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N° 1042

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 juin 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à pérenniser les moyens nécessaires à la participation du ministère de la justice à l’effort national de lutte contre le terrorisme,

présentée par

M. Patrick HETZEL,

député.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les trop nombreux deuils, subis par la France en raison des attaques terroristes perpétrées depuis trois ans sur son sol, nous commandent de ne pas baisser la garde face à la gravité d’une menace persistante, aigüe et multiforme.

En réponse aux vagues d’attentats survenues en janvier et en novembre 2015, le Gouvernement a formalisé deux plans de lutte antiterroristes (PLAT 1 et 2) puis, en mai 2016, un plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme (PART).

Reposant en partie sur des réflexions et des mesures initiées dès avril 2014, les PLAT 1 et 2, ainsi que le PART visaient à dégager et affecter des moyens supplémentaires au ministère de la justice afin de lui permettre de prendre toute sa part à la lutte contre le terrorisme, par la mise en place d’un dispositif global. Celui‑ci avait notamment pour objectifs : l’identification des détenus radicalisés ; le renforcement du pôle antiterroriste de Paris ; le développement des équipes du renseignement pénitentiaire ; l’installation de magistrats référents dans les parquets ; la sécurisation des locaux des juridictions et du parc pénitentiaire ; la prise en charge des jeunes en voie de radicalisation.

La mise en œuvre de ces plans devait s’échelonner sur les exercices 2015 à 2017 et impliquer l’ensemble des programmes de la mission Justice. Les PLAT 1 et 2 visaient à assurer le financement à la fois d’actions ponctuelles – qui n’ont pas vocation à donner lieu à une réouverture de crédits l’année suivante – et des mesures structurelles ou de long terme dont la dépense relève des lois de finances.

D’après une première analyse des dépenses établies par la Cour des comptes, le montant des crédits programmés dans le cadre des deux PLAT, ainsi que du PART, s’élève aujourd’hui, tous programmes confondus, à 375,69 millions d’euros en AE (dont 287,60 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2017) et à 288,07 millions d’euros en CP (dont 222,98 millions d’euros en LFI 2017).

Le montant des crédits consommés atteint 157,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et 166,72 millions d’euros en crédits de paiement. Cette consommation des crédits peut varier assez sensiblement. De manière assez logique, la part des crédits dépensés dans le cadre du PLAT 1 dépasse celle du PLAT 2. Et si l’on compare les programmes, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse apparaissent en retrait par leur taux de consommation.

Les PLAT comportaient également l’affectation de 1 406 emplois supplémentaires. Le bilan de la réalisation met en lumière une sous‑consommation, avec 1 248 ETP, en raison de recrutements inférieurs aux prévisions notamment au sein de l’administration pénitentiaire. Il s’agit là d’éléments quantitatifs.

Mais il ressort également des travaux de contrôle du rapporteur spécial de la commission des finances que cette mobilisation a atteint ses objectifs : au‑delà des vacances de postes comblées et des sous‑dotations atténuées, les PLAT et le PART auront permis de répondre à de réels besoins découlant de la lutte contre le terrorisme, tant en terme d’équipements que de personnels, tant pour l’administration pénitentiaire que pour les services judiciaires.

Du reste, la gestion de ces ressources exceptionnelles a donné lieu à des instructions précises quant à l’affectation des crédits et, à un moindre degré, des emplois, ce qui garantit un usage des moyens conforme à leur objet.

Au regard de ce bilan et des derniers projets terroristes déjoués depuis le début de l’exercice 2018, se pose nécessairement la question des voies et moyens susceptibles de permettre au pays de poursuivre une lutte de longue haleine.

Devant la commission des finances réunie en commission d’évaluation des politiques publiques, la Garde des sceaux a écarté expressément le maintien d’un dispositif de fléchage spécifique des crédits et emplois affectés à la lutte antiterroriste. D’après son analyse, ces moyens auraient fait l’objet d’une consolidation dans le cadre de l’établissement du projet de loi de finances initiale pour 2018, ainsi que du projet de  loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice. Ils s’intégreraient désormais pleinement dans le pilotage courant des besoins et actions quotidiennes du ministère.

Certes, on ne peut que se féliciter de l’augmentation substantielle des ressources que projette la loi de programmation dont le Parlement devra prochainement délibérer. Toutefois, en l’état, le texte ne comporte aucune ventilation précise des crédits et emplois supplémentaires qu’il prévoit d’affecter à la Justice. Du reste, l’expérience des derniers exercices pousse à relativiser la portée d’un volontarisme trop souvent confronté aux réalités de la régulation budgétaire et des contraintes de gestion.

Permettre à la justice de prendre toute sa part à la lutte contre le terrorisme exige la mobilisation de moyens à la hauteur des enjeux d’une menace qui, insensiblement, évolue sur le territoire et à l’extérieur des frontières. Outre l’adaptation du fonctionnement des services, des procédures et du droit pénal, cette exigence implique de doter les pouvoirs publics d’instruments qui, au‑delà du « fléchage» des crédits et des emplois, favorisent une planification des ressources et leur suivi régulier. C’est tout le sens de la présente résolution qui doit conduire la Représentation nationale à se prononcer sur les suites à donner aux PLAT et au PART, ainsi que sur la pérennisation des moyens nécessaires à la participation de la justice à l’effort national de lutte contre le terrorisme.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu les articles 46, 54, 57 et 58 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances :

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu la note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 de la Cour des comptes relative à la mission Justice,

Vu les travaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, réunie en commission d’évaluation des politiques publiques le 31 mai 2018 ;

Considérant la gravité d’une menace terroriste persistante et aigüe qui, de manière inédite, porte atteinte à la sécurité publique et met durablement en cause la sûreté de l’État ;

Considérant la place relativement modeste qu’occupe la mission Justice au sein du budget général de l’État en dépit de son statut de mission prioritaire, ainsi que le décalage chronique entre les ressources qui lui sont affectées et l’étendue de ses missions ordinaires ;

Considérant l’apport décisif des plans de lutte antiterroristes et du Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme à la mobilisation efficace de la justice judiciaire, de l’administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse et des services chargés de l’aide aux victimes contre le terrorisme ;

1. Affirme solennellement la nécessité de maintenir et d’accentuer l’effort national engagé en vue de l’éradication de la menace terroriste ;

2. Juge indispensable une planification des moyens de cette lutte, notamment dans le cadre de l’établissement d’une loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice , qui doit favoriser une approche globale de parcours délinquants susceptibles de conduire à la radicalisation et au terrorisme ;

3. Invite le Gouvernement à pérenniser les ressources obtenues par la mission Justice dans le cadre des plans de lutte contre le terrorisme et du plan d’action contre la radicalisation afin de garantir, d’une part, la prévention des actes terroristes et la prise en charge des personnes radicalisées, d’autre part, l’identification, le jugement et l’incarcération des auteurs ou participants à de telles entreprises, enfin, la réparation des préjudices subies par les victimes ;

4. Invite le Gouvernement à envisager, dans cette optique, les procédures susceptibles d’assurer en gestion la préservation des ressources nécessaires à la continuité des actions engagées dans la lutte antiterroriste, y compris par un dispositif d’affectation des autorisations et crédits votés par le Parlement ;

5. Encourage le Gouvernement à donner les suites qu’il convient à la recommandation de la Cour des comptes tendant à « mettre en place un suivi détaillé de l’emploi des crédits ouverts depuis 2015 à la mission Justice au titre des plans de lutte antiterroriste et antiradicalisation, afin d’en rendre compte de manière transverse et spécifique dans les rapports annuels de performances ».