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N° 2370

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 novembre 2019.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

invitant le Gouvernement à engager un plan de lutte, de surveillance
et de prévention contre les espèces exotiques envahissantes,

présentée par Mesdames et Messieurs
 

Fabrice BRUN, Emmanuelle ANTHOINE, Sophie AUCONIE, Thibault BAZIN, Valérie BEAUVAIS, JeanYves BONY, Marine BRENIER, Xavier BRETON, Guy BRICOUT, Bernard BROCHAND, Paul CHRISTOPHE, Éric CIOTTI, PaulAndré COLOMBANI, Olivier DAMAISIN, Julien DIVE, Jeanine DUBIÉ, JeanPaul DUFRÈGNE, Éric GIRARDIN, Philippe GOSSELIN, Meyer HABIB, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, JeanLuc LAGLEIZE, Charles de la VERPILLIÈRE, Sébastien LECLERC, Marc LE FUR, Nicole LE PEIH, Véronique LOUWAGIE, Aude LUQUET, Gérard MENUEL, Sandrine MÖRCH, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Christophe NAEGELEN, Jérôme NURY, Éric PAUGET, Bérengère POLETTI, Richard RAMOS, Robin REDA, Vincent ROLLAND, Hervé SAULIGNAC, JeanMarie SERMIER, Bénédicte TAURINE, Laurence TRASTOURISNART, Nicolas TURQUOIS, Arnaud VIALA, Michèle VICTORY, JeanPierre VIGIER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le dérèglement climatique et la mondialisation affectent de manière très sensible les milieux naturels, agricoles et forestiers de notre pays. En effet, la hausse des températures favorise la prolifération des insectes, y compris les ravageurs. Par ailleurs, le développement des échanges, notamment par voie aérienne, a pour conséquence le déplacement d’insectes, de champignons et de bactéries qui, venant d’autres continents, ne sont pas confrontés sur notre sol aux prédateurs naturels de leurs zones d’origine.

En France, plusieurs espèces exotiques envahissantes connaissent aujourd’hui une prolifération exponentielle dommageable pour la biodiversité, notre patrimoine agricole, forestier, tels que le frelon asiatique, le scolyte de l’épicéa, la pyrale du buis, le cynips du châtaignier ou encore la bactérie xylella fastidiosa.

Le frelon asiatique (vespa velutina) espèce d’hyménoptère de la famille des vespidae originaire d’Asie aurait été introduit en France en 2004 via des importations de poteries chinoises. Observée pour la première fois en Lot‑et‑Garonne, l’espèce a peu à peu colonisé le territoire français et a commencé à s’étendre en Europe.

La prolifération de ce frelon représente un danger pour l’apiculture et plus globalement la culture fruitière. En effet, la prédation de l’abeille, qui constitue environ les 2/3 du régime alimentaire du frelon asiatique, a un effet direct sur la population de la ruche. De plus, la présence du frelon autour de la colonie occasionne un stress pour les abeilles, conduisant à un dépérissement de la ruche.

À ce jour, il n’existe pas de mesure permettant d’éradiquer ce fléau – étant donné la forte présence du frelon asiatique sur le territoire national. L’éradication semble dans tous les cas illusoire.

Deux voies peuvent cependant permettre de réduire son impact et de limiter la progression du frelon.

Tout d’abord, comme c’est le cas actuellement, la lutte par piégeage des frelons et la destruction des nids. Des travaux sont actuellement en cours pour développer des substances nocives « exclusives aux frelons » ainsi que des méthodes innovantes de destructions des nids. Ces recherches sont partiellement financées par la Commission européenne, dans le cadre du 7e Programme d’action pour l’environnement (PAE), et partiellement par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Une seconde possibilité est la voie génétique : on pourrait en effet envisager d’opérer une sélection génétique de l’abeille domestique privilégiant l’agressivité – les abeilles pouvant ainsi se défendre plus efficacement contre les frelons.

Le bostryche typographe (ou scolyte de lépicéa) (ips typographus) est une espèce d’insectes coléoptères de la famille des scolytinae, originaire d’Eurasie ravageur des forêts d’épicéas. Il colonise les forêts d’altitude des Alpes et du Jura. Le typographe n’attaque que les épicéas, ou presque. Il colonise généralement les arbres malades, stressés ou récemment abattus.

Depuis l’automne 2018, les dommages de scolytes prennent des proportions inquiétantes dans bon nombre de pessières (plantations ou forêts naturelles peuplées d’épicéas) françaises. Le scolyte typographe (ips typographus) est largement présent, le chalcoraphe (pityogenes chalcographus) est fréquent sur les cimes ou les plus petits diamètres.

