LOGO

No 1300

_____

ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 octobre 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
EUROPÉENNE

relative au respect de l’État de droit au sein de
l’Union européenne,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement)

PRÉSENTÉE,

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES,

par Mme Coralie Dubost et M. Vincent Bru,

Rapporteurs,


1

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 2, 7, 19 et 49 du Traité sur l’Union européenne (TUE),

Vu la Communication de la Commission européenne « Un nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’État de droit », du 11 mars 2014,

Vu les recommandations de la Commission européenne, notamment les recommandations (UE) 2016/1974, (UE) 2017/146 et (UE) 2017/1520,

Vu la proposition motivée conformément à l’article 7, paragraphe 1 du Traité sur l’Union européenne concernant l’État de droit en Pologne de décision du Conseil relative à la constatation d’un risque clair de violation grave, par la République de Pologne, de l’État de droit, du 20 décembre 2017,

Vu la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’État de droit dans un État membre, du 2 mai 2018,

Vu la proposition de résolution du Parlement européen du 15 novembre 2017 sur la situation de l’État de droit et de la démocratie en Pologne (2017/2931(RSP)),

Vu le rapport relatif à une proposition invitant le Conseil à constater, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du traité sur l’Union européenne, l’existence d’un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée (2017/2131(INL)), de Mme Judith Sargentini, du 4 juillet 2018,

Sur l’État de droit au sein de l’Union européenne

Considérant que l’Union européenne est une communauté de droits fondée sur des valeurs énumérées à l’article 2 du TUE,

Considérant que l’État de droit est cité parmi les valeurs de l’article 2 du TUE et constitue l’un des principes fondateurs de l’Union européenne, issu de la tradition constitutionnelle des États membres,

Considérant que les États candidats à l’adhésion à l’Union européenne doivent respecter les critères issus des conclusions du Conseil européen des 21 et 22 juin 1993, dont notamment la démocratie, la primauté du droit et les droits de l’homme,

Considérant que la formulation actuelle de l’article 2 peut prêter à confusion quant au champ exact de l’État de droit,

Considérant toutefois que des efforts appréciables de définition ont été fournis par la Commission européenne, dans la Communication établissant nouveau cadre de l’UE pour renforcer l’État de droit,

Considérant en particulier que l’État de droit comprend des principes issus d’une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE),

Réaffirme son attachement à l’ensemble des valeurs de l’Union européenne, telles que définies à l’article 2 du TUE,

Estime qu’une prochaine révision des Traités pourrait permettre de clarifier la notion d’État de droit à l’article 2 du TUE, en s’appuyant notamment sur la Charte des droits fondamentaux,

Estime néanmoins que la Commission européenne est légitime pour s’appuyer sur les critères dégagés par la CJUE afin de garantir le respect de l’État de droit au sein des États membres, et veiller ainsi à l’application des Traités, ainsi que le dispose l’article 17 du TUE,

Sur la situation des États membres au regard du respect de l’État de droit

Considérant la remise en cause substantielle, dans certains États membres, d’un contrôle effectif et indépendant de constitutionnalité, de l’indépendance de la justice, du pluralisme des médias, de la lutte contre la corruption,

Considérant que le respect de la hiérarchie des normes ne peut être assuré que par une protection juridictionnelle effective de la Constitution, via un organe indépendant du politique,

Considérant que l’indépendance des juges doit être garantie notamment par leur inamovibilité et par des mécanismes de promotion et de sanction indépendants des pouvoirs exécutif et législatif, ainsi que par l’exercice d’un pouvoir disciplinaire propre à l’organisation juridictionnelle, sans immixtion ni influence du Gouvernement et du Parlement,

Considérant en particulier que l’abaissement soudain de l’âge de la retraite des magistrats est de nature à perturber la qualité du travail de ces derniers ainsi que leur indépendance et caractérise une discrimination en fonction de l’âge,

Considérant que les mises à la retraite forcées, les nominations rapides et le remplacement de facto d’une génération de juges par une autre sont de nature à vider l’État de droit de sa substance, et portent atteinte au principe fondamental de non-discrimination sur deux critères, l’âge et les convictions politiques,

