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N° 1729

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er mars 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Tendant à la création d’une commission d’enquête sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières en France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie BOYER, Constance LE GRIP, JeanClaude BOUCHET, Bernard PERRUT, Patrick HETZEL, Laurence TRASTOURISNART, Josiane CORNELOUP, Dino CINIERI, Damien ABAD, Fabien DI FILIPPO, JeanLouis MASSON, Charles de la VERPILLIÈRE, Meyer HABIB, Pierre CORDIER, Véronique LOUWAGIE, Nadia RAMASSAMY, PierreHenri DUMONT, Xavier BRETON, Emmanuelle ANTHOINE, Éric CIOTTI, JeanLuc REITZER, Julien AUBERT, Franck MARLIN, Guy BRICOUT, JeanCarles GRELIER, Alain RAMADIER, Vincent DESCOEUR, Annie GENEVARD, Raphaël SCHELLENBERGER, Vincent ROLLAND, Éric PAUGET, Nicolas FORISSIER, Geneviève LEVY, Valérie BEAUVAIS, Bernard BROCHAND, Maina SAGE, Laurent FURST, Virginie DUBYMULLER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pas moins de neuf églises ont été visées entre le 28 janvier et le 10 février 2019 sans que cela ne fasse la une des journaux.

Dernières profanations en date, le 9 février à Notre‑Dame de Dijon. Le 3 février, deux églises profanées le même jour : à Lusignan et à Talmont. Dans ces deux cas, les calices contenant les hosties ‑ dont certaines ont été répandues ‑ ont disparu. Le 5 février l’église Notre‑Dame‑des‑Enfants à Nîmes a connu un sort similaire avec son tabernacle brisé. Sur les murs du lieu de culte, des hosties et des excréments ont été projetés. Une croix a même été dessinée sur le mur de l’édifice avec de la matière fécale.

Dans les cimetières, les profanations consistent ainsi souvent en des saccages, des bris de sépulture, des actes de vandalisme prenant pour cible des accessoires, des plaques funéraires, des inscriptions, des bris d’emblèmes, la destruction de plantations.

Le ministère de l’intérieur a présenté le 12 février 2019 un bilan de l’année 2018 en matière d’actes racistes qui ne présente seulement que quelques chiffres concernant les profanations des lieux de culte et dont personne ne connaît la réelle provenance.

Les dernières statistiques « fiables » émanant d’un rapport parlementaire daté de 2011 ([1]) du groupe d’étude parlementaire sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières.

D’après les statistiques produites par les représentants du ministère de l’intérieur pour l’année, 100 actes antimusulmans ont été recensés en 2018, contre 121 en 2017, 182 en 2016 et surtout 429 en 2015, année des attentats djihadistes de Charlie hebdo et du 13 novembre.

Le nombre d’actes antisémites a par ailleurs fortement augmenté. 541 faits visant les Juifs ont été recensés l’an dernier (+ 74 % par rapport à 2017), dont 183 « actions » et 358 menaces.

Le nombre d’actes antichrétiens est également en augmentation en 2018, avec 1 063 faits recensés, contre 1 038 en 2017.

D’après les statistiques produites par les représentants du ministère de l’intérieur pour l’année 2017, 978 profanations ont été dénombrées, contre 621 en 2010. Elles se répartissaient de la manière suivante :

– 878 atteintes aux édifices et sépultures chrétiens (contre 522 en 2010), soit une moyenne de deux par jour.

– 72 atteintes aux sites musulmans (contre 57 en 2010).

– 28 atteintes aux lieux de culte et sépultures juives.

Qu’elle vise les lieux de culte ou les cimetières, quelle que soit la religion, la profanation ne constitue jamais et ne saurait être tenue pour une infraction ordinaire.

Elle représente un acte inqualifiable qui, dans l’interminable litanie des faits divers, nous offre le reflet sans doute grossissant d’une distance croissante avec des traits pourtant fondateurs de notre civilisation : le questionnement nourri par l’idée d’une transcendance ; le respect des morts et l’aspiration de certains d’entre nous à l’immortalité de l’esprit malgré la déchéance des corps.