Les attaques de scolytes sur les épicéas sont entrées en phase épidémique sur la quasi‑totalité des pessières de la moitié nord de la France (Grand‑Est, Bourgogne Franche‑Comté, Hauts‑de‑France, Normandie…), particulièrement dans les plaines et les zones montagneuses de basse altitude. Le Massif Central connait des foyers importants mais relativement dispersés alors que le Massif Alpin, au sens large, ne semble pas donner de signes de présence plus massive qu’à l’habitude.

Plus largement en Europe, l’Autriche, l’Allemagne, la Belgique, la République Tchèque et la Suisse sont aussi concernées par une situation épidémique avec des volumes d’épicéas morts très conséquents.

Selon le gouvernement, les mesures visant à limiter les populations de scolytes (recherche et extraction des bois sur pied colonisés avant essaimage et sortie des bois exploités sains avant colonisation) devaient permettre de limiter l’ampleur des dégâts et la durée des attaques.

Force est de constater qu’il n’en n’a rien été et les professionnels déplorent même la réticence des services de l’État à reconnaitre la totalité des zones sinistrées, à aider aux transport des bois contaminés et à autoriser les coupes à blancs préventives avant replantation.

La pyrale du buis, (cydalima perspectalis) est une espèce d’insectes lépidoptères de la famille des crambidae, originaire d’Asie. Introduite accidentellement en Allemagne vers 2005 via des végétaux importés d’Asie, la pyrale du buis a ensuite proliféré rapidement en Europe, y compris en France où les premières observations datent de 2008.

Ce parasite, s’est répandu de manière rapide et touche aujourd’hui 85 départements français et s’étend progressivement à tout le territoire.

Ce papillon blanc, caractérisé par des ailes bicolores brunes et blanches portant, de part et d’autre, une petite ancre brune foncée, colonise les jardins, les parcs et les forêts. Sa chenille se nourrit des feuilles du buis qui est alors défolié et perd sa capacité à se régénérer. Les attaques successives des chenilles laissent l’arbre exsangue et provoque à terme son dessèchement total.

Le buis devient marron, sec et dépourvu de feuilles.

Avec trois pontes par an de 1 200 œufs en moyenne par femelle, entre mai et octobre, et une durée de vie de trois semaines environ, cet insecte cause des dégâts considérables. Le fait d’assécher les buis fait également craindre des risques d’incendie et la détérioration de l’habitat en milieu naturel, notamment pour les abeilles dont le butinage est fortement concurrencé par les papillons.

Par ailleurs, les buis étant des arbres stabilisateurs des terrains en pentes dans les zones de montagne sèche, c’est l’équilibre géologique de certains territoires, et plus particulièrement l’Ardèche, la Drôme, le sud Ardèche, le Gard et la Lozère, qui sont menacés avec des risques d’érosion avérés.

Afin de lutter contre sa prolifération, les professionnels et les particuliers traitent le plus souvent les buis infestés à l’aide d’un insecticide utilisable en agriculture biologique. Il s’agit du « Bacile Thurigiensins », une bactérie prédatrice de la chenille de la Pyrale du Buis. En vertu d’une décision de l’État, certaines formulations ne seront plus commercialisables au 1er janvier 2018, ainsi se pose la question des techniques alternatives.

Les perspectives envisageables sont la régulation biologique par des parasites prédateurs qui causent la mort de l’œuf ravageur et la sollicitation de prédateurs naturels, tels que la mésange.

C’est dans cette optique que l’INRA a entamé des recherches sur d’autres parasites ou prédateurs naturels comme la mouche tachinaire et le pinson.

C’est pourquoi, il serait cohérent pour la Pyrale du Buis :

– de développer l’information des communes, des professionnels et des particuliers ;

– d’encourager l’INRA dans sa mission de recherche sur les alternatives à l’insecticide « Naturen bactospeine pyrale du buis » désormais interdit ;

– d’inscrire l’espèce sur la liste des dangers sanitaires de première catégorie au titre du code rural et permettre à l’autorité administrative de définir des actions de surveillance, de prévention et de lutte collective comme le prévoit l’article L. 201‑5 du code rural et de la pêche maritime ou d’approuver dans les conditions prévues à l’article L. 201‑12 un programme volontaire collectif d’initiative professionnelle.

Le cynips du châtaignier (dryocosmus kuriphilus), appelé aussi chalcide du châtaignier, est un micro‑hyménoptère ravageur majeur du châtaignier.

