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N° 2627

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création dune commission denquête sur létat
du réseau routier français,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut
de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre CORDIER, Emmanuelle ANTHOINE, Valérie BAZINMALGRAS, Valérie BEAUVAIS, Valérie BOYER, Bernard BROCHAND, Fabrice BRUN, Dino CINIERI, MarieChristine DALLOZ, Olivier DASSAULT, Julien DIVE, JeanPierre DOOR, Virginie DUBYMULLER, Annie GENEVARD, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Brigitte KUSTER, Véronique LOUWAGIE, JeanLouis MASSON, JeanFrançois PARIGI, Éric PAUGET, Guillaume PELTIER, Bernard PERRUT, Bérengère POLETTI, Alain RAMADIER, Frédéric REISS, JeanLuc REITZER, Martial SADDIER, Raphaël SCHELLENBERGER, JeanMarie SERMIER, Laurence TRASTOURISNART, Isabelle VALENTIN, Michel VIALAY, Stéphane VIRY, Éric WOERTH,

Députés.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque fois qu’un accident corporel se produit sur la route, les agents de police ou les gendarmes rassemblent une soixantaine d’éléments d’information dans un document intitulé Bulletin d’analyse d’accident corporel de la circulation (BAAC). Ces fiches donnent une image précise des lieux et des circonstances au moment de l’accident. Elles concourent également à l’établissement des statistiques officielles d’accidentalité.

Dans ce cadre, sont répertoriées les caractéristiques des véhicules, comme leur sens et leur déplacement, l’alcoolémie des usagers, la prise de stupéfiants, le port de la ceinture de sécurité, etc… Figurent aussi dans le BAAC la date, l’heure et le lieu de l’accident. Le BAAC 2017 comporte, entre autres, une catégorie « Facteur lié aux lieux » qui inclut les subdivisions suivantes : « S ‑ Aucun facteur identifié » ; « T ‑ Chaussée dégradée » ; « U ‑ Marquages au sol effacés » ; « V ‑ Configuration de la route » ; « W – Ralentisseurs/Chicanes » ; « X – Signalisation verticale » ; « Y ‑ Gêne à la visibilité » ; « Z ‑ Chaussée récemment refaite ». L’inscription de ces facteurs témoigne d’une réalité incontournable : un accident peut notamment être causé par la présence d’un nid‑de‑poule imprévu ou par une végétation surabondante qui masque la vue d’un carrefour.

Selon les statistiques de l’ONISR, en ce qui concerne les facteurs liés aux accidents mortels de l’année 2015, la part des accidents impliquant au moins un facteur infrastructure est ainsi de 26 %. (Cf. Observatoire national interministériel de la sécurité routière, La sécurité routière en France, Bilan de laccidentalité de lannée 2018, Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2019, p. 150‑152).

La France dispose d’un réseau routier étendu, longtemps considéré comme exceptionnel, et qui continue de se développer. Sa longueur est passée de 969 389 kilomètres en 1997 à 1 104 127 kilomètres en 2017 ([1]).

Il est composé de 11 618 kilomètres d’autoroutes, 9 620 kilomètres de routes nationales, 377 890 kilomètres de routes départementales et 704 999 kilomètres de routes communales (1).

Ce réseau est un atout formidable pour la mobilité dans nos territoires, à condition d’être bien entretenu.

Les routes gérées par l’État ne représentent qu’1,2 % du réseau mais sont les plus empruntées (18,5 % du trafic). Un audit commandé par le ministère des transports a jeté un pavé dans la mare : 17 % des chaussées du Réseau routier national non concédé sont « gravement endommagées » auxquelles s’ajoutent 36 % de « chaussées moyennement endommagées » ([2]). Donc, plus de la moitié (53 %) de ces routes manquent d’entretien !

Les causes de cette situation inquiétante sont connues : alors que l’État investit sans cesse dans de nouveaux radars et fait appel, à grands frais, à des opérateurs privés pour conduire les voitures‑radars partout en France, les travaux routiers servent souvent de variable d’ajustement budgétaire. L’audit précité évalue ainsi, sur les dix dernières années, l’investissement annuel moyen de l’État dans son réseau routier à 666 millions d’euros, ce qui ne permet pas d’assurer la pérennité de ces équipements. Ceci affecte la sécurité au point qu’il faille fermer à la circulation certains ponts et routes : le 15 mai 2018, l’affaissement du viaduc de Gennevilliers a ainsi entraîné la fermeture de l’autoroute A15. Toujours selon l’audit précité, si les pouvoirs publics n’interviennent pas dans la gestion des chaussées, ce sera 62 % du réseau qui tombera en ruines d’ici 2037 !

