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No 720

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 février 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

relative à l’Europe de la Défense et
son articulation avec l’OTAN,

(Renvoyée à la commission de la défense et des forces armées,  à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES,

par MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE et Joaquim PUEYO,

Rapporteurs,


1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le Traité sur l’Union européenne et, en particulier, les articles 41, 42, 43 et 46,

Vu la résolution du Parlement européen du 13 décembre 2017 sur le rapport annuel sur la mise en œuvre de la politique de sécurité et de défense commune,

Vu le document de réflexion de la Commission européenne du 7 juin 2017 sur l’avenir de la Défense européenne,

Vu la communication de la Commission européenne du 30 novembre 2016 sur le plan d’action européen de la défense,

Vu la déclaration conjointe du 8 juillet 2016 des présidents du Conseil européen et de la Commission européenne ainsi que du secrétaire général de l’OTAN, l’ensemble commun de propositions approuvé par les ministres de l’OTAN et de l’Union européenne le 6 décembre 2016,

Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil du 7 juin 2017 établissant le « programme européen de développement de l’industrie de la défense »,

Vu la décision du Conseil du 11 décembre 2017 établissant la coopération structurée permanente et fixant la liste des États membres participants,

Vu la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne présentée par la Haute Représentante/Vice‑Présidente au Conseil européen le 28 juin 2017,

Considérant que l’Union européenne fait face, depuis plusieurs années, à une dégradation de son environnement de sécurité, laquelle se manifeste par l’accumulation de crises déstabilisant son voisinage proche, en particulier au Sahel, en Syrie et en Ukraine, dont les conséquences se font sentir à l’intérieur de ses frontières, notamment par l’afflux de migrants et la multiplication des attaques terroristes sur son sol,

Considérant que ces crises et leurs conséquences ont mis à mal la solidarité entre les États membres, remis en cause des acquis aussi fondamentaux que la liberté de circulation des personnes et révélé des oppositions qui affaiblissent l’idéal européen au moment même où l’un d’entre eux ‑ le Royaume‑Uni – a pris la décision de quitter l’Union européenne,

Considérant que les citoyens européens, directement touchés par leurs conséquences, attendent de l’Union européenne qu’elle les protège de ces crises mais également des menaces nouvelles, telles que les cyberattaques, l’insécurité énergétique ou les conséquences du changement climatique, qui, parce qu’elles sont globales, ne peuvent être conjurées par les seules initiatives nationales,

Considérant que sans réponse appropriée de l’Union européenne à ces crises comme aux attentes des citoyens européens, un risque réel de dislocation de celle-ci existe, rendant plus que jamais nécessaire un approfondissement de la construction européenne dans le domaine de la sécurité et de la Défense, lui seul pouvant dans le contexte actuel lui redonner un sens et une légitimité,

Considérant que l’Union européenne, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne qui, ensemble, avaient proposé un « Pacte européen de sécurité », a pris la mesure des défis auxquels elle est confrontée et, soutenue par l’ensemble des États membres, a fait du renforcement de la politique de sécurité et de Défense commune (PSDC) une priorité de son action,

Considérant que, depuis la présentation au Conseil européen des 27 et 28 juin 2016 de la Stratégie européenne globale pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), de nombreuses initiatives ont été lancées par la Commission européenne et les États membres, en particulier la coopération structurée permanente et le Plan d’action européen pour la Défense dont font partie le programme européen de développement de l’industrie de Défense, actuellement en discussion au Parlement européen, et le futur fond européen de Défense (FED),

Considérant que le renforcement de la base industrielle et technologique de Défense (BITD) de l’Union européenne, condition essentielle de son autonomie stratégique, représente un enjeu majeur pour la PSDC mais également pour les États membres, compte tenu du nombre d’emplois que représentent les industries nationales de Défense,

Considérant qu’outre le Royaume-Uni, vingt-et-un membres de l’Union européenne sont également membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui constitue le cadre actuel de leur défense collective et, par son expérience et ses moyens, un partenaire aujourd’hui indispensable à la mise en œuvre de la PSDC, avec lequel l’Union doit coopérer dans un esprit de confiance et un objectif de complémentarité,

Considérant que l’importance de l’OTAN dans la défense territoriale de l’Europe ne fait pas obstacle au renforcement de la PSDC compte tenu de la spécificité de celle-ci, de ses moyens et de ses missions,

Considérant que l’accent mis actuellement, dans les initiatives de la Commission et des États membres, sur le développement des capacités militaires de l’Union européenne doit ouvrir la voie, à terme, à des mesures visant à renforcer le caractère opérationnel de la PSDC, sans lequel celle-ci demeurerait sans portée,

Considérant que la coopération structurée permanente ne doit pas remettre en cause la coopération intergouvernementale en matière d’armements, notamment avec le Royaume-Uni, laquelle pourrait être au contraire renforcée afin de mener à bien les projets permettant de combler les lacunes capacitaires de l’Union, en particulier en matière d’équipements « IRS » (renseignement, surveillance, reconnaissance),

Considérant que le succès des initiatives européennes en matière de développement capacitaire et, plus généralement, de la PSDC repose sur la mise en œuvre effective des mécanismes de financement, notamment le FED, laquelle exigera que les États membres trouvent un compromis sur le prochain cadre financier pluriannuel qui préserve la PSDC des probables réductions budgétaires induites par le Brexit,

