N° 2285

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à garantir une protection effective des voyageurs et des familles en cas d’annulation de vol,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, M. Bernard CHAIX, M. Sébastien CHENU, M. Éric MICHOUX, M. Joseph RIVIÈRE, M. Jérôme BUISSON, Mme Michèle MARTINEZ, M. Serge MULLER, Mme Nadine LECHON,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

De nos jours, le transport aérien s’est imposé comme un moyen de déplacement indispensable, qu’il s’agisse de raisons professionnelles, familiales ou touristiques. Chaque année, des millions de Français, souvent après de longs mois d’économies, achètent leurs billets d’avion pour rejoindre leurs proches, partir en vacances ou effectuer un déplacement essentiel.

Or le nombre d’annulations de vols connaît une forte hausse continue. En 2024, c’est 218 000 vols en Europe qui ont été retardés de plus de trois heures ou annulés, touchant plusieurs millions de passagers. Pour nombre d’entre eux, ces situations se traduisent par des journées entières bloquées dans les aéroports, sans solution de réacheminement, ni indemnisation immédiate.

En effet, le cadre juridique actuel, issu de la Convention de Montréal de 1999 et du règlement (CE) n° 261/2004, offre une protection insuffisante. Les indemnités prévues sont limitées (250 à 600 euros) et soumises à de multiples exceptions ainsi qu’à des délais de remboursement parfois très longs. Les compagnies peuvent s’exonérer de toute responsabilité si elles sont en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises, telles que les conditions météorologiques, les grèves ou encore les problèmes techniques. En pratique, cela aboutit à ce que des milliers de passagers, bien que victimes d’une annulation, n’obtiennent aucun remboursement effectif ni aide immédiate, parfois pendant plusieurs semaines.

Cette situation est particulièrement injuste pour les familles modestes, qui planifient souvent leurs voyages longtemps à l’avance et pour qui chaque dépense compte. Lorsqu’un vol est annulé, les frais supplémentaires d’hôtel, de restauration et de transport peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros dès les premières vingt‑quatre heures. Beaucoup de ménages n’ont pas la trésorerie nécessaire pour avancer de telles sommes. Certains se voient même contraints de passer la nuit dans les aéroports avec leurs enfants, de renoncer à leurs vacances ou d’emprunter afin de pouvoir rentrer chez eux. Le remboursement, même ultérieur, ne répare ni la perte financière immédiate, ni le sentiment d’un traitement perçu comme injuste et inéquitable.

Face à cette réalité, il est urgent de rétablir un principe de justice et de responsabilité immédiate des transporteurs aériens. La présente proposition de loi crée donc un droit à une prise en charge immédiate des passagers en cas d’annulation de vol. Elle impose aux compagnies aériennes de remettre sans délai à chaque passager un bon compensatoire prépayé, utilisable pour le logement, la restauration et le transport de remplacement dans un délai de vingt‑quatre heures.

Ce dispositif ne remet pas en cause la Convention de Montréal de 1999 ni le règlement européen, mais les complète utilement. Il repose sur une logique de protection du consommateur et de solidarité économique : les passagers ne doivent plus être les seuls à supporter les conséquences économiques des défaillances d’un vol. De surcroît, en cas de manquement, une pénalité automatique renforce l’effectivité du droit à l’indemnisation et incite les compagnies à anticiper leurs obligations.

En reconnaissant aux voyageurs le droit d’être immédiatement pris en charge, cette réforme place la dignité des passagers au cœur du transport aérien. Il est crucial que, lorsqu’un vol est annulé, personne ne soit laissé sans solution, ni sans moyens.

Un article unique encadre, sans préjudice des dispositions de la Convention de Montréal du 28 mai 1999 et du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, cette garantie de prise en charge immédiate, le montant du bon compensatoire et la pénalité automatique en cas de non‑remise.

 


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proposition de loi

Article unique

La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la sixième partie du code des transports est complétée par un article L. 6421‑4‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 642141. – Sans préjudice des dispositions de la convention pour l’unification de certaines règles relatives au transport aérien international, faite à Montréal le 28 mai 1999 et du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91, les transporteurs aériens au départ ou à destination du territoire national, qu’ils soient communautaires ou étrangers, sont tenus, en cas d’annulation de vol, de garantir aux passagers une prise en charge immédiate des frais de logement, de restauration et de transport nécessaires jusqu’à leur réacheminement ou leur retour.

« Cette prise en charge est assurée par la remise à chaque passager d’un bon compensatoire prépayé, utilisable immédiatement pour ces dépenses dans un délai maximal de vingt‑quatre heures à compter de l’annonce de l’annulation :

« 1° 500 euros pour les vols de moins de 1 500 kilomètres ;

« 2° 750 euros pour les vols entre 1 500 et 3 500 kilomètres ;

« 3° 1 000 euros pour les vols de plus de 3 500 kilomètres.

« En cas de non‑remise du bon compensatoire dans ce délai, le transporteur est redevable d’une pénalité automatique de 500 euros par passager et par jour de retard.

 Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les modalités de contrôle et de remboursement du solde non utilisé des bons. »