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N° 2004

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à rationaliser les agences publiques et les instances consultatives nationales,

présentée par Mesdames et Messieurs
 

Lise MAGNIER, Patricia LEMOINE, Guy BRICOUT, JeanChristophe LAGARDE, Sophie AUCONIE, Thierry BENOIT, Pascal BRINDEAU, Paul CHRISTOPHE, Stéphane DEMILLY, Béatrice DESCAMPS, Philippe DUNOYER, Agnès FIRMIN LE BODO, Philippe GOMÈS, Antoine HERTH, Laure de LA RAUDIÈRE, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Maina SAGE, Nicole SANQUER, Francis VERCAMER, Michel ZUMKELLER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le recours accru, par l’État, à des modes de gestion publique alternatifs, afin de s’affranchir notamment de l’organisation administrative « classique », hiérarchique et pyramidale, semble s’être amplifié comme en témoigne les développements des divers types d’établissements publics (EP) au fil du temps.

Le foisonnement des statuts juridiques, des périmètres de recensement et l’absence de stratégie d’ensemble, a contribué à l’inflation en termes de moyens humains et financiers de ces entités, tout cela sans renforcer la tutelle de l’État sur ces dernières.

Dans cette entreprise de définition, le droit s’avère de peu de secours, les agences publiques, dénomination utilisée pour désigner cet ensemble hétérogène d’entités, recouvrent des réalités juridiques très différentes : établissement public administratif, établissement public industriel et commercial, groupement d’intérêt public, service à compétence nationale, association, société...

Depuis leur apparition dans les années 60, les agences sont devenues un enjeu déterminant de gestion et de finance publique. Déjà en 2012, dans un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), elles représentaient plus de 20 % du budget général de l’État et de ses effectifs, ce qui témoigne d’un fort démembrement des politiques publiques.

Par ailleurs, la constitution d’agences se traduit mécaniquement par une augmentation des coûts de structures des politiques publiques, en particulier lorsque cellesci sont dotées de la personnalité morale. Ces surcoûts, qui peuvent être la contrepartie d’une meilleure qualité de service public, sont constitués de coûts de tutelle, de coûts de démutualisation ainsi que d’augmentations d’effectifs, facilitées jusqu’à il y a peu par des contraintes en matière de plafond d’emplois moins fortes que pour l’État.

Aujourd’hui et comme l’indiquait Guy Bricout dans une Question au Gouvernement en janvier 2019, près de 1 200 agences et opérateurs sont actuellement placés sous la tutelle des différents ministères (486 opérateurs de l’État et environ 700 organismes divers d’administration centrale), auxquels s’ajoutent de nombreuses entités qui leur sont directement rattachées (délégations, hauts commissariats, commissariats) auxquels l’on peut rajouter également les différents organismes consultatifs (les fameux « comités Théodule », qui sont actuellement au nombre de 387 pour un budget annuel de 22 millions d’euros).

La multiplicité de ces structures, qui comptent pour certaines un très faible nombre dagents, nuit à la lisibilité et à la cohérence des missions ainsi quà laction des administrations centrales.

Au regard :

– de certaines missions aux contours très flous ;

– des comités, dit « fantômes » qui ne siègent pour ainsi dire jamais ;

– des agences jugées « inutiles » car non dotées de moyens suffisant ;

– des entités qui font doublon avec d’autres organismes ou administrations.

Depuis plusieurs années, les différents gouvernements ainsi que le Parlement ont témoigné d’une volonté commune de mieux contrôler les différents satellites de l’État. Plusieurs mesures transversales ont ainsi été adoptées comme par exemple la mise en place depuis 2007 d’un « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances sur les opérateurs de l’État.

Néanmoins les mesures de rationalisation comme d’information sont toujours incomplètes, il suffit de constater que malgré les efforts entrepris dans ce sens ces dernières années (entre 2012 et 2017), le nombre d’opérateurs de l’État a baissé tandis que le nombre des organismes divers d’administration centrale, non renseignés dans les documents budgétaires adressés au Parlement, a lui augmenté.

