N° 2084
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 juin 2019.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à une bonne adaptation à l’outre‑mer de la politique nationale de formation professionnelle et d’apprentissage.
présentée par Mesdames et Messieurs
Manuéla KÉCLARD–MONDÉSIR, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, Marie‑George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean‑Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Jean‑Paul LECOQ, Jean‑Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,
Député‑e‑s.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » votée en septembre 2018 a modifié en profondeur le champ de la formation professionnelle et le rôle des acteurs qui travaillent au quotidien à mettre en oeuvre une société de compétences au service des politiques publiques de l’emploi, au service des entreprises, des salariés et plus globalement au service de l’économie des territoires.
Toutefois, la loi a laissé le champ ouvert pour l’outre‑mer, en raison du caractère disparate et spécifique des régions et collectivités ultramarines où les problèmes et les enjeux se posent de manière différenciée.
Madame Muriel PENICAUD, ministre du travail, a bien reconnu cette particularité, compte‑tenu des enjeux de nos territoires d’outre‑mer où le taux de chômage est important et où la possibilité d’obtenir pour les entreprises d’outre‑mer de plus grandes parts de marché sont moindres. Ce qui pose en particulier des questions liées aux tailles, aux prix, et à l’éloignement, ainsi que des filières prioritaires qui doivent y être soutenues.
Pour la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, la Guyane, Saint‑Martin, Saint‑Barthélémy, Mayotte et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, un élargissement d’implantation des Opérateurs de compétences, qui seront agréés sur le territoire national dès lors que ces structures sont en capacité d’assurer un ancrage territorial au profit des entreprises qui oeuvrent à participer à la croissance de ces territoires, semble effectivement une piste intéressante d’adaptation.
Cependant, pour être efficiente, cette piste nécessite d’intégrer des considérations viscéralement propres aux outre‑mer qui pourraient se résumer aux considérants et la Proposition de résolution qui suivent :
Considérant en effet que les grandes orientations politiques qui ont conduit au texte de loi répondent aux enjeux des territoires d’outre‑mer et notamment ceux liés au chômage élevé et aux contraintes que subissent les entreprises ultramarines liées à la taille, au prix et à l’éloignement par rapport à la France hexagonale.
Considérant que la situation des régions d’outre‑mer en termes de chômage dépasse tous les taux moyens connus en Métropole.
Considérant également le très bas voire l’absence de niveau de qualification qui existe dans ces territoires paupérisés et en retard de développement, et leurs handicaps structurels reconnus par l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dit Traité de Lisbonne.
Considérant surtout le phénomène de vieillissement démographique accéléré de ces territoires et le phénomène croissant de migration de jeunes sans retour, qui accentuent l’inadaptation du marché du travail avec les demandeurs d’emploi, comme l’inadaptation des politiques de formation professionnelle à la situation de ces économies insulaires.
Considérant encore que les territoires ultramarins sont composés majoritairement de TPE et de PME qui ne disposent pas de service RH mais ont besoin d’un accompagnement spécifique et d’une expertise métier pour développer la compétence de leurs collaborateurs ou accueillir de nouveaux salariés formés.
Considérant en particulier les besoins des entreprises en matière de formation professionnelle en terme de réactivité, de proximité, de structures en capacité de répondre à leurs attentes tant au niveau de l’alternance (contrat d’apprentissage, contrat de professionnalisation, reconversion ou promotion par l’alternance) que la nécessaire mobilisation de tous les dispositifs de formation professionnelle.
Considérant notamment qu’il est donc fondamental qu’au vu de ces éléments les salariés et les demandeurs d’emploi puissent disposer d’un accompagnement dans leur parcours professionnel adapté par des structures capables de mener un conseil de proximité et une expertise par filière économique.
Considérant enfin que certaines branches professionnelles sont essentielles au développement économique et au renouvellement de la main d’œuvre dans les régions et collectivités d’outre‑mer, comme la construction, l’agriculture, l’agro‑alimentaire et la pêche maritime, la santé ou encore la cohésion sociale, le tourisme, l’hôtellerie et la restauration.
proposition de RÉSOLUTION
Article unique
Vu l’article 34‑1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel,
L’Assemblée nationale suggère au Gouvernement :
1° Qu’en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion, à Saint‑Martin, à Saint‑Barthélémy, à Mayotte, à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, les opérateurs de compétences professionnelles agréés au niveau national puissent gérer les contributions de façon adaptée ou conclure une convention de délégation avec un ou plusieurs opérateurs de compétences professionnels exerçant dans ces régions ou collectivités territoriales.
Enfin, pour gérer ces contributions d’entreprises de ces régions et collectivités d’outre‑mer, les critères d’agrément de ces opérateurs de compétences agréés pourraient être clarifiés de façon transparente selon des critères précis qui pourraient être par exemple les suivants :
– ancrage territorial ;
– capacité de mobiliser les financements des opérations avec des ressources financières supérieures aux fonds collectés localement grâce à un effet redistributif de la branche professionnelle couvrant ces territoires ;
– disposer d’un réseau territorial capable d’appuyer les entreprises locales dans leur politique de recrutement, en déployant des outils de branches pour dynamiser l’emploi et notamment celui des jeunes, et de s’appuyer sur les branches professionnelles présentes ou représentées par des instances paritaires régionales garantes d’une déclinaison des politiques emploi/formation en lien avec les besoins spécifiques des territoires. ;
– de nouer des partenariats extérieurs pour disposer des moyens complémentaires grâce notamment aux contractualisations avec les services de l’État, les collectivités territoriales ou l’Union européenne ;
– enfin d’accompagner l’offre de formation locale et spécialisée ;
2° Que l’opérateur national « France Compétences » puisse en son sein développer une section outre‑mer pour harmoniser l’offre de formation outre‑mer en fonction des politiques nationales et régionales ou territoriales dans ces territoires ;
3° Qu’une attention toute particulière soit apportée à l’adaptation de l’apprentissage outre‑mer à la situation des entreprises de ces régions et collectivités, dans la mesure où on n’aborde effectivement pas de la même manière qu’en métropole cette politique, lorsqu’on est à 8 ou 10 000 kilomètres. De même que quand les coûts sont supérieurs de 30 % en moyenne à ceux pratiqués en métropole. De même surtout, quand il n’est pas facile de trouver des entreprises au sein desquelles il soit possible de suivre la partie pratique du contrat, laquelle complète la partie théorique, pour accompagner l’impératif de l’apprentissage et de l’alternance.
Pour pallier ces difficultés, la création d’une gouvernance locale devrait donc intégrer l’adaptation nécessaire pour en faciliter la mise en œuvre.