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N° 3028

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 2 juin 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête
relative à la gestion de l’eau en Martinique,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire , à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Manuéla KÉCLARDMONDÉSIR, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Alain BRUNEEL, MarieGeorge BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, JeanPaul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, JeanPaul LECOQ, JeanPhilippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,

Député‑e‑s.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aux termes de l’article 16 du code civil, « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celleci et garantit le respect de lêtre humain dès le commencement de la vie ».

Si le droit à l’accès à l’eau potable n’est pas en tant que tel protégé par l’article 16 du code civil, le respect de la dignité humaine impose de permettre à chaque individu de vivre dans des conditions lui garantissant un niveau minimum d’hygiène et de confort intime.

De même relève du droit au respect de la vie privée énoncé par l’article 9 du code civil et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, la protection des conditions de vie d’une personne, ayant des répercussions sur sa santé.

Le manque persistant d’accès à l’eau potable que vit une bonne partie des Martiniquais depuis le début de l’année 2020 est susceptible par ses répercussions sur la qualité de la vie, de porter atteinte à la dignité de la personne et à la protection de sa vie privée et familiale.

Il s’agit de principes fondamentaux qui régissent une société démocratique.

Or, depuis le début de l’année 2020, et notamment depuis le mois de mars 2020, ces principes ne sont pas respectés en Martinique.

Certes, la pluviométrie y est inférieure de 70 à 80 % en moyenne à la pluviométrie moyenne. Et la Martinique enregistre ainsi une sécheresse particulièrement intense très au‑dessus des moyennes de référence. Mais cette situation exceptionnelle a permis au‑delà du phénomène de révéler des dysfonctionnements techniques récurrents et historiques en matière d’organisation, de captage, de pompage et de gestion de l’eau dans de nombreuses communes de Martinique.

Ces dysfonctionnements ont eu des conséquences graves pour l’alimentation en eau de la population. Ils ne sont pas nouveaux et ont d’ailleurs été observés par la Chambre régionale des comptes dans plusieurs rapports publiés depuis dix ans.

L’impact de ces dysfonctionnements à l’occasion de la crise sanitaire a été dramatique. Alors même que l’île était confinée, celle‑ci devait se rendre à des citernes mis à disposition des usagers.

Cette situation a même obligé la publication d’un arrêté préfectoral le 13 mars 2020 qui prévoit des mesures de restriction des usages de l’eau pour des besoins non essentiels (arrosage, lavage de véhicules, vidange et remplissage des piscines, vidange des réservoirs d’eau…), pour « préserver la ressource destinée prioritairement à la santé, à lalimentation en eau potable, à la défense incendie, à la préservation des écosystèmes aquatiques ».

Cet arrêté préfectoral a été pris pour assurer à la population ce que prévoit le minimum exigé par l’Organisation mondiale de la santé en la matière, à savoir 70 litres mensuels par personne nécessaire pour couvrir les besoins essentiels d’alimentation en eau.

Des coupures tournantes ont ainsi été effectuées sur tout le territoire martiniquais, ce qui s’assimile de fait à une limitation et une privation d’eau potable pour chacun des usagers martiniquais pour respecter un niveau conforme à ce qui est strictement nécessaire et légal dans une société démocratique.

De ce fait, les usagers de Martinique ont donc été privés d’eau potable jusqu’à 49 jours depuis le début de l’année 2020, et plus particulièrement jusqu’aux premiers jours du mois d’avril 2020.

Ils ont ainsi été obligés de vivre dans des conditions d’hygiène qui ne sont pas compatibles avec la préservation de leur santé et de leur dignité, et contraints de s’approvisionner à des citernes installées dans certains quartiers, alors que la population martiniquaise, comme l’ensemble de la population française en cette période, a été appelée dans ces temps de crise sanitaire à rester confinée et à respecter des gestes barrières (impossibles à respecter en la circonstance !), pour lutter contre la propagation du covid‑19.

Ce faisant, parce qu’ils ont dû sortir, se regrouper dans des files d’attente aux points d’eau, et utiliser des robinets communs, ils ont encouru un risque accru de contracter et de transmettre le virus à tous les membres de leurs foyers, notamment les personnes âgées.

Leur santé a été aussi impactée car l’absence d’eau a eu des conséquences sur l’équilibre sanitaire des repas.

Il résulte donc de cette situation que les Martiniquais ont subi une atteinte excessive à leur droit au respect de la dignité et de la vie privée garanties par la loi et le Parlement.

Il appartient en conséquence à celui‑ci de faire toute la lumière sur cette situation particulière, d’en repérer les origines et son développement, son organisation, d’en comprendre les dysfonctionnements, les modes de gestion, les coûts, et les processus de distribution, et de faire des recommandations susceptibles d’éclairer la puissance publique pour que soit à l’avenir garanti à tout citoyen son accès à l’eau dans de bonnes conditions et à un prix équitable.

 

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

Il est créé, en application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, une commission d’enquête de trente membres, chargée de faire la lumière sur la gestion de l’eau en Martinique depuis 1945, et plus particulièrement à l’occasion de l’épidémie de covid‑19.