1° Constate que le voisinage de l’Union européenne est déstabilisé par une multitude de crises, au Sahel, en proie aux groupes terroristes islamistes et au sous‑développement, l’un se nourrissant de l’autre, en Syrie, où la guerre civile fait rage depuis 2011, avec son cortège de morts et de réfugiés de la dictature de Bachar El‑Assad et de Daesh, et en Ukraine, victime de la Russie qui, après avoir annexé la Crimée, soutient malgré la signature des accords de Minsk le séparatisme dans le Donbass tout en entretenant, par ses manœuvres militaires et sa propagande, les tensions aux frontières orientales de l’Europe ;

2° Observe qu’à ces menaces immédiates dans son voisinage s’ajoutent les défis globaux que l’Union européenne aura à affronter au cours des prochaines années, en particulier ceux en lien avec le changement climatique, l’épuisement des réserves naturelles et les cyberattaques, qu’elles soient le fait d’organisations criminelles, de groupes terroristes ou d’États ;

3° Souligne que le terrorisme et, plus généralement, les questions de sécurité et de Défense figurent désormais parmi les principales préoccupations des citoyens européens qui, conscients que les seules réponses nationales sont insuffisantes, attendent de l’Union européenne qu’elle agisse et les protège des menaces auxquelles ils sont confrontés ;

4° Se félicite que l’Union européenne, sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne, ait pris conscience de ces menaces et de ces attentes et décidé, soutenue par l’ensemble des États membres, de plusieurs initiatives majeures en matière de PSDC, à la fois politiques, avec la création de la coopération structurée permanente et le lancement d’une revue annuelle coordonnée de Défense (CARD), industrielles, avec le projet de programme européen de développement de l’industrie de défense et de fonds européen de la Défense et, enfin, militaires, avec le renforcement de la coopération UE-OTAN suite au sommet de Varsovie ;

5° Insiste sur l’obligation, pour l’Union européenne et les États membres, de faire de ces initiatives autant de succès nécessaires pour renforcer la légitimité d’institutions européennes mise à mal par le Brexit, la montée des populismes et une gestion pas forcément adéquate des crises qui, jusqu’à présent, ont frappé l’Europe ;

6° Considère que le succès de ces initiatives exige de maintenir le consensus que les États membres ont su trouver sur les questions de sécurité et de Défense, en particulier lors des prochaines négociations du cadre financier pluriannuel, afin de dégager les ressources nécessaires à la mise en œuvre du fonds européen de Défense et de la PSDC en général ;

7° Estime nécessaire que la concertation avec nos partenaires européens, en particulier l'Allemagne, se poursuive, afin de dégager une vision commune des objectifs de la coopération structurée permanente et de la PSDC, et des moyens de leur mise en œuvre ;

8° Appelle le Parlement et le Conseil de l’Union européenne à adopter rapidement le programme européen de développement de l’industrie de Défense en veillant à ce que, sauf dérogations exceptionnelles, dûment justifiées et rigoureusement contrôlées, il ne bénéficie qu’à des entreprises européennes, y compris des PME, localisées sur le territoire de l’Union et exemptes de tout contrôle par des États ou des entités non-européens ;

9° Estime nécessaire de renforcer le marché unique des équipements de sécurité et de Défense et, dès lors, soutient la volonté de la Commission européenne de faire mieux appliquer la directive n° 2009/42/CE du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense et la directive n° 2009/81/CE du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés dans les domaines de la défense et de la sécurité ;

10° Souhaite qu’à terme, la Coopération structurée permanente comme la PSDC elle-même, parallèlement au développement capacitaire, prennent une orientation plus opérationnelle, notamment par une meilleure prise en charge des coûts communs des opérations militaires par le mécanisme Athéna, ainsi que par le lancement d’une force européenne d’intervention, laquelle pourrait en outre créer une culture stratégique partagée qui fait aujourd’hui défaut au sein de l’Union européenne ;

11° Estime nécessaire que les institutions européennes, dans les limites définies par les traités, adaptent leurs structures afin que celles-ci reflètent la nouvelle priorité donnée aux questions de sécurité et de Défense dans les politiques de l’Union, une telle adaptation ne pouvant que favoriser leur mise en œuvre ;

12° Souligne le rôle fondamental de l’OTAN dans la défense territoriale de l’Union européenne et la nécessité pour l’ensemble de ses membres de respecter les obligations découlant de leur appartenance à l’Alliance atlantique, qu’il s’agisse de la mise à disposition d’officiers ou de la participation à des exercices militaires communs, en particulier aux frontières orientales de l’Europe ;

13° Considère que l’appartenance de vingt-deux de ses membres (incluant le Royaume-Uni) à l’OTAN ne fait pas obstacle au renforcement de la PSDC, à la fois sur le plan capacitaire et sur le plan opérationnel, compte tenu des spécificités des moyens d’actions de l’Union européenne qui, plus variés que ceux de l’OTAN car incluant des moyens civils, financiers et militaires, lui permettent d’apporter une réponse plus appropriée à des crises comme celles qui, par exemple, frappent le Sahel, ou de lutter plus efficacement contre le terrorisme ;

14° Attire l’attention des États membres sur l’importance de maintenir une coopération militaire bilatérale, entre eux mais également avec des États tiers en veillant toutefois à ce que celle‑ci soit compatible avec les objectifs de la PSDC.