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N° 1037

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juin 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour le renforcement des outils et des moyens de pilotage
de la recherche publique,

présentée par

Mme Amélie de MONTCHALIN,

députée.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Parmi les grands pays de l’OCDE, la France occupe la cinquième place mondiale pour la dépense de recherche publique en 2015. Rapportée au produit intérieur brut (PIB) et en intégrant la R&D en défense, la dépense de R&D représente 0,86 %, ce qui place la France au‑dessus de la moyenne de l’OCDE, mais en‑dessous des pays leaders (les pays nordiques, la Corée du Sud et l’Allemagne) et de « l’objectif de Lisbonne » de 1 % du PIB. Notre plus grand voisin, l’Allemagne, dépense ainsi 0,91 % de son PIB en dépense publique de recherche et s’est fixé un objectif de dépense totale de R&D de 3,5 % du PIB.

Depuis 2016, on observe toutefois une nette progression des crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) qui porte l’essentiel des financements de la recherche publique.

Les crédits votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2017 représentent ainsi 27,05 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 26,95 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), ce qui constitue une progression de 2,9 % en AE comme en CP par rapport à la LFI 2016. Si l’on s’en tient aux sept programmes qui constituent la partie recherche de la MIRES, la plupart ont connu une hausse de leurs crédits (+ 2,8 % pour les CP du programme 172 ‑ Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et + 6,9 % pour le programme 193 ‑ Recherche spatiale). Des progressions semblables sont observées en AE (respectivement + 4,3 % et 6,9 %).

En considérant l’ensemble de la mission, les crédits de la recherche augmentent de 3 % en AE et 1,9 % en CP (plus encore du point de vue de la consommation finale puisque l’on observe une surconsommation de crédits de près de 170 millions d’euros sur le programme 172). Cette tendance haussière du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche se poursuit en LFI 2018 avec une augmentation de 4,4 % des crédits de paiement des programmes de la partie recherche de la MIRES.

Cette prise de conscience que la recherche et l’innovation sont les clés pour développer le savoir humain et pour renforcer l’attractivité de la France sur la scène internationale est de bon augure et doit être amplifiée. Au terme du quinquennat, le Gouvernement et la majorité se sont ainsi engagés à porter les crédits de paiement de la MIRES à plus de 28 milliards d’euros dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques (LPFP).

À ces financements, il convient d’ailleurs d’ajouter les crédits extrabudgétaires des programmes d’investissements d’avenir (PIA) représentant en moyenne 1 milliard d’euros supplémentaires chaque année. À titre d’exemple, en 2017, ce sont 867 millions d’euros de dépenses directes annuelles auxquelles s’ajoutent 356 millions d’euros de rémunération annuelle des dotations non consommables, soit un total de ressources annuelles supplémentaires d’environ 1,22 milliard d’euros.

Cette progression des ressources budgétaires et extrabudgétaires consacrées à la recherche doit cependant se poursuivre au vu des niveaux d’engagements des plus grands pays européens, et s’accompagner d’une meilleure utilisation des moyens et d’un pilotage plus performant. Dans bien des situations, les circuits de financement s’avèrent excessivement complexes, entraînant une déperdition d’énergies, de temps et de ressources pour les acteurs de la recherche.

La définition d’une Stratégie nationale de recherche (SNR), qui détermine les orientations prioritaires de recherche de notre pays en cohérence avec le programme de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation Horizon 2020, et des programmes d’actions sur cinq enjeux thématiques nécessitant des actions coordonnées (numérique, climatique, biologie des systèmes, approches thérapeutiques innovantes et connaissance des cultures et de l’homme), va dans le sens d’une plus grande coordination.

Toutefois, l’évaluation de l’exécution du budget de la MIRES est une occasion de s’interroger sur l’absence de lisibilité réelle des dépenses par grands domaines de recherche ainsi que sur les difficultés de coordination des différents acteurs impliqués. En particulier, si les organismes de recherche nationaux multiplient les collaborations avec des universités qui tendent à devenir de plus en plus autonomes, il convient d’éviter les deux écueils que sont, d’une part, une concurrence excessive entre les universités et, d’autre part, l’émiettement de la recherche. À cet égard, il apparaît nécessaire de clarifier le pilotage des programmes de recherche à la fois en matière de pilotage scientifique et en matière de financement. Cela n’empêche pas un pilotage partagé d’un même projet scientifique à condition que soient précisément définies les responsabilités de chaque acteur impliqué.

En outre, les retombées économiques de l’effort de recherche ne sont pas à la hauteur des performances scientifiques de la France. Dans des domaines aussi stratégiques que l’espace, l’émergence de nouveaux concurrents privés, comme SpaceX, dans le domaine des lanceurs en particulier, fait peser une menace sur la compétitivité des acteurs français dans ce domaine d’avenir. L’existence d’un programme budgétaire dédié (programme 193) doit s’accompagner d’une stratégie pluriannuelle clarifiée et de moyens permettant de renforcer l’évaluation a posteriori des choix opérés.

Il est donc nécessaire que la priorité donnée à la recherche par les pouvoirs publics puisse à l’avenir s’appuyer sur une vision consolidée à moyen terme des financements par grands secteurs scientifiques, par grandes thématiques au sein de ces secteurs, à travers une gestion prévisionnelle et pluriannuelle des emplois et des moyens budgétaires comme extrabudgétaires. C’est tout l’enjeu d’une mise en œuvre rapide et volontaire des projets de systèmes d’information interopérables entre acteurs de la recherche (SI Labo et SI Recherche) qui ont pour objectif de rendre plus transparentes l’exécution budgétaire annuelle et pluriannuelle, de favoriser l’évaluation et de donner aux responsables de laboratoire comme aux responsables de programme budgétaire des outils de gestion et de comparaison qui aient du sens.

