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N° 542 (rectifié)

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 janvier 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Pour un nouveau Traité de lÉlysée
Accroître le rôle des parlements dans la coopération francoallemande

 

Proposition de résolution commune
de lAssemblée nationale et du Bundestag allemand
à loccasion du 55e anniversaire du Traité de lÉlysée,
le 22 janvier 2018,

présentée par Mesdames et Messieurs

François de RUGY,
Président de lAssemblée nationale

 

Marielle de SARNEZ, Sabine THILLAYE, Olivier FAURE,
Richard FERRAND, Marc FESNEAU, Christian JACOB,
JeanChristophe LAGARDE, Franck RIESTER, Christophe AREND,

députés.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’amitié franco‑allemande est un don précieux hérité de l’histoire. Outre le fait d’avoir contribué à construire une paix durable, elle a fait de nous des partenaires en Europe. À l’occasion du 55e anniversaire du traité de coopération franco‑allemande, ou « Traité de l’Élysée », l’Assemblée nationale et le Bundestag proclament leur attachement à cette amitié, au service de l’Europe. À travers cette résolution conjointe, ils souhaitent manifester leur engagement pour une réaffirmation et un approfondissement de ce Traité d’amitié. Parallèlement, ils s’engagent à développer davantage la bonne collaboration entre les deux assemblées. Les deux assemblées préconisent également un renforcement de la coopération bilatérale à travers la mise en œuvre à brève échéance de projets concrets, pour partie détaillés dans cette résolution commune.

Ils rappellent enfin que l’amitié franco‑allemande est un fondement même du processus d’intégration européenne et en est indissociable.

Un nouveau Traité de lÉlysée

En 1963 était signé pour la première fois un traité d’amitié entre la France et l’Allemagne : le Traité de l’Élysée. Dix‑huit ans seulement après la fin de la deuxième guerre mondiale et après un siècle d’inimitié et de conflits guerriers, le Traité de l’Élysée s’est imposé comme une étape majeure sur le chemin de la réconciliation entre nos deux pays. Il a joué un rôle fondamental en faveur de la garantie d’une paix durable dans l’Europe d’après‑guerre et pour le développement de l’Union européenne.

La France et l’Allemagne figurent parmi les pays les plus étroitement liés, tant au plan politique que sociétal. Le Traité de l’Élysée est à la fois le gage et le symbole de cette  amitié toujours plus étroite. Afin de consolider cette amitié, l’Assemblée nationale et le Bundestag invitent leurs gouvernements à renouveler le Traité de l’Élysée. Ce nouveau traité aura vocation à prolonger le traité originel et approfondir notre partenariat.

Afin de renforcer le rôle des assemblées dans la coopération franco‑allemande, l’Assemblée nationale et le Bundestag élaboreront en outre un accord parlementaire. Cette convention a pour objectif d’intensifier la collaboration et la concertation entre les deux assemblées. Elle doit contribuer à la réalisation  du Traité de l’Élysée renouvelé par une coopération parlementaire plus étroite. Dans le même temps, les deux assemblées réaffirment leur volonté, proclamée dans la déclaration adoptée lors du 50e anniversaire du Traité de l’Élysée, le 22 janvier 2013, d’approfondir leur coopération dans de nombreux domaines.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu le Traité de l’Élysée du 22 janvier 1963, restant en vigueur ;

Considérant que l’Europe unie et l’amitié franco‑allemande doivent être mieux perceptibles, au quotidien, par l’ensemble des citoyens. Une attention particulière doit être portée aux régions frontalières, où ce partenariat doit apporter une réelle plus‑value ;

Considérant qu’il est nécessaire d’intensifier davantage la coopération transfrontalière ;

Considérant que la France et l’Allemagne aspirent à une intégration complète et rapide de leurs marchés et que les deux pays s’engagent collectivement en faveur d’un marché intérieur européen pleinement intégré ;

Considérant qu’il convient de promouvoir de manière encore plus résolue les échanges linguistiques, culturels, professionnels, universitaires et d’apprentissage, par‑delà les frontières nationales ;

Considérant qu’il faut faire vivre l’échange franco‑allemand, apporter aux jeunes une qualification et s’engager ensemble dans la lutte contre le chômage des jeunes ;

