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N° 2897

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2020

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à contraindre les sociétés dautoroutes à diviser par deux les tarifs des péages du 1er juillet au 30 septembre 2020 pour favoriser le patriotisme touristique,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Guillaume PELTIER, Robin REDA, JeanMarie SERMIER, Émilie BONNIVARD, Pierre CORDIER, Philippe GOSSELIN, Martial SADDIER, Marc LE FUR, Geneviève LEVY, Franck MARLIN, Jacques CATTIN, JeanJacques GAULTIER, JeanLouis MASSON, Nicolas FORISSIER, Marine BRENIER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Secteur clé de l’économie française, le tourisme représente près de 7 % de la richesse nationale et environ 2 millions d’emplois directs et indirects. Pourtant il risque d’être la prochaine victime collatérale du covid‑19, alors même qu’il a déjà été fragilisé par de précédentes vagues d’attentats et par les nombreuses manifestations qui ont émaillé notre actualité.

Conséquence des mesures de confinement, les frontières extérieures de l’Union Européenne sont fermées, ainsi que les lieux culturels ou de loisirs « non indispensables à la vie du pays ».

En outre, la reprise de l’activité de cette filière est particulièrement incertaine et de nombreux professionnels craignent le pire. Serons‑nous privés de millions de touristes extra‑européens ? La Commission européenne a invité les États membres à prolonger l’interdiction des voyages non‑essentiels vers l’Union Européenne jusqu’au 15 mai. Les salariés auront‑ils l’envie et le pouvoir d’achat pour partir en vacances ? Rien n’est moins sûr en ces temps de deuil. Ferons‑nous face à une deuxième vague de l’épidémie ? De nombreux experts nous alertent en ce sens.

Privée de recettes, la filière touristique risque de payer un lourd tribut dans la crise sanitaire et économique, précipitant ainsi la chute de notre produit intérieur brut et la destruction de nombreux emplois.

Nous devons nous mobiliser en faveur de ce secteur sinistré, en incitant les Français à redécouvrir notre magnifique pays, les innombrables richesses de notre patrimoine naturel et culturel, à l’instar des monuments, des musées, des châteaux, des cathédrales, mais aussi à profiter des campings, des hôtels, des gîtes et des chambres d’hôtes.

En ce sens pour participer à la relance du tourisme en France, et ainsi favoriser le patriotisme touristique, les sociétés d’autoroutes devraient être contraintes de diviser par deux les tarifs des péages du 1er juillet au 30 septembre 2020.

En effet, dans l’épreuve que nous vivons, l’intérêt général commande que les plus privilégiés soient les premiers à contribuer à l’effort national. Les sociétés d’autoroutes, qui ont versé plus 27 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires depuis 2006, selon l’ancien député M. Jean‑Paul Chanteguet, ne peuvent en être soustraites.

Cette rente dont elles bénéficient sur l’argent des automobilistes, privilège digne de l’Ancien régime à la fois dénoncé par la Cour des comptes et par l’Autorité de la concurrence, est d’autant plus insupportable que l’essentiel des efforts dans la crise pèse sur les travailleurs.

Pourtant, si la féodalité est un lointain souvenir dans notre Histoire, les assauts successifs de nos responsables politiques pour diminuer les tarifs des péages se toujours fracassés sur les hautes murailles des contrats de concession et du décret n° 95‑81 du 24 janvier 1995 (qui garantit des hausses planchers aux concessionnaires de ces autoroutes).

Ainsi, le Premier ministre, M. Manuel Valls, annonçait en janvier 2015 la suspension de la hausse de 0,57 % des tarifs des péages prévue le 1er février 2015 ; mais le même Gouvernement passait un accord avec les sociétés concessionnaires, pour appliquer en contrepartie une hausse plus forte que prévue des péages autoroutiers entre les années 2016 et 2023.

Pareillement, la ministre des transports, Mme Élizabeth Borne, promettait en janvier 2019 une baisse de 30 % des tarifs des péages pour les automobilistes contraints de prendre l’autoroute afin d’aller travailler. Certes, les sociétés d’autoroutes ont finalement cédé ; mais d’abord parce qu’elles craignaient une multiplication des dégradations au cœur de la crise des « gilets jaunes » ainsi qu’une focalisation du débat public sur leurs juteux profits et dividendes. Surtout, seuls 100 000 automobilistes ont bénéficié au final de cette mesure, contre 1 million promis par le Gouvernement.

Chaque fois, la puissance publique s’est transformée en impuissance publique. Cette situation injuste ne peut plus durer : « plus le trouble est grand, plus il faut gouverner ».

En théorie, quatre solutions s’offrent à l’État pour contraindre les sociétés d’autoroutes à diminuer les tarifs des péages autoroutiers.

Tout d’abord, l’État pourrait renégocier à l’amiable les contrats de concession des sociétés d’autoroutes en ce sens ; mais le bon vouloir de ces sociétés n’est pas acquis tant que lesdits contrats ne parviendront pas à leur terme. Par ailleurs, l’État rallonge parfois la durée des concessions en échange du financement de travaux supplémentaires.

Ensuite, l’État pourrait dénoncer les contrats de concession en cours, ou menacer de le faire, ce qui est possible pour un motif d’intérêt général. Cette voie est recommandée par l’ancien député M. Jean‑Paul Chanteguet dans son rapport d’information « sur la place des autoroutes dans les infrastructures de transport ». Toutefois, le titulaire devrait alors être entièrement indemnisé en contrepartie, avec un coût substantiel pour les comptes publics.

L’État pourrait également renationaliser les autoroutes, ou menacer de le faire. Toutefois, là encore, cette mesure aurait un coût non négligeable pour les finances publiques.

 


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Considérant la nécessité de sauver le secteur du tourisme, compte tenu de son poids économique, des difficultés qu’il traverse durant la crise du covid‑19 et de celles qu’il a connues par le passé, et de favoriser en ce sens le patriotisme touristique ;

Considérant que la diminution des tarifs des péages d’autoroutes ne relève pas du domaine de la loi ;

Invite le Gouvernement à renégocier les contrats de concession avec les sociétés d’autoroutes, soit à l’amiable soit en faisant pression grâce à l’une des pistes proposées, pour contraindre celles‑ci à diviser par deux les tarifs des péages du 1er juillet au 30 septembre 2020.