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N° 2784

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 mars 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
visant à qualifier les actes menés à l’encontre des chrétiens
et du patrimoine matériel comme immatériel qui leur est affilié,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

présentée par

Mme MarieFrance LORHO,

députée.

 

 

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, nombre de lieux de culte chrétiens ‑ et particulièrement catholiques ‑ font l’objet de dégradations et profanations en tout genre. Qu’il s’agisse d’incendies volontaires, de vols de mobiliers liturgiques, de dégradations des signes religieux dans les cimetières, les lieux de culte chrétiens et les patrimoines qui y afférent font l’objet d’attaques récurrentes, représentant plus d’un millier d’actes par an, soit une moyenne de trois actes par jour([1]).

I. Patrimoines chrétiens dévastés : quel bilan ?

A. Une augmentation du nombre dattaques aux lieux de culte

Le 12 février 2019, le ministre de l’intérieur évoquait un « nombre d’actes antichrétiens […] stable sur l’année avec 1 063 actes recensés (1 038 en 2017) »([2]). Ce bilan est d’autant plus inquiétant qu’il comporte un caractère de stabilité assumé d’une année à l’autre. Si ce bilan recense les actes antichrétiens d’une manière assez générale, le bilan chiffré relatif aux seuls lieux de culte chrétiens est également significatif : « en 2017, expliquait un rapport 2018 sur l’année 2017 du ministère de l’intérieur, 626 lieux de culte ont ainsi été touchés en 2017 (contre 686 en 2016, 563 en 2015, 467 en 2014, 405 en 2013, 352 en 2012, 336 en 2011, 308 en 2010, 209 en 2009 et 129 en 2008), soit 563 chapelles ou églises, 25 calvaires et 38 monuments aux morts([3]). » Cet état des lieux permet de constater aisément qu’il existe une véritable augmentation, depuis l’année 2008, d’atteintes faites aux lieux de culte chrétiens en France. À la fin du mois de mars 2019, une étude de gendarmerie reprise par un quotidien national dressait d’ailleurs bilan inquiétant de 877 églises dégradées pour la seule année 2018. Si la nature diverse des atteintes doit être prise en compte ‑ point sur lequel il sera jeté un tour d’horizon dans la présente proposition de loi, il est nécessaire de souligner qu’on pouvait y dénombrer des actes particulièrement graves, à l’instar des 129 vols([4]) que comprend ce chiffre, pointés du doigt par le Service central de renseignement criminel.

B. De la diversité de la nature des atteintes aux patrimoines chrétiens

La diversité de la nature des actes visant les patrimoines chrétiens est souvent pointée du doigt et sert trop souvent à minorer les atteintes menées à lencontre de patrimoines matériels chrétiens français. Il est nécessaire de dresser un état des lieux, quoiquil ne puisse être véritablement exhaustif, des différentes natures dattaques portées contre ce patrimoine matériel pour prendre conscience de la diversité de ces actes.

Parmi les plus délicates à dénombrer, tant elles peuvent relever dun délit ne pouvant être recensé ou dactes militants, les profanations anticatholiques sont particulièrement nombreuses à travers lensemble de notre territoire. Il peut sagir dactes antireligieux, engendrant des dégradations vandales pures : à linstar du cas récent de vandalisme dans une église de Tarbes, où deux hommes sont accusés davoir pénétré par effraction dans une église de la commune française de Tarbes et davoir saccagé le lieu de culte et sali des livres avec des excréments([5]). Cette hostilité à lencontre de la religion catholique est pointée du doigt, dans le rapport précité du ministère de lintérieur, qui les recense sous différentes dénominations, allant dactes à « caractère satanique », en passant par des actes à « connotation raciste » ou des actes à « connotation anarchiste »([6]). Certains actes datteinte à ce que représente le patrimoine chrétien, à linstar du cas du 9 février 2020, à Albi, où des drapeaux maghrébins sont hissés sur le toit dune église([7]), ne peuvent véritablement entrer dans le giron de ce classement ministériel.