Qui plus est, selon un rapport d’information du Sénat ([3]), en France, « au moins 25.000 ponts sont en mauvais état structurel et posent des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers ». Et il ne s’agit là que d’une estimation, étant donné que le nombre exact des ponts routiers hexagonaux n’est pas connu, faute d’un recensement exhaustif… !

En parallèle du retour au 90 km/h, bien des voix se font entendre, notamment dans les départements, pour dire que les accidents diminueront plus sûrement par l’entretien des routes que par la généralisation du 80 km/h. Sentiment partagé par 81 % des Français défavorables aux 80 km/h, qui voient l’entretien des routes comme une solution prioritaire et 27 % qui souhaitent des routes plus éclairées ([4]).

En 2011, la qualité des routes françaises figurait en pole position (sur 140 pays) du classement mondial établi par le World Economic Forum ; en 2015, elle était à la septième place ; et en 2017, elle tombait à la 12ème place ([5]). En effet, les routes françaises se dégradent faute d’entretien : les dépenses d’investissement des départements dans le réseau routier ont baissé de 30 %, passant de 4,7 milliards d’euros en 2008 à 3,3 milliards d’euros en 2014. Entre 2009 et 2015, les dépenses de l’État allouées à l’entretien des routes ont également baissé de 100 millions d’euros.

Compte tenu de l’importance de l’état du réseau routier dans la sécurité des conducteurs, il apparaît indispensable que les pouvoirs publics investissent dans l’entretien et la rénovation du réseau routier : aménager les intersections dangereuses, rénover la signalisation au sol et réparer les nids‑de‑poule. D’ailleurs, la loi d’orientation des mobilités partage le constat selon lequel « les besoins en matière dentretien et de régénération des réseaux existants […] et de désenclavement des territoires simposent comme des urgences » et tente ainsi d’y pallier en prévoyant, parmi les programmes d’investissement prioritaires, « lentretien et la modernisation des réseaux nationaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants ».

Une tendance à la dégradation du réseau routier national non concédé et du réseau autoroutier, ainsi que des réseaux départementaux et communaux est, aujourd’hui largement observable.

Aussi, il apparaît nécessaire de la mesurer et d’identifier les moyens financiers et matériels nécessaires pour y mettre un terme. Cela contribuera très largement à la politique de sécurité routière qui, pour être efficace, doit s’appuyer sur trois facteurs : le conducteur, le véhicule et l’infrastructure, élément clé de la sécurité au volant.

Tels sont les axes d’investigation de la commission d’enquête que nous proposons de créer.

Aussi, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de résolution suivante.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, chargée :

– de mesurer la dégradation du réseau routier national non concédé et du réseau autoroutier, ainsi que des réseaux départementaux et communaux et ses conséquences en matière de sécurité routière pour chaque département ;

– d’évaluer les moyens financiers nécessaires à la remise en état intégrale du réseau routier français ;

– et, à la lumière des politiques conduites à l’étranger, de proposer les outils à mettre en œuvre dans la cadre d’un grand programme de rénovation du réseau routier français.


([1]) « France métropolitaine jusqu’en 2012, y compris DOM en 2017. Source : SDES, Mémento des transports 2018 », in Clotilde Sarron, Philippe Serre et al., Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du transport. Édition 2019, DATALAB, Le service de la donnée et des études statistiques SDES, avril 2019, p. 7.

([2]) Bureaux d’études Nibuxs et IMDM, Réseau routier national non concédé : résultats d’audits, Dicom, Citizen Press, Ministère de la transition écologique et solidaire, juin 2018.

([3]) Sécurité des ponts : éviter un drame, Rapport d'information de MM. Patrick Chaize et Michel Dagbert, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, n° 609 (2018-2019), 26 juin 2019.

([4]) Enquête Quel-Assureur.com, Un an après son entrée en vigueur, que pensent les Français de la limitation à 80 km/h ?, juin 2019.

([5]) Schwab (Klaus), Sala-i-Martin (Xavier), The global competitiveness report 2016-2017, World Economic Forum, Genève.