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N° 1878

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 avril 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur les ventes darmes de la France à lArabie saoudite et aux Émirats arabes unis et sur léventuelle utilisation de cellesci pour commettre des crimes
de guerre ou des crimes contre lhumanité à lencontre de la population civile du Yémen,

(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Nicolas DUPONTAIGNAN,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les pays occidentaux donnent souvent des leçons de démocratie au reste du monde mais depuis des décennies, ils font preuve d’une complaisance fautive à l’égard de l’Arabie Saoudite. Au nom de la « raison d’État », ils ferment les yeux sur les dérives scandaleuses de cette monarchie pétrolière. Tout cela parce que ce pays est un grand producteur de pétrole et que grâce à sa richesse financière, il dépense des sommes colossales pour l’achat d’armes et pour financer le train de vie somptuaire de ses élites dirigeantes.

La France et les États‑Unis se distinguent notamment en fournissant des armes particulièrement destructrices à l’Arabie saoudite et à ses satellites, les Émirats arabes unis. Chacun sait pourtant que ces armes alimentent de nombreux conflits internationaux. Plus grave, elles sont maintenant directement utilisées pour une guerre d’agression au Yémen, contre les Houtis, lesquels quoiqu’on en dise, sont chez eux. Ce conflit est à l’origine de crimes de guerre qui ont été dénoncés par l’ONU avec des dizaines de milliers de morts dans la population civile.

Malgré cela, depuis 2015, la France continue comme si de rien n’était, à livrer des armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Avec une certaine mauvaise foi, les dirigeants français ont toujours affirmé que les matériels français n’auraient que des fonctions « défensives », ce qui semble totalement faux. En fait, il s’agit bien d’une guerre d’agression de l’Arabie saoudite et non d’une guerre défensive.

Le Gouvernement actuel se fonde sur une note de la direction du renseignement militaire (DRM) d’octobre 2018, laquelle n’a pas plus de valeur que les affirmations mensongères de M. Tony Blair lorsqu’il accusait Saddam Hussein de détenir en Irak des armes de destruction massive. D’ailleurs, chaque fois qu’il est mis en cause, le Gouvernement, soit continue de faire semblant de tout ignorer, soit s’abstient de répondre, ce qui prouve bien qu’il est gêné.

Ainsi lors de la séance du Sénat du 22 janvier 2019, le ministre n’a même pas répondu à l’interpellation pourtant claire de M. Jean‑Louis Masson : « Eh bien, nous Français, nous n’avons pas à être fiers de nos gouvernements successifs, tout comme nous n’avons pas à être fiers de la politique (…) au Yémen. En effet, tout le monde sait qu’au Yémen l’Arabie saoudite commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. L’Arabie saoudite (…) on lui déroule le tapis rouge ! Il y a deux poids, deux mesures ! On n’admet pas que M. Assad fasse telle ou telle chose, mais le roi d’Arabie saoudite, lui, est sacré, il fait ce qu’il veut, il assassine les gens, il va bombarder les populations civiles au Yémen, il fait un génocide contre les Houthis et non seulement on lui dit « merci », mais en plus, on lui vend les armes ! Nous vendons actuellement à l’Arabie saoudite les armes qui servent à commettre des crimes de guerre… Cela veut dire que nous avons du sang sur les mains par la faute de certains de nos dirigeants… »

En fait, un collectif de journalistes a révélé le pot aux roses puisque les intéressés ont eu connaissance de la note de la DRM présentée lors d’un conseil restreint à l’Élysée le 3 octobre 2018. Elle révèle que l’Arabie saoudite et ses alliés utilisent « des canons automoteurs Caesar, des Mirage 2000, des systèmes de guidage Damoclès et des chars Leclerc dans l’arrière‑pays » (Le Monde, 17 avril 2019). Comment les dirigeants français peuvent‑ils parler d’actions défensives lorsque par exemple ces chars Leclerc sont utilisés à Marib au centre du Yémen ou à Moka et à Aden dans l’extrême Sud ?

Cette situation n’a que trop duré. L’ONU a accusé l’Arabie saoudite d’être responsable de crimes de guerre, si ce n’est de crimes contre l’humanité au Yémen. S’il se confirmait que les armes vendues par la France ont été utilisées pour commettre ces crimes, la France et tout particulièrement son Gouvernement, en seraient les complices.

Du point de vue moral, le Parlement a donc le devoir de faire la vérité, toute la vérité, sur l’éventuelle utilisation des armes vendues par la France à l’Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis pour commettre des crimes de guerre à l’encontre du Yémen et de ses populations civiles. Dans ce but, il vous est proposé de créer la commission d’enquête parlementaire, qui est l’objet de la présente résolution.


proposition de rÉsolution

Article unique

Il est créé, en application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres ayant pour objet de dresser un bilan des ventes d’armes par la France à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis et de rechercher par tous moyens si ces armes ont, ou non, été utilisées pour commettre des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité à l’encontre de la population civile du Yémen.