L’histoire de l’espèce humaine en atteste : il existe entre la mort et la recherche du sacré des liens indissolubles et les anthropologues considèrent généralement que l’apparition de véritables rituels funéraires marque l’une des étapes décisives du passage à la civilisation.

Les profanations des lieux de culte se présentent comme un fléau persistant, fruit d’égarements individuels et, parfois d’une perte des repères collectifs.

Elles soulèvent une question de société qui ne peut durablement trouver de réponses que dans la réaffirmation de principes de civilisation et la protection de l’intégrité des lieux de culte et du séjour des défunts.

Depuis 2008 cependant, nous assistons à une recrudescence des actes de profanation.

Rappelons‑le la grande majorité des édifices du culte en France est catholique, soit 95 % selon l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR). Le ministère de l’Intérieur en recense environ 45 000, dont 40 000 églises qui appartiennent aux communes et 5 000 aux diocèses. Par ailleurs, 87 cathédrales sont propriété de l’État. Ce recensement n’inclut toutefois pas les lieux de culte au sein des hôpitaux, des prisons et des écoles ([2]).

Dès lors, il ressort des éléments recueillis par le groupe d’étude de 2011 sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières, que le recensement des profanations repose sur des instruments d’évaluation et des signalements encore très insatisfaisants car ne permettant pas une estimation exacte de la gravité de ces actes.

Cette situation tient, d’une part, à la relative imprécision en matière de l’appareil statistique des services de police et de justice. En l’état actuel, les profanations n’apparaissent pas en effet, en tant que telles, de manière isolée, dans les données collectées pour le suivi de la délinquance. Il faut dire que cette notion recouvre des faits et des atteintes très diverses.

Rappelons‑le, il n’existe pas de statistiques officielles permettant de mesurer l’ampleur des actes antisémites, antichrétiens ou antimusulmans. La loi interdit en effet de qualifier une agression selon l’origine religieuse de la victime. Lors du dépôt de plainte, seul le caractère raciste ou discriminatoire de l’infraction est retenu. Les chiffres dont on dispose sont fournis par des associations cultuelles ‑ comme le Service de protection de la communauté juive, dépendant du CRIF ‑ puis recoupés par les services du ministère de l’intérieur.

Dans les lieux de culte ou encore les cimetières et les nécropoles militaires, elles prennent également la forme de vols, de destructions ou de dégradations aux motivations variées.

Appréhender les profanations au plan judiciaire se révèle ainsi problématique parce que d’autre part, de tels actes ne donnent pas nécessairement lieu à un signalement aux forces de l’ordre et à la justice.

En conséquence, comment se fait‑il qu’à ce jour aucun chiffre précis ne soit porté à notre connaissance ? Pourquoi ne pas distinguer les lieux de culte et les sépultures ? Quel dispositif pouvons‑nous mettre en place pour un recensement précis de ces actes de profanations et de dégradations de ces lieux de cultes et cimetières ? Comment lutter plus efficacement contre de tels actes ?

Afin dobtenir des réponses, nous nous devons de réaliser une analyse des faits recensés sur le territoire national en établissant, culte par culte, la nature des profanations, les motivations et le profil de leurs auteurs ainsi que de leurs victimes. Enfin il est urgent de présenter des préconisations dordre législatif ou réglementaire susceptibles de favoriser la prévention de ces actes et la conduite daction de sensibilisation.

Dans cette optique, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de résolution suivante.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête de trente membres sur la politique de prévention et de lutte contre les profanations dans les lieux de culte et les cimetières en France. Cette commission sera notamment chargée de réaliser une analyse des faits recensés sur le territoire national en établissant, culte par culte, la nature des profanations, les motivations et le profil de leurs auteurs ainsi que de leurs victimes. Enfin, elle présentera des préconisations d’ordre législatif ou réglementaire susceptibles de favoriser la prévention de ces actes et la conduite d’action de sensibilisation.


([1]) Présidé par Claude Bodin, député UMP du Val d’Oise et comptant 43 membres.

([2]) Rapport d’information n° 345 (2014‑2015) de M. Hervé Maurey, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 17 mars 2015.