire (1) - Légifrance
[12] CEDH, [2010]. SANOMA UITGEVERS B.V. c. PAYS-BAS