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N° 3091

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 15 juin 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Sandrine JOSSO, Jennifer De TEMMERMAN, Patrice PERROT, M’jid EL GUERRAB, Manuéla KÉCLARDMONDÉSIR, Delphine BATHO, Martine WONNER, Nicolas DUPONTAIGNAN, Danièle HÉRIN, Yannick HAURY, Laurence VANCEUNEBROCK, Béatrice DESCAMPS, Loïc PRUD’HOMME, et les membres du groupe Libertés et Territoires (1)

Députés.

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(1) Mesdames et Messieurs : Jean‑Félix Acquaviva, Sylvain Brial, Michel Castellani, Jean‑Michel Clément, Paul‑André Colombani, Charles de Courson, Jeanine Dubié, Frédérique Dumas, M’jid El Guerrab, Olivier Falorni, Yannick Favennec Becot, Sandrine Josso, François‑Michel Lambert, Jean Lassalle, Paul Molac, Bertrand Pancher, Sylvia Pinel, François Pupponi, Philippe Vigier.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si l’épidémie de covid‑19 a montré les forces de notre système de santé, elle a aussi exacerbé ses manques et ses dysfonctionnements et souligné le lien fondamental existant entre la santé et l’environnement, malheureusement insuffisamment pris en compte par nos politiques publiques.

Depuis 1994, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit la santé environnementale comme comprenant « les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement. Elle concerne également la politique et les pratiques de gestion, de résorption, de contrôle et de prévention des facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la santé des générations actuelles et futures ».

Ainsi, l’enjeu de l’amélioration de la santé environnementale s’inscrit principalement dans le champ de la prévention. Agir sur les facteurs environnementaux dans l’objectif de protéger notre santé nécessite de garantir et d’améliorer la qualité de l’air, des sols, des eaux. Cela doit aboutir également à limiter la pollution sonore, ou encore les expositions aux substances dangereuses, comme les pesticides, le plomb, l’amiante…

Pourtant, en dépit du caractère essentiel qu’elle revêt, et malgré la promesse inscrite dans le programme du candidat Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2017 de « protéger la santé et l’environnement des Français », force est de constater que la santé environnementale n’est pas encore devenue une priorité de ce quinquennat.

Aujourd’hui, plus que jamais, la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de covid‑19 doit nous inciter à mieux prendre en compte les effets de la dégradation de l’environnement sur notre santé. Non seulement sa propagation est directement issue de la dégradation des écosystèmes mais elle s’est par ailleurs amplifiée du fait de facteurs aggravants comme l’obésité, le diabète et les cancers, dont la prévalence au sein de la population est directement liée à notre environnement.

Plus que jamais, nous devons réaffirmer notre volonté de mieux nous protéger, ce qui implique de mieux préserver la nature qui nous entoure et dont nous dépendons.

En premier lieu, il est urgent de proposer une définition précise et adaptée aux enjeux de la santé environnementale.

Les conséquences de la pollution de l’environnement sur notre santé sont en effet multiples. Selon le milieu concerné par la pollution, ou encore le niveau d’exposition et même les prédispositions génétiques, les effets sont de natures et de gravité variés.

En France, selon les derniers chiffres de la Caisse nationale d’assurance maladie, il y a 20 millions de malades chroniques dont 10,7 millions de personnes classées en « affections de longue durée » (ALD). L’OMS estime par ailleurs que 14 % de la mortalité dans notre pays est due à des causes environnementales, ce qui représente 84 000 morts par an. Pour un homme, le risque de développer un cancer approche aujourd’hui 2 chances sur 3.

La pollution atmosphérique accroît les maladies respiratoires, l’asthme et les problèmes cardiovasculaires. Les effets des perturbateurs endocriniens commencent à être identifiés, en particulier sur la fertilité. Ils induisent également pendant la grossesse des pathologies chroniques à l’âge adulte, potentiellement responsables de cas d’autisme.

