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N° 1087

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juin 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative à lOutremer,

présentée par

M. Olivier SERVA,

député.

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Plusieurs instruments financiers soutiennent les politiques de l’État en faveur des territoires ultramarins, pour un total estimé à 21,5 milliards d’euros en 2018.

L’éloignement de l’hexagone, l’insularité, l’étroitesse du marché intérieur, la récurrence d’évènements climatiques défavorables et la dépendance économique sont quelques‑uns des handicaps qui frappent la plupart des économies ultramarines et pèsent sur la compétitivité des entreprises. Il en résulte une situation économique et sociale dégradée par rapport à l’hexagone. Le PIB par habitant des territoires ultramarins est inférieur de 30 à 85 % au PIB hexagonal, selon les territoires, tandis que le taux de chômage y est deux à trois fois supérieur.

Pour compenser partiellement ces désavantages structurels et pour tenir compte des particularités ultramarines, l’État a instauré divers dispositifs budgétaires et fiscaux. Ils forment un ensemble d’aides économiques ayant pour objectif de soutenir la compétitivité et l’emploi des entreprises, de dynamiser l’investissement, d’encourager l’offre de logement social et les travaux de réhabilitation dans les territoires d’outre‑mer.

Compte tenu des caractéristiques des économies ultramarines, le législateur a souhaité que soit utilisé l’outil de la dépense fiscale. Existants depuis la loi « Pons » de 1986 ([1]), les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre‑mer ont fait l’objet de nombreux aménagements. Actuellement, plusieurs dispositifs coexistent. Ils ont pour objet le financement de l’investissement productif d’une part, et le financement de l’acquisition et de la rénovation de logements, d’autre part.

Alors que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) a été supprimé, les Assises des Outre‑mer, voulues par le Président de la République, constituent un cadre pour mener une réflexion d’ensemble sur les aides économiques outre‑mer. L’analyse des aides fiscales est l’occasion de s’interroger sur l’avantage comparatif de la dépense fiscale sur d’autres formes d’aides pour encourager l’investissement dans les territoires ultramarins en termes d’efficience de la dépense publique (y compris fiscale).

Plusieurs travaux d’évaluation ont examiné les dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement dans les Outre‑mer. Ils ont conclu que les dispositifs traditionnels de réduction d’impôt et de déduction de base fiscale en faveur de l’investissement outre‑mer, dits « dispositifs de défiscalisation outre‑mer », favorisaient l’évaporation fiscale. En effet, les exploitants ultramarins locaux ne bénéficient pas de la totalité de l’aide fiscale, une partie importante étant captée par des intermédiaires spécialisés et des contribuables majoritairement domiciliés dans l’hexagone. Des inquiétudes se sont également fait jour quant aux risques de fraude entourant ces dispositifs.

Fort de ces constats, le législateur n’est pas resté inactif. Plusieurs dispositions ont permis d’améliorer le ciblage et le contrôle de la dépense fiscale outre‑mer.

La loi de finances pour 2014 ([2]) a instauré deux nouveaux dispositifs de crédits d’impôt couvrant mutatis mutandis les mêmes investissements. Plus directs et plus avantageux que les dispositifs de défiscalisation traditionnelle avec lesquels ils coexistent, ces mécanismes maximisent l’effet de levier en faveur de l’investissement dans les territoires. Au moment de leur création, il était entendu qu’ils devaient, à terme, se substituer aux mécanismes de défiscalisation traditionnelle dans les anciens départements et régions d’outre‑mer (DROM). Ces crédits d’impôt récents ne sont toutefois pas applicables en Nouvelle‑Calédonie et dans les collectivités d’outre‑mer de l’article 74 de la Constitution (COM) en raison de la détention par ces territoires de la compétence fiscale.

S’agissant du contrôle de ces dépenses fiscales, des obligations déclaratives et des exigences en matière de probité ont été imposées par la loi ([3]) aux cabinets de défiscalisation. L’administration fiscale s’est modernisée et les fraudes sont désormais plus aisément détectables. Aujourd’hui, l’aide fiscale en faveur de l’investissement outre‑mer n’est pas plus susceptible de faire l’objet de fraudes que les autres réductions d’impôt, crédits d’impôt et déductions de base fiscale.

S’agissant de la maîtrise du montant de la dépense fiscale, plusieurs mesures générales, comme l’abaissement du plafonnement des dépenses fiscales (article 200‑0 A du code général des impôts) et l’exclusion des installations photovoltaïques des aides à l’investissement ([4]) ont entraîné une diminution de son montant. Entre 2011 et 2017, l’ensemble des aides fiscales à l’investissement outre‑mer ont ainsi diminué de près de 40 %, pour s’établir à un peu moins de 800 millions d’euros.

Ces dispositifs sont donc sécurisés et maîtrisés. Les récentes évaluations menées montrent l’efficacité des aides fiscales à l’investissement productif qui « permettent aux territoires daugmenter leurs investissements, de préserver la compétitivité des entreprises et de soutenir la dynamique économique au profit des emplois, notamment ([5]) ». Dans le secteur du logement, les aides fiscales à l’investissement permettent la construction d’environ 6 000 logements par an ([6]).

Ces aides sont efficaces et elles constituent le meilleur instrument pour parvenir aux résultats obtenus. Selon ses défenseurs, la subvention aurait plusieurs avantages comparatifs sur les dispositifs fiscaux en faveur de l’investissement productif. En premier lieu, elle permettrait de mieux cibler les aides. Cet argument doit être nuancé : les investissements dont le montant excède 250 000 euros ou un million d’euros selon les cas, doivent faire l’objet d’un agrément préalable de l’administration pour bénéficier des aides fiscales. L’administration vérifie à cette occasion l’absence d’effet d’aubaine.

