N° 2289
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre le gaspillage immobilier,
(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Lionel CAUSSE,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Une part importante du parc bâti existant demeure aujourd’hui durablement inoccupée ou insuffisamment utilisée, tant pour les usages d’habitation que pour les usages économiques. Ce phénomène, qui concerne de nombreux territoires, constitue un enjeu majeur d’aménagement, dans un contexte marqué à la fois par des tensions persistantes sur l’offre de logements et de locaux d’activité et par la nécessité de limiter l’artificialisation des sols.
Malgré l’ampleur de la vacance immobilière, l’action publique se heurte à l’absence de définition juridique harmonisée et à la dispersion des données disponibles. Cette situation limite la capacité des collectivités territoriales et de l’État à objectiver le phénomène, à en suivre l’évolution et à intégrer pleinement la mobilisation du bâti existant dans les politiques d’urbanisme et d’aménagement.
Les structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) rencontrent des difficultés croissantes pour accéder à des locaux adaptés à leurs activités. Or, le coût de l’immobilier pèse directement sur leur capacité à pérenniser leurs activités et à créer des emplois locaux. Dans le même temps, une part importante du parc immobilier public et privé demeure vacante ou sous‑utilisée. La mobilisation de ces locaux inutilisés constitue un levier stratégique pour soutenir le développement de l’ESS et renforcer son impact social et économique.
Il convient de reconnaître le potentiel d’utilité sociale de ce parc immobilier vacant que l’État, les collectivités locales et les structures de l’économie sociale et solidaire pourraient mobiliser pour remplir des fonctions d’intérêt général et d’utilité sociale, au service des politiques publiques, notamment en faveur du développement du logement, de l’hébergement et des espaces économiques de transition écologique et sociale.
L’article 1er de la proposition de loi vise à poser les bases d’une action publique mieux informée et plus cohérente, sans créer de nouvelles contraintes pour les propriétaires. Il introduit une définition légale de la vacance des locaux, distinguant les usages d’habitation et les autres usages, fondée sur des critères objectifs de durée d’inoccupation. Cette clarification est destinée à harmoniser les pratiques et à sécuriser juridiquement les politiques publiques.
Le phénomène de vacance immobilière représente également un potentiel économique et social significatif. La mise à disposition de locaux vacants pour des projets d’ESS pourrait générer d’importantes économies pour les structures bénéficiaires tout en contribuant à la revitalisation des territoires, notamment dans les centres‑villes et les quartiers prioritaires. La présente proposition de loi vise à transformer un gaspillage économique latent en opportunité sociale tangible.
La proposition de loi prévoit également une meilleure prise en compte de la vacance dans les outils existants de planification et d’observation territoriale. Les rapports de présentation des documents d’urbanisme devront désormais établir le nombre et la surface des locaux vacants, tandis que les établissements publics de coopération intercommunale seront tenus de publier, tous les trois ans, un rapport dressant un état des lieux de la vacance immobilière sur leur territoire, ventilé selon la destination des locaux. Ces dispositions ont pour seul objet de rendre la vacance visible et objectivable, condition préalable à toute réflexion stratégique locale.
La connaissance précise et actualisée de la vacance immobilière est un préalable indispensable à toute politique publique efficace. Des observatoires locaux, articulés avec les commissions départementales de conciliation et les schémas directeurs commerciaux, permettront de suivre l’évolution du parc vacant, d’anticiper les besoins des porteurs de projets et de renforcer la coordination entre acteurs publics et privés. Cette meilleure gouvernance favorisera la réaffectation des locaux inutilisés vers des usages d’intérêt général.
Par ailleurs, le texte instaure un dispositif ciblé d’incitation à la remise en usage de certains locaux vacants, en prolongeant, sous conditions strictes, la durée des baux dérogatoires lorsque ceux‑ci bénéficient à des entreprises de l’économie sociale et solidaire et s’accompagnent d’une modération significative du loyer. Ce mécanisme vise à sécuriser juridiquement les parties et à créer des conditions favorables à l’occupation de locaux autrement inemployés, sans remettre en cause la liberté contractuelle des propriétaires.
De nombreux bâtiments sont aujourd’hui sous‑utilisés, ne fonctionnant qu’à une fraction de leur capacité. Permettre des destinations additionnelles ou accessoires à la destination principale favorise une meilleure intensité d’usage tout en respectant les choix locaux d’urbanisme. Cette approche pragmatique contribue à une densification utile du parc bâti existant et à une meilleure articulation entre besoins sociaux, économiques et environnementaux.
En définissant la vacance, en améliorant sa mesure, en rendant l’information accessible et en ouvrant des possibilités d’usage accrues sans créer de nouvelles obligations, cette proposition de loi entend contribuer de manière pragmatique à une meilleure mobilisation du parc bâti existant, au service de l’offre de logement, du développement d’activités de l’économie sociale et solidaire et d’un aménagement des territoires plus sobre et durable.
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proposition de loi
Article 1er
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 145‑5 du code de commerce, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« La durée mentionnée au premier alinéa du présent article est portée à six ans quand les conditions suivantes sont cumulativement réunies :
1° Le local faisant l’objet du bail est vacant, au sens de l’article L. 111‑26 du code de l’urbanisme, au moment de la signature du bail ;
2° À partir du trente‑septième mois de bail, le loyer n’excède pas 20 % de la valeur locative du local au sens de l’article L. 145‑33 du présent code ;
3° Le preneur est une entreprise de l’économie sociale et solidaire au sens de l’article 1er de la loi n° 2014‑856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. »
II. – La section 1 bis du chapitre VI du titre II du livre Ier du code de la construction et de l’habitation est complétée par un article L. 126‑6‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 126‑6‑2. – Les établissements publics de coopération intercommunale publient tous les trois ans un rapport faisant état du nombre et de la surface des locaux vacants, au sens de l’article L. 111‑26 du code de l’urbanisme, en fonction de leur destination. »
III. – Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 8 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est ainsi rédigé : « Friches et locaux vacants » ;
2° L’article L. 111‑26 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est considéré comme vacant tout local à usage autre que d’habitation inutilisé depuis plus de vingt‑quatre mois.
« Est considéré comme vacant tout local à usage d’habitation inutilisé depuis plus de douze mois. »
3° L’article L. 151‑4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le rapport de présentation établit le nombre et la surface totale des locaux vacants au sens du deuxième et du dernier alinéas de l’article L. 111‑26. »
Article 2
L’article L. 151‑16 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« II. – Afin de favoriser une meilleure utilisation des espaces bâtis, le règlement peut autoriser des destinations additionnelles ou accessoires à la destination principale d’un bâtiment. »
Article 3
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.