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N° 1340

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête relative à la régulation des concessions autoroutières,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Franck MARLIN, Julien AUBERT, Thibault BAZIN, Valérie BEAUVAIS, Ian BOUCARD, Vincent DESCOEUR, Virginie DUBYMULLER, Nicolas FORISSIER, Laurent FURST, Patrick HETZEL, Véronique LOUWAGIE, Maxime MINOT, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, JeanLuc REITZER, Éric STRAUMANN, JeanCharles TAUGOURDEAU, Laurence TRASTOURISNART, Michel VIALAY, Stéphane VIRY,

députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 20 septembre 2018, M. Edouard Philippe Premier Ministre, annonçait la volonté du gouvernement de mettre en place les Assises de la mobilité avec la création de rapports visant à une meilleure appréhension des territoires, de leur irrigation et des populations pour leur apporter une offre en termes de mobilité des plus optimales.

Au regard du coût qu’il nous est légitime d’envisager, d’une part pour la rénovation de nos axes routiers existants et, d’autre part, pour les investissements dans de nouvelles infrastructures routières ; quelles sont les sources de financement prévues pour nos transports en commun ?

Déjà en 2014, dans un avis de l’Autorité de la concurrence remis à la commission des finances de l’Assemblée nationale, celui‑ci mettait en avant la situation de rente des concessionnaires autoroutiers. Rente, qui, propre à chaque situation monopolistique nuit aux usagers qui paient un prix supérieur à ce qu’il aurait été en configuration de concurrence effective, mais également par le fait que le monopoleur n’a pas d’incitation à investir pour l’amélioration des infrastructures.

Ainsi, par exemple, Cofiroute qui gère un réseau de près de 1 111 km voit son chiffre d’affaires en constante augmentation. Ce constat se retrouve à la lecture de son rapport financier individuel pour 2017, avec un résultat net s’établissant à 457,1 millions d’euros et un chiffre d’affaires total de 1 521,4 millions d’euros (1 457,7 millions d’euros en 2016, soit une hausse de 4,37 %). Subséquemment, le ratio de rentabilité net/CA s’établit à 30,04 % (32,8 % en 2016).

Alors que le groupe Cofiroute‑Vinci a distribué 2 917,26 millions d’euros de dividendes à ses actionnaires en 2016 (446,36 millions d’euros en 2017), la situation ne cesse de se détériorer pour les usagers qui subissent des hausses de tarifs sur des tronçons de routes empruntés quotidiennement.

Couplé à cela s’ajoute l’absence d’appel d’offres effectif sur les marchés publics considérés compte tenu d’une attribution quasi systématique des travaux effectués sur les portions de routes gérées par les concessionnaires à des entreprises membres de leur groupe fiscalement intégré, dégradant toujours plus la concurrence sur ce secteur.

À la lumière de la politique de rationalisation de la mobilité que le gouvernement entend mener, il est donc à s’inquiéter des taux de profitabilité excessifs retirés des contrats de concession qui se voient pérennisés sans conditions à l’échéance 2034.

C’est pourquoi, l’Autorité de la concurrence, la Cour des comptes et des consultations parlementaires préconisaient une révision des contrats de concession engagée par l’État avec l’introduction de clauses de rationalisation profitables aux usagers.

Il n’en demeure pas moins que, ces 10 dernières années, l’augmentation du prix des péages a été de 20 %, une hausse très largement supérieure à ce qui était prévu.

En effet, les concessionnaires autoroutiers peuvent actionner trois leviers en répercutant sur les usagers : 70 % du niveau de l’inflation de l’année passée, l’augmentation de la redevance domaniale, et les travaux engagés (nouvelles sorties, nouveaux échangeurs, troisième voie, équipements de sécurité...).

À cet égard, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) s’était prononcée le 14 juin 2017 sur les projets d’avenants destinés à mettre en œuvre le plan d’investissement autoroutier annoncé par l’État pour un montant de plus de 800 millions d’euros.

Les conclusions de l’ARAFER étaient sans appel, estimant « quil napparaît pas justifié de faire supporter par lusager de lautoroute le financement de 23 opérations (représentant environ 34 % [272 millions deuros] du coût total de construction du plan) », que « les augmentations de tarifs de péages prévues excèdent le juste niveau quil serait légitime de faire supporter aux usagers » et que « le niveau de rémunération des sociétés concessionnaires devrait être plus conforme aux risques supportés ».

Faut‑il également rappeler que dans sa renégociation de 2015, le gouvernement avait signé un accord favorable aux concessionnaires qui, en contrepartie d’investissements à hauteur de 3,2 milliards d’euros, ont obtenu une prorogation de la durée des concessions et une lourde hausse des tarifs, grâce à un accord dont les termes exacts restent tenus secrets ?

Bien qu’injustifiées, ces dépenses restent donc néanmoins supportées par les usagers et les contribuables.

Les tarifs autoroutiers ont ainsi augmenté au 1er février 2018 de 0,87 % à 2,04 % pour les voitures particulières sur les trois principaux réseaux (APRR, Sanef et Vinci), plus qu’en 2016 et 2017, et de 0,59 % à 2,92 % pour les autres véhicules.

Mais il ne s’agit là que de moyennes, une partie des 41 000 tarifs agréés par le ministère des transports allant au‑delà : + 7 % pour un trajet Lyon‑Montpellier via l’A7 et l’A9, + 7,69 % entre Clermont‑Ferrand et Riom sur l’A75,…

Or ces hausses ont également un fort impact sur le réseau routier secondaire qui est de plus en plus utilisé par les usagers de la route qui se détournent des autoroutes, comme l’illustre la diminution du trafic observée en 2017.

À titre d’exemple, cette situation se remarque notamment en ce début d’année 2018, avec l’augmentation des tarifs de l’A10 aux péages situés aux portes de l’Île‑de‑France et dans la région francilienne.

Il s’agit là d’une source de rentabilité simple et efficace pour Cofiroute‑Vinci, mais inacceptable pour les usagers, dont l’A10 est empruntée chaque jour par des milliers de Franciliens pour rejoindre leur travail dans la petite couronne. Encore une fois, c’est un facteur aggravant des inégalités entre le Grand Paris et sa périphérie.

Il faut en effet souligner que l’augmentation des tarifs constatée depuis le 1er février par les usagers représente une hausse de 3 % pour le péage d’Allainville et de 6 % pour celui de Dourdan. C’est autant à imputer sur le pouvoir d’achat des mêmes concitoyens qui subissent déjà le contrecoup de la hausse des tarifs à la pompe ainsi que les restrictions réglementaires s’appliquant aux véhicules jugés trop polluants.

Le péage en vigueur sur ces tronçons franciliens a pour conséquence directe le report du trafic routier, et plus particulièrement des poids‑lourds, sur un réseau secondaire inadapté à ce flux, comme la RN20 déjà totalement saturée.

La politique tarifaire des concessionnaires autoroutiers a donc également un impact très important, notamment sur la sécurité routière, la santé publique et l’environnement.

Enfin, les sociétés d’autoroutes voudraient intégrer dans leur réseau à péage les périphériques des grandes villes françaises.

Cette proposition a été formulée en novembre 2017 au gouvernement par l’Association des sociétés françaises d’autoroutes (ASFA). Ainsi, ces sociétés s’appuient sur la nécessaire rénovation de ces voies et leur adaptation à la circulation moderne avec, notamment, la réalisation de parkings à l’entrée des agglomérations, en demandant en contrepartie un allongement de la durée des concessions autoroutières, ce qui pourrait être autorisé en vertu d’une récente décision de la Commission européenne pour un projet similaire en Italie.

Si ce projet devait se concrétiser, non seulement les usagers des autoroutes et les contribuables seraient doublement pénalisés mais cette situation impacterait plus encore les habitants des secteurs ruraux et périurbains, tels que ceux des franges de l’Île‑de‑France, démunis de transports collectifs, et augmenterait les transferts de trafics sur les voies secondaires.

C’est pour toutes ces raisons, et ce constat global, que le cadre des négociations et du contrôle financier de ces contrats doit être revu.

La situation actuelle résulte avant tout du manque de vigilance de l’État dans le suivi de ces contrats de concession.

C’est pourquoi il est nécessaire d’étudier les effets des politiques menées dans ce domaine et de réformer le modèle de contrat des concessions autoroutières pour une meilleure inscription dans les schémas d’aménagement des territoires et que je vous propose d’adopter la proposition de résolution suivante.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres relative à la régulation des concessions autoroutières.