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N° 1801

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à supprimer la fracture des exclus du toutnumérique,

présentée par Mesdames et Messieurs
 

Patrick HETZEL, Damien ABAD, Emmanuelle ANTHOINE, Nathalie BASSIRE, Thibault BAZIN, Valérie BAZINMALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Émilie BONNIVARD, JeanYves BONY, Ian BOUCARD, JeanClaude BOUCHET, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Jacques CATTIN, Dino CINIERI, Pierre CORDIER, MarieChristine DALLOZ, Bernard DEFLESSELLES, Rémi DELATTE, Vincent DESCOEUR, Fabien DI FILIPPO, Marianne DUBOIS, Julien DIVE, Virginie DUBYMULLER, PierreHenri DUMONT, Daniel FASQUELLE, Nicolas FORISSIER, Laurent FURST, Claude de GANAY, Annie GENEVARD, Philippe GOSSELIN, JeanCarles GRELIER, Claire GUION‑FIRMIN, Michel HERBILLON, Mansour KAMARDINE, Brigitte KUSTER, Valérie LACROUTE, Sébastien LECLERC, Marc LE FUR, Geneviève LEVY, David LORION, Véronique LOUWAGIE, Gilles LURTON, Frédérique MEUNIER, Maxime MINOT, JeanFrançois PARIGI, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Didier QUENTIN, Alain RAMADIER, Nadia RAMASSAMY, Robin REDA, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Bernard REYNÈS, Vincent ROLLAND, Raphaël SCHELLENBERGER, Martial SADDIER, JeanMarie SERMIER, Éric STRAUMANN, JeanLouis THIÉRIOT, Laurence TRASTOURISNART, Patrice VERCHÈRE, Charles de la VERPILLIÈRE, Arnaud VIALA, Michel VIALAY, JeanPierre VIGIER, Stéphane VIRY, Éric WOERTH,

 

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Défenseur des droits a publié récemment un rapport alarmant sur la fracture numérique visant l’accès aux services publics. Il s’inquiète d’une France à deux vitesses, celle du haut débit et celle du bas débit où le téléchargement d’un document de quelques pages devient un casse‑tête, tant la connexion internet fixe est lente. La France a la vingt‑quatrième place sur 28 pour la 4G au sein de l’Union européenne !

500 000 personnes en France ne peuvent accéder à un réseau internet fixe depuis leur domicile.

541 communes françaises sont classées en « zone blanche » et sont donc totalement dépourvues de toute connexion à Internet.

Cela conduit à des situations kafkaïennes qui sont lourdes de conséquences.

Un homme a été radié de Pôle emploi après deux rendez‑vous manqués avec son conseiller. « Or, Monsieur X. réside dans un secteur qualifié de “zone blanche” et n’a jamais reçu à temps les mails de convocation et les SMS sur son téléphone portable ».

Un demandeur de certificat d’immatriculation n’a jamais pu transmettre ses justificatifs car les pièces jointes étaient limitées à un volume d’1 Mo (méga‑octet) tandis que ses documents en faisaient 1,2 Mo.

Un couple de personnes âgées en Guadeloupe n’a jamais pu consulter la notification de suspension de son allocation aux adultes handicapés et n’a donc pas pu formuler de recours à temps.

Dans l’Aude, certains lycéens ont dû faire 20 kilomètres pour se connecter à internet et pouvoir s’inscrire à Parcoursup !

Les usagers sont de plus en plus poussés à se tourner vers internet : pour s’inscrire à Pôle emploi, pour faire valoir ses droits à la retraite, pour déclarer ses revenus, pour toutes les démarches en ligne…

Depuis novembre 2017, les guichets des préfectures qui délivraient le permis de conduire et les cartes grises sont fermés. À cet égard, le Défenseur des droits a un constat très sévère parlant des « effets calamiteux durant toute la première partie de 2018 » privant des centaines de milliers de personnes des titres permis de conduire et cartes grises.

Pour l’assurance‑maladie, en acceptant les conditions d’utilisation du compte Ameli, les assurés consentent à la suppression des envois papier, alors que leurs e‑documents ne sont disponibles que six mois, ce qui implique de pouvoir les télécharger pour les conserver.

Selon une étude publiée en 2017 par l’Agence du numérique, 13 millions de Français utilisent pas ou peu internet et se sentent en difficulté avec ses usages. 6,7 millions de Français ne se connectent « jamais » à internet. Ce chiffre est particulièrement important en comparaison des 20 millions de foyers fiscaux qui ont déclaré leurs revenus en ligne.

Précaires, personnes âgées, non‑diplômés, sans abri et détenus sont les premiers oubliés du numérique et peinent encore à se servir de leur ordinateur et à naviguer sur internet. Avec la fermeture des guichets et la désertion des services (banques, poste, centre des impôts…), les plus fragiles n’ont plus accès à leurs droits sociaux. La difficulté d’accéder en ligne aux services publics et l’éloignement des zones urbaines complexifient les démarches administratives.

Comment franchir le cap pour les 19 % des Français qui ne possèdent pas d’ordinateur ?

Une fracture supplémentaire se constate en zone rurale, ce qui inquiète 43 % des Français qui y résident. Ce phénomène est loin d’être anecdotique. « Dans les communes de moins de 1 000 habitants, plus d’un tiers d’entre eux n’ont pas accès à un internet de qualité, ce qui représente près de 75 % des communes de France et 15 % de la population » relève le Défenseur des droits.

Certaines régions sont plus touchées que d’autres du fait de la géographie (forêts, montagnes), d’un réseau internet vieillissant ou d’une couverture fibre encore très faible.

Le directeur d’Emmaüs connect a mis en garde le Gouvernement : « le risque que la dématérialisation aggrave l’exclusion est réel… Il en va de l’accès au droit, à l’emploi, à la citoyenneté ».

L’objectif du Gouvernement est d’atteindre 100 % des services publics dématérialisés à l’horizon 2022. Il ne doit pas être guidé par une logique budgétaire en réduisant des services d’accueil du public au détriment des usagers.

Au vu du retard accumulé, ce plan ambitieux va laisser pour compte un grand nombre de nos concitoyens.

Pour pallier la rupture entre les usagers, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’adopter la proposition de résolution suivante.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Invite le Gouvernement français, dans chaque territoire concerné par la fracture du numérique,

1. À prendre l’engagement qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ;

2. À mettre en place une « clause de protection » permettant à l’usager de ne pas être tenu pour « responsable » en cas de problème technique ;

3. À repérer les personnes « en difficulté avec le numérique » grâce à des tests lors de la journée défense et citoyenneté.