Lorsque le montant de l’investissement est inférieur à ce seuil, il est vrai que les porteurs de projet bénéficient de l’aide de plein droit. En cas de passage à un système de subvention, l’administration n’aura toutefois pas les moyens d’instruire un nombre de dossiers équivalent au nombre de bénéficiaires de la défiscalisation de plein droit. L’aide aux entreprises ultramarines s’en trouvera donc probablement diminuée.

En second lieu, la subvention permettrait de mieux piloter la dépense publique. Le montant total de la dépense fiscale outre‑mer en faveur de l’investissement a chuté depuis le début des années 2010, sous l’effet d’encadrements législatifs successifs et opportuns qui ont modifié les règles d’attribution. Or, changer les conditions d’octroi en amont est de meilleure pratique que la régulation budgétaire de la subvention en gestion. Les exercices budgétaires passés montrent que les aides discrétionnaires sont les variables d’ajustement des aléas en gestion.

L’aide fiscale à l’investissement est un dispositif adapté aux territoires d’outre‑mer, à leurs spécificités. Elle doit donc être pérennisée. Elle peut toutefois être améliorée.

Ces dispositifs, d’application complexe, gagneraient à être simplifiés, notamment s’agissant du champ des investissements éligibles. Elle pourrait être accentuée dans les secteurs les plus stratégiques et mieux répondre à certains besoins sociaux, comme la réhabilitation des logements.

Il convient également d’améliorer l’accès au crédit d’impôt en faveur de l’investissement productif. Le passage de la défiscalisation au crédit d’impôt dans les anciens DROM constitue une amélioration, en ce qu’elle cible mieux l’aide fiscale vers les exploitants qui en ont besoin. Il n’est toutefois pas souhaitable que les dispositifs de défiscalisation traditionnelle s’éteignent totalement dans les DROM. En effet, contrairement aux nouveaux mécanismes, ils ne nécessitent pas de préfinancement souvent difficile à trouver pour les petites entreprises. Ces deux dispositifs pourraient coexister pour petites et moyennes entreprises.

 


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Vu les articles 46, 54, 57 et 58 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu le rapport annuel de performance de la mission budgétaire « Outre‑mer » annexé au projet de loi de règlement du budget et approbation des comptes pour 2017 ;

Vu la note d’analyse de l’exécution budgétaire en 2017 de la Cour des comptes pour la mission budgétaire « Outre‑mer » ;

Considérant que les territoires d’outre‑mer font face à des contraintes spécifiques d’isolement, d’étroitesse du marché et de récurrence d’évènements climatiques catastrophiques, que ces contraintes justifient des dispositifs spécifiques de soutien à l’investissement productif ; que ces dispositifs spécifiques permettent de dynamiser l’investissement dans les secteurs productifs de ces économies, favorisant les créations d’emplois ;

Considérant que l’ampleur du déséquilibre entre l’offre et la demande de logements sociaux, plus prononcée que dans l’hexagone, appelle un appui particulier en faveur de l’offre de logements ; que la récurrence des évènements catastrophiques et que les conditions climatiques en général induisent des besoins importants de réhabilitation de logements sociaux ; que des dispositifs fiscaux spécifiques en faveur du logement social dans les outre‑mer permettent chaque année la construction de milliers de logements, contribuant ainsi à répondre au manque d’offre de logements particulièrement criant dans les Outre‑mer ;

Considérant que des encadrements législatifs successifs ont permis de maîtriser le montant de ces dépenses fiscales qui a chuté de 40 % depuis 2011 ;

Considérant que les contrôles de ces dépenses fiscales ont été considérablement renforcées depuis 2011 ; que les prestataires spécialisés dans ces montages fiscaux doivent se soumettre à des obligations strictes de probité et de déclarations ; que le risque de fraude induit par ces dispositifs n’est pas plus élevé que celui induit par tout autre dispositif de réduction d’impôt, de crédit d’impôt ou de déduction de base fiscale ;

Considérant que des dispositifs permettant de cibler l’avantage fiscal sur les exploitants des collectivités d’outre‑mer de l’article 73 de la Constitution ; que ces dispositifs doivent toutefois être préfinancés ; que de nombreuses entreprises ultramarines de petite taille n’ont pas la capacité d’obtenir de préfinancement de ces dispositifs ; que ces dispositifs ne sont pas applicables dans les collectivités d’outre‑mer de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle‑Calédonie ;

Considérant enfin que l’administration fiscale n’a pas la capacité d’instruire a priori un nombre de dossiers équivalent au nombre d’investissements bénéficiaires des dispositifs d’aides fiscales de plein droit ; que la transformation de ces aides fiscales en subventions diminuerait nécessairement l’intensité et la célérité de l’aide en faveur des économies ultramarines ;

1. Souhaite que les dispositifs d’aide fiscale à l’investissement outre‑mer soient pérennisés et prolongés ;

2. Souhaite que soient développés des dispositifs efficaces de préfinancement du crédit d’impôt en faveur de l’investissement productif ;

3. Souhaite que les travaux de réhabilitation deviennent éligibles aux dispositifs d’aide fiscale en faveur du logement social applicables dans les collectivités de l’article 74 de la Constitution ;

4. Invite le Gouvernement à accentuer son effort d’évaluation des dispositifs d’aide fiscale à l’investissement en faveur des territoires ultramarins.


([1]) Loi n° 86‑824 du 11 juillet 1986 de finances rectificative pour 1986.

([2]) Loi n° 2013‑1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

([3]) Loi n° 2010‑1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

([4]) Ibidem.

([5]) Réponses questionnaire sur le projet de loi de finances pour 2018 de M. Olivier Serva, rapporteur spécial de la mission Outre‑mer.

([6]) Ibidem.