Originaire de Chine, il est apparu en 1940 au Japon et en Corée, en 1974 aux États‑Unis et seulement en 2002 pour la première fois en Europe.

L’espèce a été repérée en Italie, d’abord dans la région de Coni dans le Piémont puis en Ligurie, en Émilie‑Romagne et en Toscane puis en 2005 en Slovénie et en 2007 dans le sud de la France (Saint‑Dalmas‑le‑Selvage et Valdeblore dans les Alpes‑Maritimes).

La région de Coni est une zone importante de production de plants de châtaignier dont une grande partie est destinée à l’exportation vers les pays voisins (France). Le risque de propagation du cynips est par conséquent élevé, raison pour laquelle l’Union européenne a pris des mesures sanitaires drastiques relatives au transport et à la plantation des châtaigniers, mesures qui se sont révélées insuffisantes.

Au printemps 2010, le cynips est repéré pour la première fois en Ardèche, la principale zone de production française. Il est aujourd’hui présent au‑delà de l’Ardèche dans le Gâtinais français ainsi qu’en Aquitaine (Dordogne, Périgord noir notamment).

Selon les professionnels français de la filière châtaigne, la filière subirait une perte annuelle de 15 à 40 % des récoltes du fait d’insectes ravageurs, alors que le statut de nuisibles aux végétaux du cynips fait l’objet d’une remise en question par l’État.

Dans cette perspective au‑delà du nécessaire soutien aux producteurs face aux dégâts causés par le cynips du Châtaigner, il convient notamment de :

– poursuivre la lutte biologique collective,

– maintien du cynips du châtaignier dans la liste des organismes nuisibles aux végétaux réglementés au niveau français.

Autre parasite invasif aux effets ravageur, la bactérie xytella fastidiosa affecte également le biotope.

La xylella fastidiosa est une bactérie mortelle pour près de 200 végétaux parmi lesquels l’olivier, l’amandier, la vigne ou encore le chêne et la lavande. Elle se propage grâce à un insecte vecteur et a été détectée pour la première fois en Europe en 2013, d’abord en Italie, puis en Espagne et en France et très récemment au Portugal.

En France, la bactérie est présente dans deux régions. Tout d’abord, en Provence‑Alpes‑Côte d’Azur où la bactérie sévit dans une zone littorale couvrant un certain nombre de communes, et en Corse où elle est largement disséminée et pour laquelle aucune solution n’est encore au point à ce jour pour son éradication.

L’État doit cesser de réagir au coup par coup et doit, au contraire, anticiper, prévenir et guérir.

L’objet de la présente proposition de résolution est d’inviter l’État à engager un plan de lutte, de surveillance et de prévention contre les espèces invasives. Cette approche globale pourrait s’insérer utilement dans le prolongement de la stratégie développée à l’échelle européenne par la Commission Européenne, stratégie qui devrait se traduire par la mise en place à la fin de l’année 2019 d’un plan européen de prévention pour les végétaux doté d’un financement de plus de 6 millions d’euros.

Tels sont, Mesdames et Messieurs, les objectifs de la présente proposition de résolution.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Invite le Gouvernement à veiller à prendre la mesure du phénomène de la prolifération des espèces exotiques envahissantes (frelon asiatique, scolyte de l’épicéa, pyrale du Buis, cynips du châtaigner et bactérie xylella fastidiosa) et à dégager des pistes de réflexion visant à engager un plan de lutte, de surveillance et de prévention contre les espèces invasives fondé sur :

– une véritable cellule de veille et d’alerte aux frontières françaises et européennes ;

– des mesures prophylactiques anticipées telles que l’interdiction de circulation de matériels végétaux potentiellement porteurs de parasites ;

– un programme de recherche alternatif aux traitements pesticides s’appuyant sur les prédateurs naturels autochtones des dites espèces invasives exotiques ;

– des programmes coordonnés de lutte, mettant en synergie les différents services de l’État concernés pour développer des techniques de piégeage et de destruction ;

– une stratégie de communication et d’information des populations, des communes des professionnels et des particuliers ;

– la révision et la mise à jour de la liste des dangers sanitaires au titre du code rural afin de permettre à l’autorité administrative de définir des actions de surveillance, de prévention et de lutte comme le prévoient les articles L. 201‑4 et L. 201‑5 du code rural et de la pêche maritime ou d’approuver dans les conditions prévues à l’article L. 201‑12 un programme volontaire collectif d’initiative professionnelle.