Relevant que la maîtrise de la langue du voisin est la clé de l’entente mutuelle ;

Considérant que les jumelages entre villes et communes, au nombre de 2 200 aujourd’hui, sont des éléments indispensables de l’amitié franco‑allemande, et doivent connaître une nouvelle impulsion, en tirant notamment profit des outils numériques ;

Considérant que la France et l’Allemagne doivent continuer à s’engager en faveur du renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune, en vue d’une coordination plus étroite dans les domaines des politiques étrangère, de sécurité, de défense et de développement ;

Relevant que la France et l’Allemagne ont été à l’origine de la relance de l’Europe de la défense avec leur proposition d’un Pacte européen de sécurité, présentée à l’été 2016 ;

Considérant la création de la coopération structurée permanente (CSP) le 11 décembre 2017, et l’accord trouvé sur la mise en place du Fonds européen de défense ;

Considérant que la France et l’Allemagne font toutes deux face aux défis majeurs liés à la question de l’intégration des réfugiés, et qu’il est de l’intérêt des deux pays de remédier de façon cohérente aux causes des migrations ;

Considérant que la France et l’Allemagne s’engagent à faire avancer l’intégration européenne et à lui donner une nouvelle impulsion, au moyen d’initiatives communes, ouvertes aux autres partenaires européens ;

Considérant que les deux pays veulent convenir d’une stratégie parachevant le marché unique européen du numérique, afin de garantir un meilleur accès aux produits et services numériques, de créer des conditions‑cadres adaptées aux services et aux plateformes numériques, de rendre accessibles des champs d’activité innovants et orientés vers le futur, ainsi que de s’engager pour une protection exigeante de la propriété intellectuelle dans l’univers numérique et pour la mise en œuvre des droits qui en découlent ;

Considérant que le règlement général n° 2016/679 sur la protection des données constitue une première étape à ce sujet ;

Considérant que l’Allemagne et la France sont attachées au renforcement de la monnaie commune de l’Union européenne, que des initiatives franco‑allemandes doivent rendre l’Union économique et monétaire plus résistante face aux crises et plus sûre pour l’avenir ;

Considérant que la compétitivité, des finances publiques saines, une croissance durable, un taux d’emploi élevé et une sécurité sociale efficace doivent être le fil directeur des efforts communs pour l’approfondissement de l’Union économique et monétaire ;

Considérant que les citoyens devraient être en mesure de vivre et de travailler sans entraves en France et en Allemagne et de bénéficier dans chacun des deux pays d’un seuil minimum de droits sociaux ;

Considérant que l’objectif des consultations citoyennes est de mener un débat ouvert et européen sur les défis de l’Europe et de trouver des solutions répondant aux attentes des citoyens ;

Considérant que ces consultations favorisent la confrontation démocratique et transfrontalière et font participer la société civile à la conception de la politique européenne ;

Considérant que l’Assemblée nationale et le Bundestag rassembleront les résultats de ces consultations organisées en coopération avec les jumelages entre villes, les discuteront et, sur le fondement de ces échanges, développeront des initiatives communes ;

1. Invite les gouvernements français et allemand à travailler au cours de l’année 2018 à un nouveau Traité de l’Élysée où pourraient figurer les éléments ci‑dessous ;

Approfondissement de la coopération transfrontalière

2. Estime qu’il faut encourager les solutions communes dans les régions transfrontalières, dans des domaines tels que la reconnaissance des diplômes scolaires, professionnels et universitaires, la formation professionnelle, l’apprentissage de la langue du voisin, l’échange de personnels dans les écoles maternelles et les écoles, les services de l’emploi, la défense de normes sociales, les prestations médicales dans l’autre partie au Traité, la sécurité intérieure – notamment au moyen d’un meilleur échange de données, ainsi que dans la collaboration entre la Police fédérale et la Police aux Frontières (PAF) ‑, les transports et les infrastructures, et l’accès aux réseaux de téléphonie mobile ;

3. Souhaite que soient améliorées les infrastructures de transport à la frontière franco‑allemande, tant les voies de circulation du transport à longue distance, comme les connexions ferroviaires que les voies de circulation transfrontalières, dont les pistes cyclables ;

