N° 2291

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à responsabiliser les bénéficiaires d’opérations de secours et d’assistance consulaire à l’étranger,

(Renvoyée à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Eric LIÉGEON, Mme Josiane CORNELOUP, M. Christophe PLASSARD, Mme Maud PETIT, M. Vincent LEDOUX, M. Patrick HETZEL, M. Nicolas TRYZNA, Mme Véronique LOUWAGIE, Mme Anne-Sophie RONCERET, M. Didier PADEY, M. Vincent ROLLAND, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Stéphane VIRY,

députées et députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à reconnaître explicitement à l’État la faculté d’exiger le remboursement de tout ou partie des dépenses qu’il engage à l’occasion d’opérations de secours et d’assistance consulaire à l’étranger, lorsque ces interventions résultent de comportements volontairement imprudents ou dénués de motif légitime.

L’État français est de plus en plus fréquemment conduit à mobiliser des moyens humains, diplomatiques, logistiques et financiers importants pour porter assistance à des ressortissants français qui se placent, de leur propre initiative, dans des situations à haut risque à l’étranger. Ces situations concernent notamment des déplacements dans des zones formellement déconseillées par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en dépit des informations accessibles publiquement et des avertissements régulièrement diffusés par les autorités.

Ces interventions peuvent impliquer l’activation du centre de crise et de soutien du Quai d’Orsay, la mobilisation de personnels consulaires, parfois de moyens militaires, ainsi qu’un accompagnement diplomatique complexe avec les autorités locales. Elles représentent, dans certains cas, des coûts très élevés, aujourd’hui intégralement supportés par l’État et, en conséquence, par le contribuable.

Or, si depuis la loi du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État, l’État dispose d’un mécanisme lui donnant la possibilité de demander le remboursement des frais engagés lorsque ces situations résultent d’un choix délibéré, il ne semble pas utiliser cet outil de manière systématique dans des situations pourtant qui pourrait l’exiger.

Si la Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 impose aux États une obligation d’assistance à l’égard de leurs ressortissants, cette obligation ne saurait être assimilée à une obligation de prise en charge systématique et illimitée des conséquences financières de comportements imprudents à l’étranger.

Contrairement aux interventions réalisées sur le territoire national, l’action de l’État à l’étranger s’exerce dans un cadre contraint, soumis à l’accord des autorités locales et à des moyens opérationnels parfois limités. Elle exige une mobilisation diplomatique délicate et détourne des agents et des ressources de missions prioritaires, au détriment d’autres ressortissants français en réelle difficulté.

La manière dont certains États européens ont répondu à des situations similaires illustre l’émergence d’une tendance à responsabiliser les ressortissants s’exposant volontairement à des risques élevés à l’étranger et à faire contribuer ces derniers au coût des interventions étatiques.

En Suisse, le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a adressé des factures à plusieurs participants suisses à ladite « flottille pour Gaza ». Ces personnes, après avoir été interceptées par les autorités israéliennes puis rapatriées, ont reçu des appels au paiement de montants compris entre 300 et 1 047 francs suisses chacun, correspondant à l’assistance consulaire et aux services d’urgence fournis par la Confédération.

De même, au Portugal, quatre activistes portugais ayant pris part à la même flottille ont été tenus de rembourser intégralement les frais de leur rapatriement vers Lisbonne à l’issue de leur arrestation en Israël. Les services consulaires portugais leur ont envoyé une lettre indiquant le coût total du voyage, accompagné d’un formulaire de demande de remboursement, en soulignant que ces dépenses avaient été avancées pour des raisons logistiques. Le gouvernement portugais justifie cette démarche par le fait que ces citoyens n’agissaient pas dans le cadre d’une mission officielle mandatée par l’État, mais à titre personnel.

Ces exemples montrent que des États bien dotés juridiquement n’hésitent plus à faire peser sur leurs ressortissants la charge financière des interventions consulaires lorsqu’il est manifeste que ceux‑ci ont fait un choix personnel et volontaire de s’exposer à des risques élevés, en dépit de conseils et avertissements officiels.

D’autres pays, tels que l’Allemagne ou les États‑Unis, disposent également de mécanismes leur permettant de demander une participation financière aux coûts de sauvetage ou d’évacuation de leurs ressortissants lorsque ceux‑ci se sont volontairement exposés à des dangers connus.

La France ne peut rester à l’écart de cette évolution, au risque de créer une situation d’irresponsabilité individuelle et d’inégalité entre les citoyens européens.

Les événements récents ont mis en lumière la participation de plusieurs élus français, notamment issus du parti La France insoumise, à des opérations à caractère militant à l’étranger, clairement déconseillées par les autorités françaises. Ces déplacements, effectués sans mandat officiel, ont été largement médiatisés et utilisés à des fins de communication politique personnelle.

De tels comportements sont contreproductifs. Ils perturbent le travail des agents du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, détournent les moyens consulaires de leur vocation première et exposent inutilement l’État à des tensions diplomatiques. Ils entretiennent en outre une confusion préjudiciable entre action politique nationale et engagement institutionnel de la France à l’étranger.

La qualité d’élu de la République ne saurait, en ellemême, constituer un motif légitime justifiant une exonération de responsabilité financière, dès lors que le déplacement n’est ni mandaté ni inscrit dans le cadre des missions officiellement reconnues par les institutions de la République.

Le dispositif proposé renforce l’article 22 de la loi n° 2010‑873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État qui s’inscrit dans la continuité de principes déjà reconnus en droit français, notamment par la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, qui permet aux communes d’exiger le remboursement des frais de secours engagés à l’occasion d’accidents liés à des activités à risque.

Il ne s’agit ni d’une sanction, ni d’une taxe, ni d’une redevance, mais d’un mécanisme de responsabilisation, applicable uniquement aux personnes s’étant délibérément exposées à des risques qu’elles ne pouvaient ignorer.

Ce dispositif préservera pleinement les motifs légitimes, notamment ceux tirés de l’activité professionnelle exercée dans l’intérêt général, des situations d’urgence, des missions humanitaires ou journalistiques, ainsi que les cas de crises imprévisibles telles que les catastrophes naturelles ou les conflits armés.

L’objectif principal de cette proposition de loi n’est pas tant financier que pédagogique. Il s’agit de rappeler que la liberté de circulation s’accompagne d’une responsabilité individuelle et que l’assistance consulaire ne peut être instrumentalisée à des fins militantes ou personnelles.

Dans un contexte international marqué par de fortes tensions, la France demeure profondément attachée à une résolution pacifique, diplomatique et multilatérale des conflits. La crédibilité de sa parole extérieure repose sur la cohérence de son action et le respect des cadres institutionnels.

L’article unique de la présente proposition de loi vise ainsi à permettre à l’État d’exiger le remboursement des frais engagés au titre de l’assistance consulaire lorsque celle‑ci a été accordée en l’absence de motif légitime, tout en précisant qu’un mandat politique ne saurait, en lui‑même, constituer un tel motif dans ce cas.

 


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proposition de loi

Article unique

Le premier alinéa de l’article 22 de la loi n° 2010‑873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut exiger » sont remplacés par le mot : « exige » ;

2° À la fin, est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « La seule invocation d’un mandat électif ne constitue pas un motif valable, sauf lorsqu’il s’inscrit dans le cadre d’une mission expressément confiée par l’État. »