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N° 1038

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juin 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour une révision générale des taxes à faible rendement,

présentée par

M. Laurent SAINTMARTIN,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La mission fiscale, qui rassemble les fonctions d’établissement de l’impôt (assiette, liquidation, recouvrement), le contrôle fiscal, et les procédures contentieuses, est partagée entre deux administrations, la direction générale des finances publiques, et la direction générale des douanes et droits indirects, selon la nature des impositions considérées.

L’analyse de l’exécution sur la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines pour l’année 2017, et l’évaluation de cette politique publique, conduites au printemps par la commission des finances de notre assemblée, ont souligné l’existence de difficultés spécifiques liées à la gestion de certaines taxes, source de complexité tant pour le contribuable que pour l’administration. 

Ainsi, la taxe spéciale sur certains véhicules routiers, la taxe sur les farines, les droits de port, ou le droit annuel de francisation et de navigation, constituent des dispositifs lourds et coûteux à gérer pour l’administration fiscale, dont la refonte, voire, pour certains d’entre eux, la suppression, méritent d’être étudiées.

Ces conclusions ont constitué le point de départ d’une réflexion plus large portant sur la pertinence du maintien de nombreuses taxes à faible rendement, souvent créées à des fins budgétaires ou de régulation sectorielle, mais dont l’accumulation porte préjudice à l’efficacité de notre économie, affaiblit la lisibilité de notre système fiscal, s’oppose à sa stabilité, et freine la modernisation du recouvrement.

Cette question n’est pas nouvelle. Près de 200 taxes à faible rendement, dont le produit est inférieur à 150 millions d’euros, seraient en vigueur dans notre pays, pour un montant de recettes global supérieur à 5 milliards d’euros. Si, en matière de fiscalité, toute comparaison internationale s’avère délicate, ce nombre serait, selon les estimations, de deux à quatre fois supérieur à celui qui peut être observé chez nos voisins européens.

Ce foisonnement fiscal trouve sa source dans plusieurs phénomènes. Le développement des obligations communautaires, en matière sanitaire notamment, a souvent été mis en œuvre, en France, sous la forme d’impositions, plutôt que de redevances, tandis que les besoins de financement des collectivités territoriales ont pu conduire à la création, au profit de ces dernières, de taxes optionnelles. L’absence de comptabilisation, jusqu’à une période récente, des taxes affectées dans la norme de dépense ont incité à y recourir. Le recours à la fiscalité comportementale, ou « pigouvienne », en matière d’alimentation, de santé, ou d’énergie, notamment, a également contribué à leur inflation.

Cette profusion n’en reste pas moins préjudiciable à l’atteinte de l’optimum économique, à l’efficacité administrative, et, in fine, au consentement à l’impôt. De nombreux rapports de contrôle, réalisés par notre assemblée, ou par les corps d’inspection et de contrôle de l’État, en ont montré les limites : création de distorsions pesant sur l’activité économique et grevant la compétitivité des entreprises nationales, absence de logique d’ensemble, accumulation qui conduit parfois à des empilements de taxes sur certains produits ou services, effet comportemental limité, régime juridique critiquable pouvant conduire à des contentieux de série…

Il apparaît dès lors nécessaire de conduire une analyse approfondie de l’ensemble des taxes à faible rendement existantes, de mesurer leurs coûts de gestion, d’en évaluer la pertinence, et, lorsque leur maintien ne paraît pas justifié, d’en proposer, et d’en accepter, la suppression. 

Le Gouvernement s’est récemment engagé, par une circulaire du Premier ministre du 29 mars 2018, reprise par une circulaire commune de la directrice du budget et du directeur de la législation fiscale, à fixer un objectif de réduction du nombre de taxes à faible rendement, dont l’inventaire est en cours dans le cadre du programme Action publique 2022.

Cet engagement est salutaire. Il rejoint une volonté exprimée de longue date par notre assemblée. Il doit être ambitieux, et doit être tenu.

Deux éléments mériteront d’être considérés avec attention.

Premièrement, la compensation de ces taxes doit être recherchée et, dans le cas de taxes affectées, elle doit être privilégiée. Pour permettre la viabilité des organismes bénéficiant de tels financements (établissements publics, caisses de sécurité sociale ou de retraites, par exemple), il est crucial d’envisager très en amont les modalités de ces compensations, et d’en sécuriser la pérennité.

Deuxièmement, cet exercice doit être mené avec courage, rigueur et détermination, mais doit s’abstenir de suivre une approche trop systématique. Certaines taxes présentent, malgré un coût de gestion élevé et des recettes faibles, de réelles vertus, en permettant la prévention de comportements à risque, par exemple, et leur maintien devra alors être privilégié.

Enfin, afin d’assurer la cohérence d’ensemble de cette démarche et d’éviter l’éparpillement des dispositifs fiscaux et de la discussion les concernant, il est nécessaire de réaffirmer ici le principe d’un monopole fiscal des lois de finances, initiales comme rectificatives.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu les articles 46, 54, 57 et 58 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu les travaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques le 30 mai 2018 ;

Vu le rapport annuel de performances de la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines, annexé au projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour 2017 (n° 980) ;

Vu la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la Cour des comptes portant sur la mission Gestion des finances publiques et des ressources humaines ;

Vu l’annexe n° 25 Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Action et transformation publiques au rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2018 sur les missions (n° 273) et déposé le 12 octobre 2017 ;

Vu le rapport d’information déposé le 22 juin 2016 par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la taxation des produits agroalimentaires (n° 3868) ;

Vu le rapport d’information déposé le 19 juillet 2016  par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale sur l’application des mesures fiscales (n° 3973) ;

Vu les rapports publics annuels de la Cour des comptes des années 2014 et 2018 ;

Vu le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de juillet 2013 sur la fiscalité affectée ;

Vu le rapport de l’Inspection générale des finances de février 2014 sur les taxes à faible rendement ;

Vu la circulaire du 14 janvier 2013 relative aux règles pour une gestion responsable des dépenses publiques ;

Vu la circulaire du 26 avril 2018 relative à la réduction du nombre de taxes à faible rendement dans le cadre des conférences de sécurisation et des conférences fiscales 2018 ;

Considérant que si la création de certains impôts et taxes a pu être motivée par des impératifs budgétaires ou par une finalité de régulation économique, leur existence n’est parfois plus justifiée ;

Considérant que les coûts associés à la collecte de certains de ces prélèvements, et notamment aux taxes à faible rendement, sont parfois élevés, et ces prélèvements, difficiles à gérer ;

Considérant que cette complexité affecte tant les contribuables que la puissance publique et est, à ce titre, préjudiciable, non seulement au bon fonctionnement de l’économie, mais également au consentement à l’impôt et à l’avènement d’une société de confiance ;

Considérant que la conduite des missions fiscales relevant des directions à réseau du ministère chargé du budget pourrait gagner en efficacité ;

1. Encourage le Gouvernement à conduire une révision générale des taxes à faible rendement, et à fixer un objectif ambitieux de réduction du nombre de ces taxes ;

2. Rappelle également la nécessité de considérer avec la plus grande attention les conséquences budgétaires que pourrait avoir la suppression de certaines taxes pour les organismes bénéficiaires ;

3. Juge pertinent que les dispositifs fiscaux soient exclusivement discutés en lois de finances.