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N° 2294
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 décembre 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à renforcer l’encadrement de la pause méridienne à l’école,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Sébastien DELOGU, M. Manuel BOMPARD, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Jean-François COULOMME, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France, la surveillance du temps cantine et de la pause méridienne dans son ensemble sont de fait assurées par les communes. Le Conseil d’État l’a notamment affirmé dans son avis du 7 octobre 1986 ([1]), considérant que l’activité de surveillance des élèves pendant les temps de restauration scolaire incombe exclusivement à la collectivité organisatrice du service.
Dans les faits, les communes de France organisent le temps méridien grâce à des agents municipaux et des animateurs.
Pourtant, aucun texte législatif ne vient explicitement acter que la surveillance de la pause méridienne est une compétence municipale exclusive. C’est la jurisprudence qui s’est chargée d’éclaircir cette zone d’ombre.
Dans un arrêt du 6 juin 2017, la cour administrative d’appel de Bordeaux ([2]) a déduit de l’article D. 321‑12 du code de l’éducation ([3]) qu’avant 13 heures 20, « les enfants sont placés sous la seule responsabilité de la commune ». Ainsi, la jurisprudence confirme que la surveillance de la pause méridienne est de la responsabilité de la commune. Il est déduit de cet arrêt que la surveillance de la pause méridienne est une compétence municipale.
Cependant, aucun texte ne vient encadrer ce temps précis.
Cette situation est une anomalie lorsqu’on la compare à l’accueil de loisirs périscolaires, codifié à l’article R. 227‑1 du code de l’action sociale, qui prévoit des conditions d’accueil réglementées, notamment un encadrement minimum (R. 227‑16) : “Pour les enfants âgés de moins de six ans, un animateur pour huit mineurs lorsque la durée de l’accueil de loisirs excède cinq heures consécutives et un animateur pour dix mineurs lorsque la durée de l’accueil de loisirs n’excède pas cinq heures consécutives ».
De ce fait, aucun texte ne prévoit de taux d’encadrement des élèves pendant la pause méridienne.
C’est la Chambre régionale des comptes de la Réunion qui l’indique dans ses observations du 8 mars 2017 ([4]) : “Même s’il n’est pas réglementé, le taux d’encadrement des enfants durant la prise des repas pourrait être amélioré, notamment dans les écoles élémentaires, par une meilleure répartition des moyens en surveillants.”
Il est donc possible d’avoir un cadre réglementaire imposant un taux d’encadrement minimum.
Pour la pause méridienne, si aucune réglementation n’existe, la Cour administrative d’appel de Lyon a rendu une décision, en date du 25 mai 1989, indiquant que « La présence d’un seul agent en charge de la surveillance de cinquante enfants était manifestement insuffisante et constituait un défaut d’organisation du service » ([5]). En rendant cette décision, la Cour a montré qu’il y a effectivement des taux d’encadrement dangereux. Cela nécessite de le réglementer à partir d’une base jurisprudentielle qui estime qu’un agent pour cinquante enfants est une situation dangereuse.
Le fait qu’aucune réglementation n’existe crée des conflits entre les associations de parents d’élèves et les communes. Le 13 juin 2024, la Fédération des Conseils de Parents d’Élèves de Noisy‑le‑Grand, dans un communiqué relatif à la pause méridienne à l’école, reprochait à la commune de se donner pour objectif un taux d’encadrement d’un adulte pour 30 enfants. Les parents d’élèves estimaient que ce n’était pas suffisant pour assurer la sécurité des enfants sur ce temps.
La ville de Livry‑Gargan a, en l’absence de réglementation, rédigé sa propre charte, où elle s’engage sur un taux moyen d’encadrement d’un intervenant pour quinze enfants en maternelle, et d’un intervenant pour 25 enfants en élémentaire ([6]).
La ville de Cholet a également rédigé une charte de la pause méridienne, dans laquelle elle met en avant un taux moyen d’encadrement d’un adulte pour 11 enfants en maternelle et d’un adulte pour 23 enfants ([7]) en élémentaire. Dans cette charte, il est indiqué que « La Ville de Cholet affiche des moyennes proches des recommandations de la nouvelle norme AFNOR qui ne s’applique que sur la base du volontariat ». La ville se réfère donc à la réglementation AFNOR.
Lorsque l’on regarde les Villes qui communiquent sur leur taux d’encadrement, on observe une fourchette de taux d’encadrement comprise entre un adulte pour huit mineurs et un adulte pour dix-huit mineurs en maternelle, et un adulte pour quatorze mineurs et un adulte pour vingt-cinq mineurs en élémentaire. Cette fourchette peut être un point de départ pour légiférer sur un taux d’encadrement obligatoire.
