N° 3138
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale 29 juin 2020.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’état
des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien
de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance
entre les citoyens et la force publique,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Olivier FAURE, George PAU‑LANGEVIN, Joël AVIRAGNET, Ericka BAREIGTS, Marie‑Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, Jean‑Louis BRICOUT, Alain DAVID, Laurence DUMONT, Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Marietta KARAMANLI, Jérôme LAMBERT, Serge LETCHIMY, Josette MANIN, Christine PIRES BEAUNE, Dominique POTIER, Joaquim PUEYO, Valérie RABAULT, Claudia ROUAUX, Hervé SAULIGNAC, Sylvie TOLMONT, Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR‑CHRISTOPHE, Boris VALLAUD, Michèle VICTORY,
Députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« La garantie des droits de l’Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ». L’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 résume parfaitement la fonction essentielle confiée à la police dans notre démocratie : notre société repose toute entière sur les règles communes qu’elle s’est choisies et ce sont les forces de l’ordre qui sont chargées d’en assurer le respect.
Cette fonction suppose avant tout autre chose qu’un lien de confiance unisse la force publique et la population au nom de laquelle elle s’exerce. C’est ce lien qu’il nous appartient de tisser sans relâche, de maintenir, d’adapter au besoin et de renforcer autant que possible. Il en va de la cohésion nationale, de la solidité du pacte républicain.
Évaluer régulièrement ce lien au regard de l’évolution de l’actualité nous paraît une nécessité démocratique. C’est d’ailleurs avec cet objectif qu’en 2015, l’Assemblée nationale avait mené une commission d’enquête « chargée d’établir un état des lieux et de faire des propositions en matière de missions et de modalités du maintien de l’ordre républicain dans un contexte de respect des libertés publiques et du droit de manifestation, ainsi que de protection des personnes et des biens », présidée par le député Noël Mamère et rapportée par le député Pascal Popelin. Cette commission avait formulé 23 propositions, couvrant à la fois les champs de doctrine d’intervention, de formation, de gestion des foules, d’équipements des forces de l’ordre.
Cinq ans après cette commission d’enquête, il nous paraît nécessaire de relancer la démarche, notamment dans le contexte actuel et notamment au regard des observations récemment formulées par le Défenseur des droits.
La présente commission d’enquête devra avoir pour objectif de faire un état des lieux sur le recrutement et la formation de nos policiers et gendarmes, sur les techniques et les armes utilisées mais également sur les pratiques de la police du quotidien. La pratique des contrôles d’identité mérite notamment d’être interrogée, eu égard à son utilité effective, ses modalités ainsi qu’à la défiance qu’elle génère du côté des jeunes issus de la diversité qui ont une probabilité vingt fois plus élevée que les autres d’y être soumis ([1]). Alors que les récépissés de contrôle d’identité ont été expérimentés en Espagne, au Royaume‑Uni, aux États‑Unis d’Amérique ou au Canada, il nous appartient aujourd’hui d’en tirer les leçons afin de mettre en œuvre les meilleures solutions et d’écarter celles qui se sont révélées inefficaces. Les techniques utilisées lors des interpellations en France méritent également d’être questionnées en termes de dangerosité et surtout comparées à ce qui se pratique dans d’autres pays. L’utilisation des armes non létales telles que le lanceur de balles de défense ou des grenades de désencerclement devrait également faire l’objet d’un questionnement tant il est apparu que leur emploi pouvait causer des blessures irrémédiables et alors que d’autres pays, comme l’Allemagne ont éprouvé avec succès des stratégies de maintien de l’ordre public beaucoup plus efficaces sans y avoir recours.
Cette commission d’enquête évaluera les chaînes de commandement, la formation juridique des forces de l’ordre, leur faculté d’alerter leur hiérarchie en cas de violation des règles de droit et l’efficacité des corps d’inspection que sont l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).
Enfin, un volet important de la commission d’enquête portera sur les conditions d’exercice parfois difficiles des policiers et des gendarmes qui peuvent se trouver confrontés à des situations de délinquance violente. Elle devra traiter de la qualité du matériel, des horaires imposés, du niveau de stress subi par nos policiers et gendarmes.
Une telle enquête devrait permettre de faire des préconisations afin de préciser le cadre et les conditions de l’usage de la force, d’accroître la sécurité juridique de nos policiers et de nos gendarmes et in fine de renouveler le lien de confiance entre notre force publique et la population.
proposition de rÉsolution
Article unique
En application des articles 137 et suivants du Règlement, il est créé une commission d’enquête de trente membres, chargée d’étudier l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre afin de maintenir et renouveler la confiance entre les citoyens et la force publique.
([1]) Selon un rapport du Défenseur des droits de 2017. https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport-enquete_relations_police_population-20170111_1.pdf.