Un sujet doit nous préoccuper particulièrement, car il est aujourd’hui nécessaire pour bien comprendre la dangerosité de ce phénomène : celui des effets cocktails, soit l’addition de plusieurs facteurs environnementaux induisant le développement de maladies. Les effets cocktails remettent en question notre manière d’appréhender la santé environnementale, bien souvent à l’aune de « niveau ou degré d’exposition ». Cette définition est dépassée, et n’est pas adaptée à la réalité. Le caractère plurifactoriel de celle‑ci doit être mieux compris, car il est déterminant dans notre manière d’aborder ce phénomène et dans l’efficacité de la réponse que nous apportons. 

Une définition plus complète doit enfin s’accompagner d’une sensibilisation plus accrue de la population. Les citoyennes et les citoyens s’en préoccupent de plus en plus : ils cherchent à mieux s’informer pour mieux se protéger. Pour autant, sans une vraie campagne de sensibilisation, de prévention et de formation à grande échelle et à tous les âges de la vie, les changements de comportements nécessaires ne surviendront pas.

La prise de conscience doit être à la fois individuelle et collective.

Pour parvenir à une meilleure appréhension du phénomène et une définition plus adaptée, il est nécessaire d’améliorer les recherches en la matière. Aujourd’hui, en dépit des diverses études menées, nous manquons de données. Surtout, nous avons besoin d’une meilleure coordination dans la manière de poursuivre les recherches en la matière.

Le caractère plurifactoriel des effets de l’environnement sur notre santé implique d’investir conséquemment dans la recherche, mais aussi et surtout d’assurer une meilleure remontée d’information, une meilleure coopération entre les acteurs concernées, ce qui suppose de privilégier les logiques de décloisonnement.

Aujourd’hui, le mode de fonctionnement des Agences régionales de santé (ARS) ne permet pas d’appréhender ces phénomènes dans leur globalité. Si nous souhaitons réellement améliorer nos connaissances sur ce sujet, nous avons besoin de faire davantage de lien entre la recherche fondamentale et académique, et les acteurs du terrain, en particulier ceux de la santé.

Surtout, il nous faut prendre en compte la dimension territoriale des risques environnementaux, car ces derniers sont différents selon les spécificités des territoires, notamment du fait d’activités humaines variant d’un endroit à un autre. Cela doit nous inviter à établir les liens entre les affections d’une population et les facteurs de risques sanitaires présents dans son bassin de vie.

Dès lors, il apparait que la réponse doit nécessairement être territoriale. L’idée de créer un pôle territorial de santé environnementale pourrait ainsi être étudiée, afin que les collectivités territoriales intègrent la prévention dans leurs politiques avec une mise en cohérences des politiques nationales menées dans les domaines de la santé et de l’environnement.

À cette fin, il ne fait nul doute qu’il nous faut améliorer la formation des élus et des professionnels de santé, sur le sujet de la santé environnementale et de son caractère plurifactoriel.

L’épidémie de covid‑19 ne sera certainement pas la dernière crise sanitaire à laquelle nous devrons faire face. D’autres épidémies, directement en lien avec la dégradation de notre environnement sont d’ores et déjà en cours – l’exemple actuel de la dengue dans nos territoires ultra‑marins est révélatrice de ce phénomène grandissant.

Ainsi, cette commission d’enquête a vocation à évaluer l’efficacité de nos politiques publiques en matière de santé environnementale. L’objectif vers lequel nous devons tendre est celui d’une réelle politique de santé environnementale, de long terme et ambitieuse ; une politique de prévention efficace qui permettra de garantir la qualité de l’environnement pour protéger la santé des personnes.

 

 

 


proposition de rÉsolution

Article unique

Une commission d’enquête, composée de trente députés, est créée en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale. Cette commission sera chargée d’évaluer les politiques publiques en matière de santé environnementale. Elle formulera des propositions pour bâtir une politique de prévention ambitieuse et efficace.