Autre problème : la transparence sur les taux d’encadrement en vigueur dans les écoles n’est pas obligatoire. Ainsi, il est difficile de connaître les taux d’encadrement moyen par commune, et encore plus par école.
Les communes peuvent choisir d’organiser la pause méridienne de deux façons : soit en déclarant faire de l’accueil collectif de mineurs, soit en déclarant faire un temps de surveillance. La pause méridienne ne fait pas l’objet de réglementation sur le taux d’encadrement lorsque la commune déclare effectuer un temps de surveillance. Or de nombreuses communes déclarent faire un accueil collectif de mineurs et s’engagent à se plier au règlement prévu par l’article R. 227‑16 du code de l’action sociale et des familles (qui prévoit un taux d’encadrement minimum dans les loisirs périscolaires).
En lien avec les taux moyens appliqués dans les écoles primaires par plusieurs communes, et avec l’article R. 227‑16 du code de l’action sociale et des familles, un taux d’encadrement d’un adulte pour huit enfants en maternelle et d’un adulte pour douze enfants en élémentaire pendant le temps de la pause méridienne semble être le taux à appliquer.
Cependant, cela représenterait un coût supplémentaire pour les collectivités territoriales. Tout en reconnaissant que cette proposition de loi ne peut, à elle seule, accroître les moyens dédiés aux collectivités et aux écoles, nous indiquons que La France Insoumise défendra, lors du projet de loi finances, des amendements visant à augmenter les crédits alloués aux communes.
Cette proposition de loi vise ainsi à obliger les communes à respecter un taux d’encadrement pendant la pause méridienne qui permettra de garantir la sécurité des enfants pendant ce temps.
L’article 1er consacre la jurisprudence qui prévoit que la surveillance et l’organisation de la pause méridienne est une compétence des communes.
L’article 2 impose un taux d’encadrement minimum d’un adulte pour huit enfants en maternelle, et d’un adulte pour douze enfants en élémentaire.
L’article 3 oblige les communes à publier les taux d’encadrement en vigueur dans chaque école maternelle et élémentaire de la commune, ainsi que le taux d’encadrement moyen à l’échelle de la commune.
L’article 4 gage la proposition.
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proposition de loi
Article 1er
La section 6 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2121‑39‑1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121‑39‑1. – La commune est compétente pour l’organisation et la surveillance des élèves pendant la pause dans les écoles maternelles et élémentaires publiques situées sur son territoire. »
Article 2
La section 6 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2121‑39‑2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121‑39‑2. – Pour l’encadrements des élèves pendant la pause méridienne, l’effectif minimum des personnes exerçant des fonctions de surveillance est fixé à :
« 1° Pour les élèves de maternelle, un adulte pour huit mineurs ;
« 2° Pour les élèves d’élémentaire, un adulte pour douze mineurs. »
Article 3
La section 6 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complétée par un article L. 2121‑39‑3 ainsi rédigé :
« Art. L. 2121‑39‑3. – La commune rend public, chaque année, le taux d’encadrement moyen constaté sur l’ensemble de ses écoles maternelles et élémentaires publiques.
« Elle publie également pour chaque école :
« 1° Le nombre total d’élèves accueillis pendant la pause méridienne ;
« 2° Le nombre d’adultes affectés à la surveillance ;
« 3° Le taux d’encadrement effectivement observé.
« Ces informations sont mises à disposition sur le site internet de la commune et sont affichées dans les locaux de l’école. »
Article 4
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
[1] Conseil d’État, Avis n° 340609, 7 octobre 1986,
[2] CAA de Bordeaux, 6e chambre, formation à 3, 06/06/2017, 15BX01624
[3] Article D.321‑12 du code de l’éducation : “La surveillance des élèves durant les heures d’activité scolaire doit être continue et leur sécurité doit être constamment assurée en tenant compte de l’état de la distribution des locaux et du matériel scolaires et de la nature des activités proposées. L’accueil des élèves est assuré dix minutes avant l’entrée en classe. Le service de surveillance à l’accueil et à la sortie des classes, ainsi que pendant les récréations, est réparti entre les maîtres en conseil des maîtres de l’école.”
[4] Chambre régionale des comptes, La Réunion, commune de Petite‑Île, Département de La Réunion, Exercices 2010 et suivants, Observations délibérées le 8 mars 2017
[5] Cour administrative d’appel de Lyon, 25 mai 1989, n° 89LY00057
[6] Charte de la pause méridienne dans les écoles (annexe au règlement intérieur des accueils péri et extrascolaires), version 2023, Ville de Livry‑Gargan.
[7] Charte de la pause méridienne, ville de Cholet, février 2011.