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N° 3079

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 juin 2020

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

réformant le Règlement de lAssemblée nationale

instituant un comité chargé des audits de lÉtat

 

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

Pierre MORELÀLHUISSIER, Maud PETIT, Jacques CATTIN, JeanChristophe LAGARDE, Mjid EL GUERRAB, Richard RAMOS, Nicolas DUPONTAIGNAN, Michel ZUMKELLER, Guy BRICOUT, Sonia KRIMI, Frédérique DUMAS, Typhanie DEGOIS, Stéphanie KERBARH, Laurent FURST, Philippe VIGIER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis plusieurs années s’enchainent des cycles de contrôle de l’action publique et de modernisation de l’État. Si les ambitions sont réelles et partagées entre les acteurs de la vie publique, peu sont les projets de réforme qui aboutissent.

Pourtant, nous le savons, la Ve République est à un tournant de son histoire où la capacité d’adaptation de ses institutions est mise à l’épreuve. Les crises se multiplient, d’origines de plus en plus variées. Elles se complexifient également avec l’apparition d’un plus grand nombre de parties prenantes qu’auparavant et surtout s’inscrivent dans l’ère du temps, moderne, qui elle‑même n’a pas encore pu être correctement assimilée par nos institutions, c’est l’exemple emblématique du numérique.

Les critiques autour de la gestion des finances publiques ne sont pas récentes. La France est désormais première en termes de prélèvements obligatoires en Europe : 46,2 % du PIB, contre une moyenne à 34,2 %. La pression fiscale y est sans équivalent, et constitue l’un des éléments centraux des contestations actuelles. En 2016, la dépense publique française est de 1 257 milliards d’euros, soit l’équivalent de 56,7 % du PIB, contre une moyenne de 47,7 % dans la zone euro. Là aussi, notre pays se classe premier.

La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques avait pour ambition de réduire les dépenses publiques et la dette en se basant sur une croissance espérée de presque 2 %. Ces chiffres nous paraissent désormais inatteignables tant les crises des Gilets jaunes et du coronavirus vont impacter durablement notre économie.

Ces deux dernières crises ont par ailleurs fait émerger d’autres problématiques qui doivent nécessiter toute notre attention dans les réformes à venir : la perte du lien et de la confiance entre nos territoires et les administrations centrales et la gestion de notre système de santé. Deux problématiques largement mises en avant et répondant à la même réalité de manque de décentralisation, plaçant ce sujet au cœur de tout projet de réforme de l’État.

Sur notre système de santé la critique des agences régionales de santé (ARS) est récurrente mais très peu d’études en la matière existent. La Cour des comptes n’a par exemple rendu aucun avis, du moins public, en la matière. Le dernier semblerait dater de 2012. S’il est vrai que les ARS ont profondément simplifié le paysage institutionnel régional en matière de régulation et de pilotage du système de santé en regroupant 7 institutions préexistantes, il reste difficile d’en évaluer les bienfaits.

Depuis la Loi n° 2002‑2 du 2 janvier 2002, les 36 000 établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ESSMS) sont tenus de procéder à des évaluations régulières de leurs activités et de la qualité des prestations qu’ils délivrent notamment au regard des recommandations de bonnes pratiques professionnelles du secteur social et médico‑social. L’évaluation interne couvre le même champ que l’évaluation externe ; elles entrent dans une logique de complémentarité et doivent permettre aux ESSMS de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de la qualité.

La Haute Autorité de Santé s’est vu confier par la loi n° 2019‑774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, la responsabilité de la procédure d’évaluation des ESSMS dans son ensemble. Ainsi, la Haute Autorité de santé (HAS) a pour mission d’élaborer le nouveau dispositif d’évaluation des ESSMS, ainsi que le nouveau cahier des charges d’habilitation des organismes en charge des évaluations. Un décret à paraitre en 2021, doit déterminer les modalités de publication des rapports d’évaluation, ainsi que le rythme de ces évaluations.

Néanmoins ce sont les ESSMS qui sélectionnent eux‑mêmes l’organisme habilité qui réalisera leur évaluation externe à partir d’une liste donnée.

En matière de recherche des progrès sont aussi à faire où l’autorité compétente est le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Ces constats doivent nous conduire à nous poser des questions difficiles mais nécessaires. La mission de cette administration est‑elle d’intérêt général et dûment remplie ? Quelle mission devrait‑on transférer, tout ou partie, au secteur privé et quelle mission doit rester de la compétence de l’État ? Doit‑on décentraliser cette mission ? Avons‑nous encore les capacités de financer l’ensemble de ces missions ?

