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N° 1628

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête
sur le fonctionnement de laide sociale à lenfance,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par

 

Mesdames Perrine GOULET, Émilie CARIOU, Audrey DUFEU SCHUBERT, Emmanuelle FONTAINEDOMEIZEL, Pascale FONTENELPERSONNE, Sandrine MÖRCH, Catherine OSSON, Claire PITOLLAT, Florence PROVENDIER, Mireille ROBERT, Brigitte BOURGUIGNON, Bérangère ABBA, Delphine BAGARRY, Barbara BESSOT BALLOT, Aude BONOVANDORME, Blandine BROCARD, Anne BRUGNERA, Danielle BRULEBOIS, Carole BUREAUBONNARD, Céline CALVEZ, AnneLaure CATTELOT, Danièle CAZARIAN, Annie CHAPELIER, Sylvie CHARRIÈRE, Mireille CLAPOT, Fabienne COLBOC, Josiane CORNELOUP, Bérangère COUILLARD, Dominique DAVID, Yolaine de COURSON, Jennifer De TEMMERMAN, Typhanie DEGOIS, Nicole DUBRÉCHIRAT, Jacqueline DUBOIS, Stella DUPONT, Sarah EL HAÏRY, Nadia ESSAYAN, Catherine FABRE, Albane GAILLOT, Patricia GALLERNEAU, Anne GENETET, Carole GRANDJEAN, Olivia GREGOIRE, Nadia HAI, Véronique HAMMERER, Danièle HÉRIN, Christine HENNION, Catherine KAMOWSKI, Stéphanie KERBARH, Anissa KHEDHER, Sonia KRIMI, Aina KURIC, AnneChristine LANG, Marion LENNE, Monique LIMON, MarieAnge MAGNE, Lise MAGNIER, Laurence MAILLARTMÉHAIGNERIE, Sereine MAUBORGNE, Graziella MELCHIOR, Emmanuelle MÉNARD, Sophie METTE, Monica MICHEL, Patricia MIRALLÈS, Cécile MUSCHOTTI, Valérie OPPELT, Mathilde PANOT, Zivka PARK, AnneLaurence PETEL, Maud PETIT, Valérie PETIT, Christine PIRES BEAUNE, Béatrice PIRON, Bérengère POLETTI, Barbara POMPILI, Natalia POUZYREFF, MariePierre RIXAIN, Laurianne ROSSI, Nicole SANQUER, Sira SYLLA, Liliana TANGUY, Huguette TIEGNA, Valérie THOMAS, Agnès THILL, Nicole TRISSE, Frédérique TUFFNELL, Laurence VANCEUNEBROCKMIALON, MarieChristine VERDIERJOUCLAS, Corinne VIGNON, Martine WONNER, Alexandra LOUIS, Sophie AUCONIE, Cathy RACONBOUZON,

et Messieurs Lionel CAUSSE, Saïd AHAMADA, Didier BAICHÈRE, Frédéric BARBIER, Hervé BERVILLE, Pascal BOIS, Stéphane BUCHOU, Pierre CABARÉ, Anthony CELLIER, JeanFrançois CESARINI, Philippe CHASSAING, Guillaume CHICHE, Francis CHOUAT, Paul CHRISTOPHE, Olivier DAMAISIN, Yves DANIEL, Marc DELATTE, Benjamin DIRX, JeanFrançois ELIAOU, JeanLuc FUGIT, Olivier GAILLARD, Joël GIRAUD, Philippe GOSSELIN, Fabien GOUTTEFARDE, François JOLIVET, Hubert JULIENLAFERRIÈRE, Pascal LAVERGNE, Michel LAUZZANA, Yannick KERLOGOT, Loïc KERVRAN, Daniel LABARONNE, JeanChristophe LAGARDE, JeanLuc LAGLEIZE, Vincent LEDOUX, Christophe LEJEUNE, Emmanuel MAQUET, Didier MARTIN, Denis MASSÉGLIA, Pierre MORELÀLHUISSIER, Matthieu ORPHELIN, Hervé PELLOIS, Alain PEREA, Patrice PERROT, Dominique POTIER, Hugues RENSON, Thomas RUDIGOZ, Jacques SAVATIER, Benoit SIMIAN, Denis SOMMER, Bertrand SORRE, Aurélien TACHÉ, Buon TAN, Stéphane TESTÉ, JeanLouis TOURAINE, JeanMarc ZULESI, Erwan BALANANT, Bastien LACHAUD,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Deux morts par semaine, un viol toutes les heures, 73 000 victimes de violences par an : voilà le terrible bilan – certainement sousévalué, car fondé uniquement sur les faits déclarés – de lenfance maltraitée en France. 

À la suite de ces maltraitances, ce sont 300 000 enfants qui sont pris en charge et confiés à laide sociale à lenfance (ASE) pour les protéger. Malheureusement, les différences de moyens, de politiques départementales ou dappréciations judiciaires se traduisent par des prises en charges différentes dun territoire à lautre.

