Description : LOGO

N° 2007

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juin 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à favoriser une meilleure valorisation du patrimoine immobilier des universités,

présentée par
 

M. JeanPaul MATTEI,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs siècles, les universités occupent une place éminente dans la production et la diffusion du savoir comme au cœur de nos cités. Par l’effet de La « démocratisation » de l’enseignement supérieur, les établissements ont été conduits à accueillir des étudiants en nombre croissants ; ils ont élargi l’assise de leurs locaux, quittant souvent des sièges historiques et s’installant parfois en dehors des centre‑ville.

Aujourd’hui, les bâtiments et emprises foncières des universités s’étendent sur près de 18 millions de mètres carrés (SCHON). Sous la pression de la démographie étudiante, l’accroissement des surfaces a longtemps été le maître mot. Ainsi, la superficie de l’immobilier un a fortement augmenté entre 1990 et 2000 (+ 37 %) ; aux cours de la décennie 2000, sa croissance s’est poursuivie de manière régulière et plus que significative (+ 9 %).

Toutefois, les investissements consentis dans la construction et l’extension des bâtiments ne se sont pas nécessairement accompagnés d’un même effort en faveur de leur entretien. Il en résulte aujourd’hui un patrimoine immobilier universitaire considérable mais un état très inégal. D’après les chiffres fournis par le ministère de la Recherche, 38 % dans un état « peu satisfaisant » ou pas « satisfaisant ».

De fait, la rénovation et le développement du patrimoine immobilier des universités constituent un réel besoin nécessitant des ressources importantes (de l’ordre de 9 milliards d’euros suivant certaines estimations). On rappellera d’ailleurs qu’en loi de finances initiale pour 2019, 1,3 milliard d’euros a été prévu pour l’immobilier (dont 850 millions d’euros pour l’immobilier récurrent, la masse salariale et la maintenance ; 290 millions d’euros pour les projets de construction et réhabilitation ; et 57 millions d’euros pour les projets de mise en sécurité). Par ailleurs, des crédits extrabudgétaires bénéficient à deux grands projets : l’opération Campus pour 5 milliards d’euros, et un milliard d’euros pour le projet Saclay.

Le budget immobilier des établissements universitaires représente le second poste de dépenses après la masse salariale. Il sert souvent de variable d’ajustement. Pour autant, les ressources dégagées en faveur du financement des opérations de maintenance et d’entretien ne correspondent pas aux besoins.

Or, la pérennité et la valorisation des bâtiments et des emprises foncières constituent un enjeu d’autant plus stratégique que la gestion de ces actifs participe aujourd’hui pleinement de l’affirmation des universités dans un cadre favorisant leur autonomie.

Cette évolution résulte très directement des compétences nouvelles accordées par la loi n° 2007‑1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Ainsi, dans le cadre du régime de responsabilité et compétences élargies (RCE), les crédits destinés au financement des dépenses d’exploitation, de maintenance et d’entretien des biens immobiliers de l’État sont intégrés depuis 2009 dans les dotations globales de fonctionnement des universités.

Aujourd’hui, l’article L. 719‑14 du code de l’éducation autorise le transfert aux établissements universitaires qui en font la demande de la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’État.

Dans le cadre d’une expérimentation, les universités de Limoges, de Clermont‑Ferrand et de Poitiers ont dès 2011 ont reçu la pleine compétence sur le patrimoine immobilier. Dans le cadre d’une seconde vague de dévolution, les universités de Bordeaux et d’Aix‑Marseille université devraient en obtenir le transfert mais sans nécessairement bénéficier des mêmes conditions financières.

L’évaluation réalisée par la commission des finances au terme du Printemps de l’évaluation tend à démontrer que la « dévolution » offre un cadre propice à la responsabilisation et à l’initiative des universités pour la valorisation de leur patrimoine immobilier. Toutefois, les établissements engagés dans ce processus attendent des pouvoirs publics un cadre juridique et financier clair, leur procurant les ressources et la souplesse nécessaires à la conduite de leurs projets.

Cette exigence suppose en premier lieu de conforter l’autonomie des universités au plan budgétaire. La première question posée est sans doute celle de la dotation générale de fonctionnement alloué aux établissements et du calcul des crédits destinés à couvrir les dépenses en matière de maintenance et du « Gros entretien renouvellement (GER) ». Mais au‑delà, on peut sans doute également s’interroger sur les restrictions à la capacité d’emprunt des universités. Elles découlent de l’arrêté du 4 septembre 2018 qui range les universités parmi les organismes divers d’administration centrale ayant interdiction de contracter auprès d’un établissement de crédit un emprunt ou d’émettre un titre de créance supérieurs à un an.