Fracture sociale et perte de liens entre la société et ses décideurs, illisibilité de l’administration, parcours de santé chaotique, volume des dépenses publiques en augmentation de l’administration centrale mais aussi des collectivités, taux de chômage en augmentation. Les politiques publiques se succèdent les unes aux autres sans faire disparaitre des problèmes identifiés depuis plusieurs décennies ; les dépenses fiscales s’avèrent inutiles voire contre‑productives, à l’instar des zones de revitalisation rurales, selon le récent rapport de Mmes Anne Blanc et Véronique Louwagie ; l’argent public est, bien souvent, au mieux mal employé, au pire franchement gâché : selon M. René Dosière, impliqué depuis longtemps sur ces problématiques, 1 500 élus locaux utilisent une voiture de fonction avec chauffeur, et bénéficient d’un train de vie supérieur à celui d’un parlementaire. Le contrôle du financement des partis politiques est également trop peu strict, alors qu’ils sont pourtant financés à hauteur de 50 % par de l’argent public. 

Ces défis qui se présentent à nous ne serons relevés que si une réelle stratégie se met en place, d’abord danalyses, détudes et daudits, puis darbitrages et de décisions, dexécution et enfin de contrôle.

Il convient de trouver le bon équilibre entre des petites réformes par la méthode des « petits pas » qui n’est plus adaptée aux réalités temporelles et aux attentes des citoyens du XXIe siècle et un grand projet de réforme tel un « Grand soir de la réforme », utopique et impossible concrètement à la vue des temporalités de la vie républicaine.

À vrai dire, cet impératif de réforme de l’État est déjà en marche dans certaines de nos administrations. Néanmoins, ce mouvement n’est pas coordonné, pas contrôlé et varie fortement d’une administration à l’autre. Or s’il y a bien un sujet à combattre c’est la fameuse « approche en silo », critiquée aujourd’hui et incompatible pour mener une réforme prometteuse et équilibrée.

La contrainte d’une maitrise globale de la dépense est une incitation forte pour les ministères et les administrations à moderniser leurs structures et leurs procédures, afin de garantir la poursuite de l’exercice de leurs missions essentielles, mais elle ne peut être la seule.

Si un lien a été établi entre la stratégie de modernisation de l’administration et la recherche d’une meilleure gestion des moyens, d’autres liens sont manquants ou pas assez valorisés pour mener à bien une modernisation pertinente de l’administration.

C’est tout le rôle des audits qui doivent à commencer à ne plus être perçus comme punitifs ou de sanctions mais d’accompagnement et de rationalisation de l’action publique.

Les audits ont déjà, dans un certain nombre de cas, un impact concret sur le fonctionnement des administrations, que ce soit en termes de maitrise des coûts, d’amélioration de la qualité de service rendu à l’usager ou d’accélération de l’utilisation des nouvelles technologies. Nous en avons eu des exemples concrets avec la taxe d’apprentissage qui a été rationalisée afin d’alléger les obligations des entreprises et d’encadrer davantage l’action des organismes collecteurs de la taxe d’apprentissage. L’audit sur l’allocation adulte handicapé aurait donné lieu à un plan d’action très opérationnel et à l’engagement de mesures destinées à offrir aux demandeurs sur l’ensemble du territoire le même niveau de qualité dans le traitement de leur dossier. Le Forum de la performance a également considérablement évolué dans un souci de transparence. Il faut donc saluer les résultats positifs de ces politiques.

Il convient de ne pas non plus faire de raccourcis et de condamner les administrations à de grosses machines n’entendant pas suivre les recommandations et les préconisations, alors même que ceux‑ci doivent avoir un « caractère opérationnel » et que les sujets font l’objet d’un choix commun et justifié. Bien souvent le travail d’appropriation des solutions n’est pas fait et lorsque la mise en œuvre des propositions est décidée, la conduite de la réforme est difficile, l’administration souvent isolée, elle ne reçoit qu’un soutien lointain ou inexistant des équipes d’audit et le contrôle de la mise en place de la réforme est aussi superflu.

En d’autres termes, le passage de relais entre l’audit, la prise de décision et la mise en place de la réforme est trop souvent inexistant, variable en fonction des organisations ou du territoire et peu transparent.

S’il est vrai que chaque organisation commence à se doter de services en charge du suivi des réformes jusque dans les cabinets des Ministères, les interactions restent trop limitées et la capitalisation sur les rapports et préconisations des institutions dont c’est le cœur de métier tel que la Cour des comptes ou le Parlement restent trop limitée.

C’est pourquoi un changement de paradigme s’impose. L’objet de la présente proposition de résolution visant à réformer le règlement de l’Assemblée nationale poursuit cet objectif en donnant les moyens manquants au Parlement d’effectuer pleinement sa mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques et ce, en complément du travail du Comité dévaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC).

Il est institué un Comité chargé de l’audit des administrations, des collectivités et des entreprises de la sphère publique.

Sa composition est similaire aux autres comités de l’Assemblée Nationale suivant la procédure fixée à l’article 25.

Les travaux d’audit du Comité peuvent porter sur :

– L’examen des derniers audits ayant eu lieu et notamment ceux qui n’ont pu être mis en œuvre du fait de la RGPP mais qui restent porteurs de progrès ;

– L’État ;

– Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ;

– Les collectivités territoriales ;

– Les divers organismes d’administrations locales composant les administrations publiques locales (APUL) ;

– Les administrations de sécurité sociale.