Considérant que le pluralisme des médias et des sources d’information, d’expression et d’opinion sont les piliers de la démocratie et un axe cardinal de la vie démocratique,

Considérant que la lutte contre la corruption est indispensable à la garantie d’un État de droit et d’une société démocratique,

Considérant que les violations systémiques à l’État de droit peuvent remettre en cause la confiance mutuelle entre États membres, et donc l’application uniforme des principes fondamentaux de l’Union européenne à l’ensemble des États membres,

Soutient les institutions européennes dans leurs efforts pour lutter contre les violations systémiques de l’État de droit,

Soutient, à ce titre, le dialogue entre la Commission européenne et la Pologne au titre de l’État de droit, ainsi que la proposition motivée de la Commission européenne au Conseil, au titre de l’article 7, paragraphe 1,

Dénonce la dégradation de l’État de droit, motivée par un programme idéologique contraire aux valeurs européennes et démocratiques, en Hongrie et en Pologne,

Estime que les évolutions législatives en Pologne, et en particulier la remise en cause de la composition de la Cour suprême le 2 juillet 2018, ne permettent pas de mettre fin à la procédure inscrite à l’article 7, paragraphe 1,

Considère que le Conseil doit être prêt, en l’absence de progrès significatifs en Pologne quant à l’indépendance de la justice, à constater l’existence d'une violation grave et persistante des valeurs visées à l'article 2,

Estime que la situation de l’État de droit en Hongrie, notamment en matière de respect du Défenseur des droits de l’homme, de liberté académique, du pluralisme des médias, d’indépendance de la justice, justifie le constat, par le Conseil, de l’existence d’une violation grave de l’État de droit,

Considère que, en l’état, le Mécanisme de Coopération et de Vérification a toujours vocation à s’appliquer à la Roumanie, afin d’aider les autorités publiques roumaines à lutter contre la corruption et de soutenir les progrès vers un système judiciaire transparent, indépendant et impartial,

Sur les instruments de l’Union européenne pour assurer le respect par les États membres de l’État de droit,

Considérant la nécessité pour le Conseil européen de statuer à l’unanimité pour constater l’existence d’une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l'article 2, au titre de l’article 7, paragraphe 2 du TUE,

Considérant que, dans la situation actuelle, une telle unanimité est inenvisageable,

Soutient la proposition de la Commission européenne visant à mettre en place, au sein du prochain Cadre Financier Pluriannuel, un instrument de protection du budget de l’Union européenne en cas de défaillance systémique de l’État de droit ; souhaite toutefois attirer l’attention sur la nécessité de calibrer cet instrument de telle sorte que seuls les responsables des violations de l’État de droit subissent, le cas échéant, des sanctions financières,

Estime nécessaire que soient mis en place de nouveaux mécanismes visant à assurer le respect effectif de l’État de droit par l’ensemble des États membres de l’Union européenne,

Recommande la mise en place d’un comité des parties prenantes, comprenant juristes reconnus, représentants des médias, des ONG et des autorités publiques, pour traiter des questions relatives à l’État de droit,

Soutient la proposition de création d’un mécanisme global de l’Union pour la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux, qui s’appliqueraient à tous les États membres ainsi qu’aux trois principales institutions de l’Union, ainsi que la mise en place d’un semestre européen de l’État de droit,

Souhaite la mise en place d’un réseau d’autorités administratives indépendantes nationales et de juristes experts en matière d’État de droit, échangeant informations et bonnes pratiques, doté d’un pouvoir d’alerte auprès de la Commission européenne, dès le constat d’une violation répétée de l’État de droit,

Encourage la Commission européenne à s’appuyer sur l’OLAF (Office européen de la lutte antifraude) ainsi que sur les rapports de la Cour des Comptes européenne pour disposer d’informations aussi précises que possible relatives au respect de l’État de droit, notamment dans le cadre de la passation de marchés publics.