Parmi les dégradations dordre volontaire, les incendies constituent un moyen privilégié de certains criminels pour attenter au patrimoine matériel chrétien. LObservatoire du patrimoine religieux dressait un bilan inquiétant du nombre déglises incendiées au 1er janvier 2018. Sil faut, dans le cadre de cette proposition de loi portant sur les seuls actes de vandalisme, en écarter les monuments en souffrance dentretien  quil soit dû à des lacunes financières ou que sa responsabilité incombe à lÉtat, aux collectivités ou à la paroisse  la part de tentatives dincendies criminels recensée nest pas négligeable([8]). Lun des exemples les plus frappants demeure celui de léglise SaintSulpice, le 17 mars dernier, où « lorigine du sinistre est, selon les premières conclusions du laboratoire central de la préfecture de police, « humaine » et « délibérée »([9]). De même, le 17 juillet 2019, un homme a été interpellé à Sées([10]), dans lOrne, bidon dessence à la main, alors quil sapprêtait à mettre le feu à la cathédrale. Le procureur de la République a expliqué que le coupable souffrait dune absence totale de discernement, avant dajouter quil était absolument irresponsable et quaucune mesure pénale ne pouvait donc être prise contre lui.

Comme le soulignait le rapport ministériel 2018, « laspect lucratif tient une part prépondérante dans la motivation des auteurs de ces exactions, plus intéressés par le profit tiré du vol dobjets sacrés ou par le contenu (même faible) des troncs. À ce titre, 116 vols dobjets cultuels et divers ont été recensés [en 2017]»([11]). Cet aspect lucratif constitue en effet un motif récurrent dattaques ; dans la Drôme, un homme a récemment été placé en gardeàvue pour suspicion de vols récurrents de mobilier liturgique dans des églises, revendu ensuite à des brocanteurs.([12]) Le 4 novembre dernier, dans la nuit du dimanche au lundi, une bande de malfaiteurs a forcé, à laide dune voiturebélier, la porte de la cathédrale dOloronSainteMarie. Les individus ont emporté une partie du trésor conservé dans cet édifice, classé par lUNESCO au patrimoine mondial de lhumanité([13]). Mais le vol du mobilier liturgique engendre, notamment pour les catholiques, une profanation des Espèces dont la portée est inqualifiable à léchelle de la loi et qui doit être pris en compte. Pour exemple, le 25 février dernier, léglise de PortdEnvaux (CharenteMaritime) a été vandalisée ; il y a été volé des objets de valeurs (ostensoir, trois calices en or et ciboire anciens)([14]).

II. Les réponses lacunaires de lÉtat face aux actes antichrétiens

A. De la nécessité de préciser la qualification dacte « antichrétien »

Qu’il s’agisse d’atteintes aux patrimoines matériels chrétiens, c’est‑à‑dire un patrimoine français dont la communauté chrétienne a l’usage quotidien de par la foi vive de son Histoire, aux atteintes portées à l’encontre de cette communauté parce qu’elle est chrétienne, il est nécessaire d’établir un recensement stricte des actes menés à l’encontre de cette communauté d’une part, du patrimoine qui lui est affilié de l’autre ‑ ce dernier relevant par la loi même de 1905 de plusieurs acteurs dont les chrétiens ne peuvent être départis. Force est de constater que la méthode de recensement du ministère de l’intérieur, qualifiant ces actes antichrétiens au sein d’évaluations ayant traits aux actes « antisémites, xénophobes ou racistes » est aussi insuffisante qu’elle est inexacte. Les actes menés à l’encontre des catholiques ne relèvent évidemment pas de l’antisémitisme. Ils ne peuvent relever de la xénophobie, eu égard à la présence chrétienne sur notre territoire français depuis plus de 1 500 ans. Ils ne peuvent, enfin, relever du racisme, n’ayant pas d’objet ethnique. A l’occasion d’une question au gouvernement posée par Marie‑France Lorho à l’Assemblée nationale, le 27 novembre dernier, sur la montée des actes antichrétiens en France , le ministre de l’intérieur soulignait s’inquiéter de « l’augmentation très forte, cette année encore, des actes antisémites, en particulier sur les lieux de culte de la religion juive ; il en va de même pour les mosquées([15]). » Cette réponse souligne toute la difficulté du ministère de l’intérieur à qualifier ces actes particuliers. L’absence de reconnaissance particulière de la qualification des actes menés à l’encontre du patrimoine chrétien, intégré dans des rapports relatifs à la xénophobie, l’antisémitisme ou le racisme, ne permet pas de recenser de manière rationnelle ces faits. Le patrimoine chrétien étant intrinsèquement lié à l’Histoire de France, il faudrait donc établir au sein de ce classement ce qui relève proprement de l’acte antichrétien, affectant au passage un patrimoine culturel matériel (les églises, les cimetières) que la révolution a voulu rendre commun aux Français.