En second lieu, il importe de donner aux universités, en particulier celles engagées dans le cadre de la dévolution, la faculté d’innover dans la gestion de leur patrimoine immobilier. Aujourd’hui, les cadres juridiques dont disposent les établissements pour la valorisation de leurs locaux non destinés exclusivement à des activités d’enseignement et de recherche ne paraissent pas nécessairement correspondre aux besoins. Il en va ainsi des « sociétés universitaires de recherche » [SUR], dont la création a été autorisée dans le cadre du Troisième plan d’investissements d’Avenir. D’après les éléments recueillis, elles présenteraient des complexités et des rigidités.

Au cours de la commission d’évaluation des politiques publiques tenue le 28 mai 2019, le ministre de l’action et des comptes publics s’est montré ouvert à une réflexion, voire à des initiatives sur un certain nombre de sujets. Aussi, la présente proposition de résolution vise à engager les pouvoirs publics dans la rénovation des outils financiers et juridiques susceptibles de donner aux universités les moyens de garantir la pleine valorisation de leur patrimoine immobilier.

En dernier lieu, la présente proposition entend favoriser l’établissement d’un cadre qui incitera les universités à procéder à une expertise systématique des dons et legs dont elles sont bénéficiaires. L’affirmation de cette ligne directrice repose sur le constat des insuffisances relevées par la Cour des comptes dans la gestion par la Chancellerie des universités du domaine de Richelieu et de la Villa Finally. Au‑delà de ce cas emblématique, elle vise à remédier à un certain attentisme – relevé à deux reprises par le Conseil de l’immobilier de l’État dans ses avis du 16 septembre 2015 et du 17 mai 2018 pour ce qui concerne la Chancellerie parisienne – pour déterminer l’avenir de biens dont la conservation doit participer de l’exercice des missions d’enseignement ou de recherche.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 46, 54, 57 et 58 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances,

Vu la loi n° 2007‑1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007,

Vu les articles L. 719‑14 et D. 762‑2 du code de l’éducation,

Vu l’article L. 1121‑2 du code général de la propriété publique,

Vu les conclusions du rapport de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche consacrée à la dévolution du patrimoine immobilier des universités,

Vu le rapport public annuel de la Cour des comptes 2014, en sa section intitulée : « la Chancellerie des universités de Paris, un établissement public à supprimer »,

Vu les conclusions des travaux de contrôle rapportées devant la Commission des finances réunie en commission d’évaluation des politiques publiques le 30 mai 2018,

Considérant la place emblématique occupée par les établissements universitaires au sein du patrimoine immobilier de l’État, ainsi que leur contribution au développement des collectivités territoriales ;

Considérant le poids des dépenses d’entretien et de rénovation des bâtiments et des emprises foncières et l’importance primordiale qu’elles revêtent dans le budget des universités ;

Considérant le caractère stratégique du patrimoine immobilier pour le développement de la capacité d’accueil des établissements et leur rayonnement académique, à l’échelle nationale et hors de nos frontières ;

Considérant l’autonomie dont jouissent désormais les universités, notamment dans le cadre de la loi n° 2007‑1199 du 10 août 2007 ;

Considérant les responsabilités nouvelles et les possibilités de valorisation du patrimoine dont les universités peuvent se saisir en demandant le transfert de la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’État ;

1. Réaffirme la nécessité du maintien d’un effort national en faveur de l’entretien et de la rénovation du patrimoine immobilier des universités.

2. Estime nécessaire de réévaluer les conditions d’accès à l’emprunt auprès des établissements bancaires et de crédit pour les établissements universitaires ayant formalisé un schéma directeur immobilier soutenable au regard de leurs ressources.

3. Encourage le Gouvernement à poursuivre le transfert total ou partiel de la pleine propriété des biens mobiliers et immobiliers appartenant à l’État aux universités qui en feraient la demande, sous réserve de leur aptitude technique et financière à assurer la pérennité et le développement de leur patrimoine.

4. Appelle le Gouvernement à proposer de nouveaux cadres juridiques de nature à permettre aux établissements universitaires de valoriser utilement leurs locaux non destinés exclusivement à une activité d’enseignement ou de recherche, notamment par la conclusion de partenariats avec des collectivités territoriales intéressées et des personnes privées avec, le cas échéant, l’application d’un régime fiscal adapté dans l’hypothèse de transfert de propriété ou de mise à disposition de biens immobiliers.

5. Invite le Gouvernement à examiner l’utilité de toute initiative, au plan législatif ou réglementaire, de nature à simplifier les conditions du recours aux sociétés universitaires de recherche et à autoriser le plein usage des baux emphytéotiques et des sociétés par actions simplifiées.

6. Appelle le Parlement à débattre d’une modification de l’article L. 1121‑2 du code général de la propriété des personnes publiques afin d’exclure toute acceptation ou conservation par les établissements universitaires de dons ou legs portant sur des biens immobiliers propriété immobilière dont l’usage et les charges financières ne participeraient pas strictement à l’exercice des activités d’enseignement, de recherche ou d’action culturelle.

7. Invite le Gouvernement à inciter les établissements universitaires à l’exercice d’un contrôle plus resserré sur la destination et le maintien dans leur patrimoine des dons et legs gérés en indivision par les chancelleries des universités.