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N° 1489

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2018.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur limpact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur lacceptabilité sociale des politiques de transition énergétique,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

Présentée par Mesdames et Messieurs

Julien AUBERT, Nicolas FORISSIER, Guillaume LARRIVÉ, Emmanuel MAQUET, Éric STRAUMANN, Valérie BOYER, Jacques CATTIN, Jérôme NURY, Franck MARLIN, JeanFrançois PARIGI, Bernard PERRUT, Patrick HETZEL, Bernard BROCHAND, Philippe GOSSELIN, Marc LE FUR, Michel VIALAY, JeanLuc REITZER, Gilles LURTON, MarieChristine DALLOZ, Éric PAUGET, Bérengère POLETTI, Valérie BEAUVAIS, Laurent FURST, Michel HERBILLON, Valérie LACROUTE, Virginie DUBYMULLER, Stéphane VIRY, JeanJacques GAULTIER, Raphaël SCHELLENBERGER, Pierre CORDIER, Rémi DELATTE, Vincent DESCOEUR, Didier QUENTIN, Arnaud VIALA, Alain RAMADIER, Robin REDA, Josiane CORNELOUP, Ian BOUCARD, JeanYves BONY, Sébastien LECLERC, Julien DIVE, Bernard DEFLESSELLES, Nathalie BASSIRE, Laurence TRASTOURISNART, Constance LE GRIP, JeanMarie SERMIER, Nadia RAMASSAMY, Éric WOERTH, Fabrice BRUN, Claude de GANAY, Olivier DASSAULT, Geneviève LEVY, Dino CINIERI, Vincent ROLLAND, Thibault BAZIN, Véronique LOUWAGIE, Antoine SAVIGNAT, JeanLouis THIÉRIOT, JeanClaude BOUCHET, Gilles CARREZ, Emmanuelle ANTHOINE, PierreHenri DUMONT, Martial SADDIER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La politique d’accélération du déploiement des énergies renouvelables sur notre sol depuis plus de dix ans appelle aujourd’hui la représentation nationale à dresser le bilan de l’efficacité économique, énergétique et environnementale.

Quatre grands axes sont ici à mettre en lumière.

Premièrement, et c’est un truisme, la mobilisation récente des « gilets jaunes » partout en France témoigne de la forte sensibilité des Français à l’égard de la montée en puissance de la politique de décarbonation mise en place par le Gouvernement, en particulier dans la France rurale et périphérique qui peine déjà à terminer les fins de mois. La question du consentement à l’impôt est doublement posée. D’une part, ni le Parlement, ni les Français n’ont une vision très claire de ce qui est exactement prélevé en taxes et quasi‑taxes pour le financement de la transition énergétique. D’autre part, à l’autre bout du tuyau de la dépense, il n’y a aucune visibilité sur le coût de la transition, l’efficience de la dépense et l’impact sur la croissance économique.

Sur le premier sujet, celui du financement, plusieurs points posent problème. Sur les 37 milliards d’euros de la TICPE, 7 seulement sont effectivement affectés à la transition énergétique. Le Parlement est en droit de s’interroger sur la transparence d’un tel prélèvement. Outre l’impact sur le fossile, les Français sont également sollicités via la TVA, calculée sur le prix du baril majoré de la TICPE, et sur des « quasi‑taxes » comme la Contribution au service public de l’énergie (CSPE), qui vient renchérir le prix de l’électricité (environ 7 milliards d’euros). En parallèle, la presse s’est d’ailleurs fait écho d’une nette augmentation des tarifs réglementés de l’électricité prévue à partir du 1er février qui est estimée entre 3 % et 4 %, et qui va ponctionner d’autant le pouvoir d’achat. Il faut enfin citer pour être exhaustif le dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE), destiné à financer les travaux d’efficacité énergétique, qui couvre 3 milliards d’euros de dépenses obligatoires, dont 50 % reposent sur les vendeurs de carburants, lesquels répercutent cette contribution dans le prix à la pompe. La hausse des prix du baril a donc des conséquences complexes et elle a d’ailleurs provoqué un surplus de recettes fiscales dont l’ampleur reste à déterminer.

Sur le second sujet, c’est‑à‑dire l’efficacité de la dépense publique au service de la transition, des interrogations demeurent. Selon un rapport de la Cour des comptes de mars 2018, le montant des financements publics résultant des contrats signés avant 2017 au bénéfice des producteurs d’électricité d’origine éolienne et photovoltaïque s’élèverait à 121 milliards d’euros. Ce montant exorbitant est d’autant moins justifié qu’il ne bénéficie que très peu à l’industrie des énergies renouvelables faiblement porteuse d’emplois qualifiés. Le gouvernement a depuis négocié ‑ en toute discrétion, pour ne pas dire opacité ‑ une baisse des subventions à l’éolien en mer, mais en restant sur un coût résiduel très élevé d’environ 15 milliards d’euros. L’annonce récente de la multiplication par trois de la production du parc éolien terrestre d’ici à 2030 par le Président de la République dans le cadre de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) appelle à de profondes interrogations sur le coût global d’une telle politique, d’autant qu’elle s’accompagne d’un quintuplement du potentiel photovoltaïque.