À cela il faut ajouter que la masse salariale des agences n’est pas ou peu connue ; leur poids dans les comptes publics pèse pour au moins 60 milliards d’euros en 2017 alors qu’il était de 50 milliards d’euros en 2012.

Si l’État a entrepris un réel effort de modernisation de sa tutelle, ces réformes, en l’absence de chiffres clés et de règles contraignantes, n’ont pour le moment pas été suffisantes pour endiguer le nombre des agences ou leur coût.

Concernant plus précisément les commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres ou de la Banque de France, leur nombre s’élève à 387 au 20 septembre 2018. Il y a un vrai effort de réduction depuis de 2011, de la part de tous les gouvernements successifs (il y en avait 668 en 2011). Cependant, cet effort semble se tarir, les coûts de fonctionnement s’élèvent toujours à 22,6 millions d’euros et de nouveaux comités sont régulièrement créés, y compris par voie législative.

Il est nécessaire de faire émerger une stratégie de rationalisation, visant le remembrement des services de l’État si cela s’avère pertinent et dans le cas contraire il faut développer une règle stricte de tutelle afin de maîtriser et d’assurer l’efficience des dépenses des agences et des instances consultatives ou délibératives.

Dans le contexte difficile pour les finances publiques, que nous connaissons, de nouvelles orientations s’avèrent indispensables. Ainsi la présente proposition de résolution invite également le Gouvernement à prendre toutes les mesures pour promouvoir une information exhaustive et une rationalisation du recours aux agences publiques et instances consultatives.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le f du 5° de l’article 51 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances,

Vu le jaune budgétaire « Opérateurs de l’État »,

Vu le jaune budgétaire « relatif aux commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres »,

Vu la circulaire du Premier ministre n° 5975/SG , du 24 octobre 2017 relative à la modernisation des procédures de consultation préalable et réduction du nombre des commissions consultatives ;

Vu le rapport de l’Inspection générale des finances n° 2011‑M‑044‑01, « L’État et ses agences », de mars 2012,

Vu l’étude annuelle du Conseil d’État de 2012, « Les agences : une nouvelle gestion publique ? »,

Considérant un recours toujours croissant aux agences d’État et une faiblesse persistante de l’information disponible sur ce sujet ;

Considérant l’absence de stratégie d’ensemble pour renforcer la tutelle de l’État et de mesures contraignantes pour endiguer l’inflation des moyens humains et financiers de ces entités ;

Soulignant l’augmentation mécanique des coûts de structures des politiques publiques avec la constitution d’agences ;

Soulignant la multiplicité des structures, comptant un très faible nombre d’agents, des missions aux contours mal définis, des moyens insuffisants ou faisant doublon ;

Soulignant la nécessité de faire émerger une stratégie de rationalisation des agences publiques et les instances consultatives nationales ;

Rappelant que les objectifs décidés par l’État, au travers notamment de circulaires, n’ont pour le moment pas été suffisants pour rationaliser et évaluer régulièrement la pertinence de ces entités administratives, n’étant en réalité pas réellement contraignants en l’absence de cibles chiffrées ;

Souhaite qu’un document présentant l’ensemble des agences et leur budget consolidé soit annexé annuellement à la loi de finances, ceci pour la bonne information du Parlement ;

Souhaite qu’une règle normative encadre la création de nouvelles entités administratives rattachées aux administrations centrales, en les conditionnant à la suppression, transformation ou fusion d’entités existantes mais aussi à la réalisation d’une étude d’impact, mentionnant les motifs du recours à l’entité, du choix de son statut juridique, des moyens dont il est envisagé de la doter, des modalités d’articulation avec les structures existantes et enfin des modalités d’évaluation de l’action de l’agence ;

Souhaite qu’une évaluation périodique de l’efficience et de la pertinence de chacune des entités administratives déjà existantes soit mise en place annuellement, qu’il s’agisse d’opérateurs, d’agences ou de toutes autres formes juridiques d’organismes afin d’éviter les doublons, entités fantômes et structures inutiles ;

Souhaite que soit envisagée la fusion des commissions et instances consultatives avec le Conseil économique, social et environnemental, dans le cadre de la réflexion en cours sur le Conseil et qu’une règle contraignante soit édictée à cet égard.