Le Comité peut s’autosaisir ou être saisi par le Gouvernement. Il peut demander des informations à la Cour des comptes, à la Haute Autorité de santé et au Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Les rapports d’audits donnent lieu à des propositions de lois.

Le Comité pourra aussi effectuer des examens sur l’accompagnement des administrations dans leur processus de transformation allant des conclusions de l’audit à l’application des réformes.

Le Comité pourra enfin effectuer un contrôle de la mise en œuvre et du suivi des réformes.

L’approche attendue par les citoyens est désormais celle des résultats, nous devons y répondre.

Tel est l’objet de la présente proposition de résolution.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

Après le chapitre VII de la première partie du titre III, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :

« Chapitre VII bis

« Comité chargé de l’audit des administrations, des collectivités
et des entreprises de la sphère publique

« Article 1468. – Il est institué un comité chargé de l’audit des administrations, des collectivités et des entreprises de la sphère publique.

« Le comité est présidé par un député appartenant à un groupe s’étant déclaré d’opposition. Il comprend trente‑six membres désignés, suivant la procédure fixée à l’article 25, de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes.

« Les autres membres du comité sont nommés au début de la législature et pour la durée de celle‑ci.

« Le bureau du comité comprend, outre le Président, quatre vice‑présidents, et quatre secrétaires désignés parmi ses membres. Le premier des vice‑présidents est le Président de l’Assemblée nationale. La composition du bureau du comité s’efforce de reproduire la configuration politique de l’Assemblée nationale.

« Les votes au sein du comité ont lieu dans les conditions définies par l’article 44.

« Le bureau est chargé d’assurer la publicité des travaux du comité. Chaque réunion fait l’objet d’un compte rendu qui est rendu public.

« Le comité définit son règlement intérieur.

« Article 1469. – De sa propre initiative, à la demande d’une commission permanente ou à la demande du Gouvernement, le comité chargé de l’audit des administrations, des collectivités et des entreprises de la sphère publique réalise des travaux d’audit portant sur les organismes suivants :

« – l’État ;

« – les organismes divers d’administration centrale – ODAC ;

« – les collectivités territoriales ;

« – les divers organismes d’administrations locales composant les APUL ;

« – les administrations de sécurité sociale.

« Le comité arrête, chaque année, le programme de ses travaux. Ce programme fixe, notamment, le nombre prévisionnel d’audits à réaliser. Chaque groupe peut obtenir de droit, une fois par session ordinaire, qu’un rapport d’évaluation, entrant dans le champ de compétence du comité, soit réalisé.

« Chaque commission concernée par l’objet d’une étude d’évaluation désigne un ou plusieurs de ses membres pour participer à celle‑ci. Le comité désigne parmi eux, ou parmi ses propres membres, deux rapporteurs, dont l’un appartient à un groupe d’opposition.

« Les rapporteurs sont dotés de pouvoirs d’investigation, leur permettant d’effectuer des contrôles sur pièces et sur place, de mener les auditions et de se faire communiquer les documents nécessaires.

« Pour conduire les audits, les rapporteurs peuvent également bénéficier du concours d’experts extérieurs à l’Assemblée et notamment de la Cour des comptes, de la Haute Autorité de santé et du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

« La mission des rapporteurs a un caractère temporaire et prend fin à l’issue d’un délai de douze mois à compter de leur désignation.

« Le rapport est présenté au comité par les rapporteurs. S’il est voté favorablement, le rapport d’audit peut donner lieu à une proposition de loi.

« Les recommandations du comité sont transmises au Gouvernement. Les réponses des ministres sont attendues dans les trois mois et discutées pendant la semaine prévue à l’article 48, alinéa 4, de la Constitution.

« À l’issue d’un délai de six mois suivant la publication du rapport, les rapporteurs présentent au comité un rapport de suivi sur la mise en œuvre de ses conclusions. Ce rapport s’attachera tout particulièrement à évaluer l’accompagnement de l’administration dans son processus de transformation et il pourra proposer des recommandations complémentaires pour aider le passage des conclusions de l’audit à l’application des réformes.

« Article 14610. – Le comité chargé de l’audit des administrations, des collectivités et des entreprises de la sphère publique peut faire des propositions à la Conférence des présidents concernant l’ordre du jour de la semaine prévue par l’article 48, alinéa 4, de la Constitution. Il peut, en particulier, proposer l’organisation, en séance publique, de débats sans vote ou de séances de questions portant sur les conclusions de ses rapports.

« Article 14611. – Le comité chargé de l’audit des administrations, des collectivités et des entreprises de la sphère publique devra tout faire pour que chaque citoyen soit en mesure d’accéder à ses avancées et conclusions.

« Il rendra publiques notamment les règles homogènes que ses audits suivent à travers un document de référence. »