Au plan économique, dans une note intitulée « Sortir de lutopie, revoir les orientations de la loi de transition énergétique », la Fondation Concorde a établi que les coûts de production systémiques de l’éolien terrestre représentaient  24,5 euros par Mégawatt‑heure (MWh) et 46,5 euros par MWh pour le solaire, pour un niveau de pénétration de seulement 30 % (puissance qu’elle génère par rapport à la puissance qu’elle consomme à chaque instant). À niveau de pénétration égal, les coûts systémiques globaux de production de l’énergie nucléaire s’élèvent quant à eux à seulement 2,05 euros par MWh. Pourtant, force est de constater que le dénigrement de la filière du nucléaire s’amplifie alors même que l’électricité produite en France est à 75 % d’origine nucléaire et permet à l’économie française d’être décarbonée. Rappelons que le bilan carbone des énergies renouvelables est peu enviable. L’ouvrage La guerre des métaux rares du journaliste Guillaume Pitron a démontré le caractère néfaste de l’utilisation de certains minerais et métaux rares dans la production d’éoliennes ou de panneaux solaires importés de Chine.

Alors que le débat sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) s’ouvre prochainement, il revient à la représentation nationale de se prononcer sur l’orientation de la transition énergétique et des réseaux. De la même manière que le Parlement a tenté d’établir la vérité des coûts, financiers, économiques mais aussi sociaux du nucléaire, il convient de mener le même travail pour les autres filières : coût commerciaux, industriels, problème du démantèlement, de la dépendance aux terres rares, coûts cachés en terme de modernisation du réseau, de la rentabilité du stockage hydro‑électrique, etc… Une commission d’enquête permettrait donc d’évaluer l’efficacité des subventions publiques allouées par l’État aux énergies renouvelables.

Qu’il s’agisse du financement de la transition ou de ses objectifs, un troisième thème transversal demeure : celui de l’acceptation sociale. Cela suppose d’évaluer les transferts de richesse induits par la politique de verdissement, et donc d’identifier son degré de justice sociale. Cela suppose également, sur le volet de la dépense, de prendre en compte le fait que certaines énergies renouvelables font l’objet d’une résistance sociale non négligeable. Les secteurs de l’éolien terrestre et maritime côtier sont ainsi révélateurs de la très faible acceptabilité sociale de ces projets par nos concitoyens qui refusent de voir leur paysage détruit par des éoliennes, malgré l’entêtement des pouvoirs publics à investir dans ces énergies.

Une commission d’enquête permettrait donc d’identifier les freins sociaux et les contraintes qui pèsent sur une politique de verdissement énergétique, de même que les facteurs qui ont poussé les pouvoirs publics à parfois totalement ignorer l’opposition des citoyens concernés, voire des élus locaux.

Enfin, au‑delà de l’évaluation des politiques publiques de verdissement qui s’attachent aux trois premiers sujets évoqués, un quatrième volet, pénal, doit être évoqué. L’économie du renouvelable, dopée par l’argent public, comporte en effet des zones plus sombres. L’explosion des énergies renouvelables s’est en effet accompagnée d’enrichissements très rapides de la part de certains promoteurs ou individus. La presse s’est fait l’écho de plusieurs affaires de corruption et de trafic d’influence dans des projets de parcs éoliens. En 2017, le maire de Tigné, dans le Maine‑et‑Loire, a démissionné de ses mandats électifs après avoir été condamné l’année précédente pour prise illégale d’intérêt dans l’implantation d’un parc éolien. Le maire était en effet directement intervenu en tant que géomètre expert du promoteur éolien dans sa commune pour faciliter ce projet.

Outre les faits de corruption directe, on note parfois une dissimulation de promoteurs éoliens qui se réfugient derrière des ONG de protection de l’environnement pour obtenir des subventions. Des financements plus douteux provenant de l’étranger ont été également recensés. Un rapport d’Europol de juillet 2013 avait pointé du doigt les investissements de mafias italiennes dans des parcs éoliens pour blanchir leurs revenus illégaux et bénéficier des aides européennes. Sans empiéter sur la compétence de l’autorité judiciaire, le Parlement doit faire toute la lumière sur l’origine des financements de certaines énergies renouvelables et sur leur gestion par les autorités publiques.

C’est pourquoi la création d’une commission d’enquête dressant le bilan des installations d’énergies renouvelables, évaluant le coût et l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique, mais aussi la transparence du financement de la transition énergétique est nécessaire avant que soient tranchées les grandes orientations énergétiques des années à venir.

Tel est l’objet de la présente proposition de résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres chargée d’évaluer l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique.