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N° 546

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 janvier 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’un plan d’action national de prévention
et de lutte contre les escroqueries sur internet,

 

 

présentée par

Mme Bérengère POLETTI,

députée.

 

 

 

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Sur internet, le nombre d’escroqueries, de courriels mensongers, de faux comptes sur les réseaux sociaux, de publicités faisant croire qu’il est facile de s’enrichir rapidement, explosent. Depuis une dizaine d’années, les particuliers sont de plus en plus nombreux à succomber.

Les sites autorisés, car régulés par certaines autorités européennes  principalement à Chypre , mais aux pratiques commerciales extrêmement agressives et douteuses, côtoient sur la toile des sites illégaux, liés à la criminalité organisée et dont le nombre est en pleine expansion : l’Autorité des marchés financiers (AMF) en a recensé 380 contre 4 en 2010.  Les montants escroqués sont vertigineux : pas moins de 4,5 milliards d’euros entre 2010 et 2016, estime François Molins, le procureur de la République de Paris.

Selon le code Pénal, « l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manoeuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende »([1]). Les fraudes sur internet sont reconnues par le code pénal, sous leurs différentes formes, comme le phishing (technique utilisée par les fraudeurs pour obtenir des renseignements personnels dans le but de perpétrer une usurpation d’identité), l’arnaque à l’annonce (suite à un dépôt d’une annonce sur un site de vente entre particuliers ou à l’achat d’un bien sur un site de vente en ligne), et le Scam.

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Le Scam, technique dite aussi d’« escroquerie à la romance » ou de « romance scam », commence lorsque la victime reçoit, par exemple, un courriel d’un richissime étranger qui dit avoir besoin de son aide pour récupérer sa fortune bloquée à l’étranger ; l’objectif étant de l’amener à verser de l’argent (parfois des centaines de milliers d’euros) pour payer des frais imaginaires (pot de vin, notaire...) en lui faisant miroiter une partie du pactole.

Cette arnaque a pour but d’user de la crédulité et de l’inexpérience des utilisateurs de messageries électroniques (télécopies, courriels) pour leur soutirer de l’argent. Dans les cas d’escroquerie à la romance, l’organisation criminelle instaure tout d’abord une relation de confiance pour ensuite inciter les victimes à payer d’importantes sommes d’argent suite à un incident de malchance soudain. La duperie réside dans le fait que le destinataire fournira divers documents pour se justifier, comme des lettres à entête, factures en blanc, numéros de compte bancaire, billets d’avion… et promettra de rembourser la victime rapidement. Le plus souvent, ces versements s’opèrent via la Poste et les agences de Western Union qui n’informent pas leurs clients des risques des transferts d’argent liquide vers l’Afrique de l’Ouest.

Ces arnaques au long cours jouent sur les failles intimes des victimes, en comblant un vide affectif, et flouant des personnes dont on a su capter l’amour ou l’amitié. Ces escrocs sont extrêmement psychologues, les meilleurs détectant en quelques phrases les fêlures intimes de leur interlocuteur, leur besoin d’avoir une écoute, de développer une relation. La prise de contact a lieu sur des sites de rencontres, mais aussi sur les réseaux sociaux. Les escrocs font en sorte d’endormir la méfiance de leurs victimes et de les manipuler pour leur faire perdre le nécessaire recul dans ce qui reste une relation à distance. En général, ces escrocs opèrent depuis l’Afrique de l’Ouest.

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À l’heure d’internet, ce type d’escroqueries est généralisé dans de nombreux pays occidentaux. Chez nos voisins, la lutte contre ces pratiques s’organise :

– La Grande‑Bretagne a recensé plus de 200 000 « love escroqueries » via un grand plan national de lutte.

– Aux États‑Unis, les escroqueries à la romance ont représenté 230 000 euros en 2016. Le FBI a décidé depuis 2 ans de faire de la prévention sur ces pratiques et a mis en ligne plusieurs témoignages de victimes de ce fléau.

Pourtant, en France, les victimes restent souvent dans les eaux troubles du non‑dit, du non‑dénoncé. Lorsqu’elles osent porter plainte, elles subissent souvent la double punition du regard des autres. Chaque année, ces escroqueries font pourtant des dizaines de milliers de victimes en France, et rapporteraient plus de 150 millions d’euros par an à ces auteurs. Le secret bancaire imposé aux établissements bancaires constitue aujourd’hui une obligation prescrite par la loi et ne permet donc pas aux banquiers de prévenir les familles des victimes de leurs suspicions d’escroquerie.

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Aujourd’hui, des mesures immédiates doivent être prises pour alerter en amont ces victimes d’escroqueries. Les pouvoirs publics doivent se saisir de cet enjeu national, pour mener une double action de prévention et de lutte contre les escroqueries à la romance. C’est le but de cette proposition de résolution. 

Il est ainsi proposé :

– La mise en place d’une campagne de sensibilisation nationale sur l’escroquerie à la romance, via la diffusion de plusieurs témoignages de victimes sur les médias et les réseaux sociaux, sous la tutelle du ministère de la justice. Cette action s’inspire de la campagne réalisée par le FBI depuis 2016.

– La création d’une plateforme nationale de recensement des profils des usurpateurs, accessible au public pour des recherches par nom, prénom, description du profil ou par recoupement de photos. Les escrocs ont en effet souvent des échanges simultanés avec plusieurs victimes et utilisent les mêmes profils. La création de cette plateforme de recensement permettrait un gain de temps important dans la lutte en amont contre ces pratiques et permettrait aux victimes de réaliser beaucoup plus rapidement l’escroquerie dont elles risquent d’être victimes.

– La réalisation d’un rapport par le Gouvernement sur les pistes d’actions pour lutter fermement contre les escroqueries à la romance et sur les pistes d’action législatives pour renforcer ce plan d’action. Ce rapport comporte notamment une estimation du nombre de personnes victimes en France de ces pratiques et leur impact chiffré annuel. Il formule également des propositions pour une amélioration législative et réglementaire des garanties pouvant être apportées aux particuliers pour lutter contre ce type d’escroquerie, avec une réflexion autour du renforcement des notions de prudence, de diligence et du devoir de conseil des institutions bancaires et des obligations d’information de Western Union. Ce rapport prévoit enfin des propositions en vue d’améliorer la prise en charge des victimes de ses escroqueries et notamment leur parcours judiciaire.

 

 

 

 


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Invite le Gouvernement à mettre en place un plan d’action national de prévention et de lutte contre les escroqueries sur internet.


([1]) Article L. 3131 du code Pénal