4. Appelle à ce que les représentants des régions frontalières, notamment ceux des eurodistricts, soient associés plus étroitement aux conseils des ministres franco‑allemands, et à ce que les bassins de vie transfrontaliers participent à la préparation des sessions plénières du comité des Régions à Bruxelles, afin d’y défendre leurs intérêts communs ;

Des compétences accrues  pour les eurodistricts

5. Invite les gouvernements à déléguer aux eurodistricts des compétences autonomes, et à introduire des clauses d’exception et d’expérimentation  dans chacune des législations nationales ; dans la même perspective, souhaite que les compétences nécessaires et appartenant aux Länder ou aux Régions soient également transférées mutatis mutandis aux eurodistricts, qui auraient ainsi la possibilité d’exercer leur autorité sur des organismes transfrontaliers, notamment en matière d’écoles maternelles ou d’institutions de soins de santé, et d’exploitation des systèmes de transport public de proximité ;

Espace économique francoallemand et marché intérieur européen

6. Plaide pour la réalisation d’un espace économique franco‑allemand avec des règles harmonisées, notamment en ce qui concerne le droit des sociétés et l’encadrement des faillites d’entreprises. Une harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés et un travail plus large de convergence constitueraient une étape majeure. Les deux pays s’engageraient en faveur d’une harmonisation significative des règles pour la réalisation du marché intérieur européen ;

7. Encourage les gouvernements à mettre en œuvre de manière conjointe la réglementation du marché unique européen dans les régions frontalières, via la suppression des entraves administratives et linguistiques, et le respect du salaire minimum, des conditions de sécurité au travail et, plus généralement, de l’ensemble des droits des travailleurs ;

Jeunesse, formation, langue, culture et jumelages

8. Soutient résolument le travail de l’Office franco‑allemand pour la Jeunesse et de l’Université franco‑allemande, institutions de référence, ainsi que la mobilité des étudiants, des apprentis et des jeunes professionnels entre la France et l’Allemagne. Soutient également la chaîne franco‑allemande Arte ;

9. Invite les gouvernements à mettre en œuvre résolument un statut franco‑allemand du stagiaire, auquel s’appliquerait le régime classique de protection juridique, à développer des centres de formation professionnelle franco‑allemands, à renforcer les possibilités existantes en matière de formation et de formation continue, y compris en matière d’échanges d’apprentis, et à faciliter la coopération franco‑allemande dans l’enseignement supérieur, en harmonisant le statut des enseignants afin de faciliter la mobilité entre établissements des deux pays. Les deux pays s’engagent à développer dans les trois prochaines années des projets d’universités européennes. En Allemagne, le gouvernement fédéral engage à cette fin à une consultation étroite avec les Länder compétents en matière d’enseignement ;

10. Invite les gouvernements à développer les classes bilingues et bilangues, ainsi que les écoles permettant de passer à la fois le baccalauréat français et l’Abitur allemand, afin de de renforcer en Allemagne et en France le nombre d’apprenants de la langue du partenaire dans l’ensemble du système éducatif ; accueille avec intérêt l’engagement pris par les deux gouvernements lors du Conseil franco‑allemand du 13 juillet 2017 de mettre en place un point d’étape annuel faisant le bilan de la rentrée écoulée et fixant des objectifs précis pour la rentrée suivante ;

11. Invite les gouvernements à mettre en œuvre rapidement leur initiative de créer, par la coopération des Instituts français et des instituts Goethe, dix centres culturels communs dans les années à venir, et à proposer des lieux d’implantation pour ces centres d’ici l’été prochain ;

12. Souhaite que de nouveaux jumelages soient mis en place, et que les collectivités locales allemandes et françaises soient encouragées à conclure entre elles des partenariats à visée économique ;

Une coopération étroite en matière de politique étrangère, de politique de défense et de politique de développement

13. Estime que des échanges approfondis et permanents sur toutes les questions importantes relatives à la sécurité, au développement de l’Europe de la défense et à l’action extérieure devraient être établis entre les commissions parlementaires, les ministres et secrétaires d’État compétents, et que les capacités existantes dans ce domaine devraient être renforcées ;

14. Appelle les gouvernements à intensifier leur coordination dans le cadre des coopérations structurées permanentes (CSP) nouvellement créées, et à promouvoir une culture stratégique commune. Les formations d’état‑major général devraient également être plus étroitement coordonnées dans ce but ;

15. Demande à ce que le développement de la Politique européenne de voisinage devienne une priorité ;

Le rôle dimpulsion francoallemand en matière de protection du climat

16. Invite les gouvernements français et allemand à poursuivre leur coopération étroite dans la mise en application de l’Accord de Paris sur le climat de 2015 et des engagements du « One Planet Summit » de 2017, à proposer des initiatives communes notamment en matière de prix du carbone, et à approfondir la collaboration en matière de recherche et développement ;

Droits sociaux en France et en Allemagne

17. Invite les gouvernements français et allemands à s’engager en faveur de la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, avec l’objectif d’aboutir en Europe à un seuil minimum en matière d’égalité des chances, d’accès au marché du travail, de conditions de travail équitables, de protection et d’inclusion sociales, ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes. Français et Allemands doivent pouvoir vivre et travailler sans entrave dans l’autre pays. C’est pourquoi des normes communes, garantissant un niveau minimum de droits sociaux et une protection équivalente dans le pays voisin sont nécessaires ;

Accord pour des projets bilatéraux

18. Invite les gouvernements des deux pays, au‑delà des dispositions précitées pour le renouvellement du Traité de l’Élysée, à concrétiser les projets bilatéraux suivants :

Marché unique de lénergie, efficacité énergétique et mobilité électrique

19. Souhaite que la France et l’Allemagne développent leurs réseaux d’énergie selon un schéma transfrontalier et promeuvent des normes communes plus étendues dans le domaine de l’efficacité énergétique ; de même, que soit mise sur pied une infrastructure franco‑allemande transfrontalière pour la mobilité électrique ainsi que pour des systèmes de propulsion alternatifs ;

Des impulsions pour une Union numérique

20. Appelle la France et l’Allemagne à poursuivre leur engagement pour l’épanouissement des droits fondamentaux dans la société numérique ; demande à ce que soit établi un cadre réglementaire adapté concernant les données à caractère personnel et des catégories de données à préciser, les données sans référence, ainsi qu’un niveau de protection uniforme pour atteindre le niveau le plus élevé de sécurité informatique et de cybersécurité ;

21. Demande à ce que la France et l’Allemagne promeuvent au niveau européen et international une taxation juste des entreprises de l’économie numérique ;

22. Encourage la France et l’Allemagne à faire de l’Union européenne un leader mondial de l’innovation ;

Moyens conjoints pour approfondir l« Union économique et monétaire »

23. Souhaite la constitution d’un groupe de travail de haut niveau, qui formulerait des propositions communes d’ici le printemps 2018 pour le développement et la stabilisation de l’Union économique et monétaire ;

Agir ensemble sur les migrations et pour lintégration

24. Demande aux gouvernements de s’inspirer des bonnes pratiques du pays partenaire en matière d’intégration des réfugiés à travers des échanges réguliers entre autorités compétentes des deux pays, et d’approfondir les efforts communs en matière de lutte contre les causes des migrations, ainsi que la coordination des mesures prises en matière de politique migratoire ;

Des projets communs pour le futur

25. Considère qu’une Agence européenne de l’innovation de rupture devrait être instituée à partir d’une initiative franco‑allemande afin d’élaborer des stratégies communes concernant les innovations d’avenir comme l’intelligence artificielle ; que les projets dans les domaines de la recherche, de la formation universitaire, de l’innovation, de l’industrie et des infrastructures pourraient être lancés et soutenus financièrement, à travers la création d’un fonds d’investissement commun, qui reposerait sur des financements publics et privés ; que l’une des priorités des mesures de financement devrait concerner les startups et les programmes conjoints d’encouragement de la numérisation et des technologies d’avenir ;

Consultations citoyennes sur lavenir de lEurope

26. Soutient l’initiative de créer en 2018 des consultations citoyennes sur l’avenir de l’Europe, et invite les gouvernements français et allemand à appuyer cet effort.