B. De la disparité des moyens mis en oeuvre

Le ministre de l’intérieur justifie le nombre important d’actes antichrétiens par l’importance du nombre de lieux de culte catholiques par rapport aux autres lieux de culte monothéistes en France. Cet argument ne saurait constituer une réponse valable à l’augmentation croissante des actes menés contre ce patrimoine français. En ce qui concerne les lieux de culte catholiques, il indique en effet qu’il s’agit « essentiellement des dégradations ou atteintes aux biens, et concernent en grande majorité des dégradations ou du vandalisme dans les églises et dans les cimetières»([16]). Ces actes peuvent donc concerner, comme ce fut le cas pour le patrimoine classé de la cathédrale d’Oloron‑Sainte‑Marie, par‑delà la seule communauté catholique. Aussi, des collectivités prennent à coeur ce problème et décident avec bon sens de préempter sur leurs propres deniers les outils de protection des églises : à Compiègne, les églises de Saint‑Antoine et de Saint‑Jacques se sont vues affublées de caméras visant à contrevenir aux actes malveillants. L’opération a coûté 32 000 euros à la ville et 5 000 à la paroisse([17]). Les moyens mis en oeuvre dépendront ainsi de la bonne volonté des communes et des moyens recueillis par la paroisse. Quant aux Préfectures, le ministère de l’intérieur indiquait récemment au député de Vaucluse : « nous avons demandé au préfet d’organiser des surveillances particulières, non seulement des édifices religieux »([18]), dispositif dont il serait intéressant de pouvoir constater les résultats de manière diligente.

Conclusion

La difficulté de la qualification des actes antichrétiens réside dans la propriété des lieux de culte dont ils ont lusage, partagée entre les paroisses, des collectivités qui peuvent y intervenir ou lÉtat qui en est parfois le propriétaire en en laissant l’usage aux Catholiques (voir article 18 de la loi de 1905). Les atteintes menées à l’encontre du patrimoine bâti, des mobiliers liturgiques, ne sont donc pas du seul ressort des chrétiens. D’autre part, l’absence de qualification claire des actes menés à l’encontre des chrétiens rend difficile toute quantification rationnelle des chiffres donnés par le ministère, qui dresse un bilan visant plus particulièrement les actes « xénophobes, racistes et antisémites » sans évoquer le cas chrétien. C’est l’objet de cette proposition de résolution, qui entend créer une commission d’enquête visant à qualifier les actes menés à l’encontre des chrétiens et du patrimoine matériel comme immatériel qui leur est affilié, dont l’objet serait de créer au sein des évaluations ministérielles un volet dédié aux actes menés à l’égard des patrimoines affiliés à cette confession. Un tel volet pourrait, à termes, permettre de lutter plus efficacement contre les dégradations, les profanations, les vols et tous les dégâts dont les lieux de culte, tout particulièrement catholiques, et les différents patrimoines meubles y étant affiliés font perpétuellement l’objet.


proposition de rÉsolution

Article unique

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, est créée une commission d’enquête de trente membres, dont la mission sera de qualifier les actes menés à l’encontre des chrétiens et du patrimoine matériel comme immatériel qui leur est affilié.


([1])  Le Monde, 23 avril 2019. Dégradations d’églises : une hausse réelle, des intentions variées.

([2])  Communiqué du Ministère de l’Intérieur. 12 février 2019.

([3])  Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2017, contribution du ministère de l’Intérieur, bilan statistique. p. 15.

([4])  Cité par le Figaro, 29 mars 2019.

([5]) Breaking news, 19 mars 2020. Des excréments humains enduits à l’église française vandalisée

([6])  Op. Cit. Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2017, contribution du ministère de l’Intérieur, bilan statistique. p. 15.

([7])  http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-26941QE.htm

([8]) Observatoire du patrimoine religieux. Églises incendiées en 1 an au 1er janvier 2018.

([9])  Le Parisien. Le 18 mars 2019. L’incendie de l’église Saint-Sulpice n’était pas accidentel.

([10])  Actu Normandie. 17 juillet 2019. Sées. Interpellé avec des bidons d’essence.

([11])  Op. Cit. Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en 2017, contribution du ministère de l’Intérieur, bilan statistique. p.15.

([12])  France Bleu. 11 mars 2020. Un habitant de Loriol interpellé pour des vols de chandeliers dans les églises.

([13])  La vie. 4 novembre 2019. Oloron-Sainte-Marie : il n’y a pas eu de profanation mais ce vol n’est pas indifférent.

([14])  France 3 régions. 25 février 2020.

([15])  http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-2447QG.htm

([16])  Cité par Libération.

([17])  Le Parisien. 18 mars 2020. Des caméras pour stopper les dégradations d’églises.

([18])  http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-26941QE.htm