Lenquête de Sylvain Louvet « Enfants placés : les sacrifiés de la République », diffusée sur France Télévision dans lémission « Pièces à conviction » le 16 janvier dernier, a mis en lumière certains dysfonctionnements au sein de lASE : des jeunes frappés par des éducateurs débordés, des victimes de violences sexuelles de la part dautres enfants placés, des adolescents de quinze ans livrés à euxmêmes dans des hôtels, des jeunes adultes se retrouvant à la rue le jour de leur dixhuitième anniversaire. Suite à ce reportage et au débat qui a suivi, les témoignages affluent, tous aussi poignants les uns que les autres, des victimes, des parents, des grandsparents, des éducateurs, des assistantes familiales, des psychologues… Malgré le travail formidable de la plus grande partie des personnes qui travaillent au quotidien auprès des enfants placés, tous font le même constat : le système fonctionne mal. Comment expliquer en effet que laide sociale à lenfance, censée protéger des mineurs, semble trop souvent une machine à broyer des enfants déjà bien abîmés par la vie ? Comment expliquer que 40 % des sans domicile fixe de moins de vingtcinq ans sont d’anciens enfants placés et que 70 % sortent sans diplôme de laide sociale à lenfance ? Il nest plus tolérable de laisser nos enfants continuer à se perdre.

Cest pourquoi, la présente proposition de résolution vise à mettre en place une commission denquête qui pourrait mobiliser des élus des départements, des professionnels de laide sociale à lenfance, des victimes, des parents et grandsparents, des représentants de la justice, des responsables dassociations afin de témoigner et mettre en lumière les bons et mauvais fonctionnements de cette institution.

Cette commission devra également réfléchir et tenter dapporter des solutions sur plusieurs points :

 Il faut mieux détecter la maltraitance. En effet, pour enrayer la spirale des infanticides il faut former chaque personne œuvrant auprès des enfants aux repérages et à lévaluation du danger.

 Lintérêt de lenfant, une obligation. Il est insupportable quun enfant soit séparé de sa famille daccueil sous prétexte quil faille privilégier la place des parents pourtant défaillants. Pour se construire, un enfant a besoin dun lien dattachement durable avec une personne bienveillante. Sils sont bien quelque part, écoutons leur parole, ne les déplaçons plus ! 

 Les enfants placés sont des enfants en grande souffrance. En conséquence, il faut des soins urgents, spécifiques et durables. Nous connaissons le triste sort réservé à la psychiatrie mais il est urgent de créer des réseaux de soins psychiques et des unités de soins pédopsychiatriques dans chaque département. Ne pas investir dans le soin des enfants, cest risquer que les victimes deviennent de futurs bourreaux. 

 Actuellement, il nexiste aucune norme de qualification et dencadrement pour la protection de lenfance, contrairement à la protection judiciaire de la jeunesse. Les éducateurs présents dans les foyers nont très souvent que le titre et pas le diplôme. De même, le nombre dencadrant fluctue en fonction non pas du nombre denfants, mais des moyens que linstitution mettra en place pour cette fonction. 

 Les magistrats de la SeineSaintDenis ont tiré la sonnette dalarme. Leurs décisions ne sont pas exécutées par le Département, laissant ainsi des enfants en danger dans leur famille. La mise à labri doit être immédiate quand il faut séparer lenfant de son milieu familial. Laide éducative à domicile doit être déclenchée dans les quinze jours pour accompagner rapidement lenfant et ses parents.

 De même, de nombreux parents denfants placés soulignent des placements parfois abusifs, notamment dans le cadre de divorces ou de séparations difficiles et la difficulté quils ont de récupérer leurs enfants une fois leurs situations stabilisées. Un travail en étroite collaboration entre les services de lASE, la justice et les familles parait indispensable, dans lintérêt de lenfant.

 Les Départements ne peuvent plus abandonner à lhôtel ou à la rue les enfants ou les jeunes. Que diraiton dun parent qui relèguerait à lhôtel son adolescent trop bruyant ou qui jetterait à la rue sa fille de dix-huit ans au prétexte quil naurait plus les moyens de payer le vivre et le couvert ? Arrêtons les sorties sèches de lAide sociale à lenfance à dix-huit ans, comme notamment y concourt la proposition de loi visant à renforcer laccompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers lautonomie, adoptée en juillet 2018 en Commission des affaires sociales Accompagnons ces jeunes audelà de leurs dixhuit ans jusquà leur autonomie sociale et professionnelle.

Sans empiéter ou interférer avec des procédures judiciaires en cours en la matière, inconnues des auteurs de la proposition, il y a donc urgence à rendre égalitaire cette politique pour donner à chaque enfant les mêmes chances de sen sortir dans la vie. En effet, comme le dit Lyes Louffok, ancien enfant placé et membre du Conseil national de la protection de lenfance, « on dit souvent quune société qui maltraite ses vieux condamne son avenir, mais quen estil dune société qui maltraite ses enfants ? »

 


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de quinze membres.

La commission aura pour objectif de mettre en lumière les bons et mauvais fonctionnements de l’aide sociale à l’enfance.

En outre, cette commission effectuera un examen de notre législation en la matière et fera des propositions pour répondre aux dysfonctionnements dont elle aura connaissance.