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N° 2665

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

 

portant sur la reconnaissance des travailleurs vietnamiens réquisitionnés de force ayant contribué
à l’effort de guerre français,

 

 

 

présentée par

Mme Stéphanie DO,

députée.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Après les cérémonies de commémoration des 75 ans de la Libération de la France, il convient de se souvenir de toutes les populations, métropolitaines et des colonies, ayant participé, de gré ou de force, à leffort de guerre français.

Lors de la Seconde guerre mondiale, les populations indochinoises ont constitué un formidable réservoir de maindœuvre pour la France. En septembre 1939, dans le prolongement de la Première Guerre, M. Georges Mandel, ministre des Colonies, prévoit de faire venir 300 000 coloniaux indochinois en métropole pour être utilisés comme ouvriers dans les usines darmement. En juin 1940, la défaite de larmée française interrompt brusquement le recrutement, alors que 20 000 travailleurs indochinois, en grande majorité vietnamiens ont déjà été envoyés en métropole et affectés comme ouvriers non spécialisés dans des industries de guerre.

Affectés tout dabord comme ouvriers non spécialisés (ONS) dans les usines darmements françaises, ces 20 000 travailleurs indochinois sont parqués dans des camps dinternement, répartis dans une quinzaine de communes françaises. À lété 1940, le gouvernement tente de les rapatrier. Mais la route maritime vers lExtrêmeOrient devient vite trop dangereuse, et quelques 15 000 dentre eux vont rester bloqués en métropole jusquà la fin de la guerre, et même audelà. Pendant toutes ces années, leur force de travail sera louée par l’État à tous les secteurs de léconomie, sans que ces hommes ne perçoivent le moindre salaire. Cest à eux que lon doit, notamment, le riz de Camargue.

À la Libération, bien quouvert à des réformes afin daméliorer leurs conditions dexistence en métropole, le ministère des Colonies ne fait rien pour accélérer les démarches de démobilisation de ces requis. Leur rapatriement ne commencera quen 1948, pour sachever en 1952.

La loi du 2 juillet 1938, votée par le Parlement français, permet lapplication de la réquisition des travailleurs noncombattants, notamment des travailleurs coloniaux. En avril 1939, deux décrets viennent désigner le ministère du Travail comme compétent pour centraliser et gérer cette maindœuvre. Le 29 août 1939, un arrêté fixe louverture du droit de réquisition sur tout le territoire de lIndochine, avec des exigences immédiates en termes de disponibilités de la maindœuvre. Le recrutement pour un départ en métropole peut alors paraître comme un exutoire à la famine, mais sexplique également par une loyauté des autorités indigènes envers les institutions nationales. Le dispositif de recrutement est soumis à lautorité du gouverneur Général, pouvant déléguer ce droit aux chefs de service ou de circonscriptions territoriales, pouvant euxmêmes déléguer à des subordonnés. Bien que le terme employé soit celui de « volontaires », le recrutement ressemble en réalité à un enrôlement de force appliqué par les magistrats indigènes municipaux. Les critères de sélection sont très larges, et chaque famille possédant deux garçons en âge de partir doit en envoyer un, sous peine de voir le père mis en prison. Il a cependant bien existé des volontaires répondant à lappel de la métropole, bien quaucun chiffre précis nait pu être confirmé ; la confusion tenant au fait que les requis étaient tous amenés en France à titre de « volontaires ». Les quelques volontaires faisaient en réalité partie dune toute petite élite vietnamienne, dépositaires dun certificat détudes. Ainsi, majoritairement contraintes, les requis sont partis entre le 20 octobre 1939 et le 4 mai 1940 pour la métropole, dans des conditions très dures : séparation violente avec la famille, entassement dans les cales des bateaux, autoritarisme des gardes français, internement dans des camps français, etc. Ces mauvais traitements subis pendant le voyage ainsi que le déracinement forcé créeront du désespoir chez beaucoup de ces travailleurs requis.

La masse des travailleurs requis nétait donc pas dans une situation de choix, dautant que leurs situations familiales étaient peu prises en considération. Lallocation octroyée aux requis était bien inférieure au revenu dun actif de la classe pauvre, et attribuée seulement aux hommes mariés. Le service de la Maindœuvre indigène (MOI), organisme civil dépendant du ministère du Travail, dont la mission est de mettre la maindœuvre à disposition des services publics et des entreprises privées, est rattachée au Commissariat Général à la Main dœuvre à partir de 1943. Parallèlement, ce service connaît une augmentation du pourcentage de travailleurs affectés à des organismes allemands, alors que lencadrement sapparente de plus en plus à une organisation militaire, bien que les travailleurs dépendent dune administration civile. Les conditions de travail, notamment dans les poudreries et industries lourdes, ainsi que les conditions de vie de ces travailleurs réquisitionnés de force sont particulièrement dures. Par ailleurs, alors même quétait prévu un rapatriement dès la fin du conflit, le rapatriement tardif de certains de ces travailleurs jusqu’en 1954 est bien la preuve du sort injuste qui leur a été réservé.


proposition de RÉSOLUTION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant que les travailleurs réquisitionnés de force vietnamiens ayant contribué à l’effort de guerre français méritent la pleine reconnaissance de la Nation ;

Reconnaît la réquisition forcée de travailleurs vietnamiens lors de la Seconde Guerre mondiale, les souffrances que ces hommes ont vécues sur le sol de la métropole, et la complexité de leur rapatriement en raison des limitations apportées par l’administration française.