Le même effort de transparence et d’évaluation doit d’ailleurs prévaloir en matière de dépenses fiscales, en particulier sur les impacts effectifs du crédit d’impôt recherche sur la localisation de la recherche et l’embauche de scientifiques formés en France.

En ce qui concerne le financement sur projet, c’est en particulier autour de l’agence nationale de la recherche (ANR) que devrait se bâtir cette gestion pluriannuelle et thématique que l’Assemblée nationale appelle de ses vœux, et dont l’aboutissement du système d’information recherche (SIR) facilitera la mise en œuvre. L’ANR doit pour cela bénéficier d’une vision à moyen et long terme de l’évolution de ses crédits, lesquels doivent être suffisants pour financer les frais dits de « overhead » à une hauteur de 20 % à 25 % qui soit dans la moyenne européenne et internationale. C’est le sens de l’action du Gouvernement dans le PLF 2018 avec un renforcement notable des crédits de l’ANR.

Toutefois, il demeure indispensable de veiller à la simplicité, à la lisibilité et à la complémentarité des différents outils, appels à proposition et procédures de financements, dans un cadre national comme européen. Cela pourrait passer, comme la Cour des comptes l’a proposé à plusieurs reprises, par la définition des priorités de programmation de l’ANR et des autorisations d’engagement dans un contrat pluriannuel de performances avec l’État. Cela passe aussi par la convergence des règles d’éligibilité et de présentation des projets. Enfin, cela passe par une meilleure articulation de la programmation nationale avec le PCRDUE (Horizon 2020).


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu les articles 46, 54, 57 et 58 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu le rapport annuel de performance de la mission budgétaire Recherche et enseignement supérieur annexé au projet de loi de règlement du budget et approbation des comptes pour 2017 (n° 980) ;

Vu la note d’analyse de l’exécution budgétaire en 2017 de la Cour des comptes pour la mission budgétaire Recherche et enseignement supérieur ;

Vu les travaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques le 4 juin 2018 ;

Considérant que la conduite d’une recherche publique et privée d’excellence est cruciale pour la croissance et le rayonnement actuel et futur de la France, lui permettant d’être un territoire d’innovation et d’investissement au cœur d’une Europe partageant ces mêmes objectifs ;

Considérant que des difficultés d’organisation, de pilotage et de stratégie pour la recherche en France sont mises à jour depuis des années par tous les corps d’inspection et d’évaluation, et en particulier la Cour des comptes qui réitère chaque année le déficit d’éléments de synthèse budgétaire sur les crédits consacrés à la recherche par grand secteur scientifique ou défi collectif (transition énergétique, autisme, cancer pédiatrique, usage des pesticides…) et le manque d’un objectif intermédiaire réaliste pour la dépense sur PIB consacrée à la recherche publique et privée ;

Considérant que l’inversion de la tendance amorcée en 2016 et renforcée en 2018 pour accroître le soutien financier collectif dans la recherche – via l’Agence nationale de la recherche, le fonctionnement récurrent des laboratoires des organismes nationaux de recherche et la sélection de laboratoires et pôles universitaires d’excellence par les programmes d’investissements d’avenir – doit être amplifiée et couplée à une amélioration sensible du pilotage de ces dépenses ;

Considérant que le soutien à une recherche fondamentale et d’excellence demande de créer un cadre de pilotage budgétaire synchronisé avec la nature des programmes menés : pluriacteurs, pluriannuels, pluridisciplinaires, budgétaires et extrabudgétaires, et de plus en plus souvent transfrontaliers ;

Considérant enfin que des ruptures technologiques majeures sont à l’œuvre dans des domaines où la France a longtemps été à la pointe de la recherche et de ses applications, et où des craintes s’expriment désormais sur notre capacité collective à conserver une avance stratégique justifiant la localisation sur notre territoire des emplois et entreprises qui découlent de ces ruptures technologiques (lanceurs et programmes spatiaux, intelligence artificielle, agronomie et semences, énergie décarbonée…) ;

1. Souhaite que soient développés des outils pluriannuels de pilotage budgétaire de la recherche fondamentale, détaillant les objectifs stratégiques de cette recherche à moyen‑terme, incluant les financements accordés dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA), et facilitant la coopération et coordination entre acteurs – organismes, universités, entreprises ;

2. Souhaite que puissent aboutir rapidement les projets de systèmes d’information interopérables entre acteurs de la recherche (SI Labo et SI Recherche) pour rendre plus transparente l’exécution budgétaire annuelle et pluriannuelle, et créer un cadre dans lequel des conséquences budgétaires concrètes puissent être tirées de l’évaluation de la recherche au niveau des unités mixtes de recherche ;

3. Souhaite que le secteur de la recherche spatiale puisse clarifier les moyens dont il dispose pour préparer l’avenir et continuer à pouvoir rester compétitif technologiquement et économiquement face aux nouveaux acteurs qui émergent dans le domaine à travers le monde ;

4. Invite le Gouvernement à faire preuve de la plus grande vigilance sur l’ambition des volets « Recherche » et « Politique spatiale » des budgets présentés au sein du cadre financier pluriannuel, pour s’assurer notamment de leur cohérence avec les initiatives nationales sur ces sujets.