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N° 3364

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 septembre 2020.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

relative à la régularisation des sanspapiers pendant lépidémie
du coronavirus,

 

 

présentée par

M. FrançoisMichel LAMBERT,

député.


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La pandémie du covid‑19 n’a pas connu de frontières et a entraîné dans tous les pays de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux. Elle a mis également en lumière les fragilités des systèmes de protection sanitaire et des mécanismes de solidarité.

Notre pays n’a pas échappé à ce constat et en dépit des mesures d’urgence prises pour lutter contre l’épidémie, nous avons constaté un renforcement des inégalités avec une fragilisation des populations les plus pauvres exclues des systèmes de protection et davantage exposées aux risques.

Parmi ces populations, les « sans‑papiers », étrangers en situation irrégulière cumulant tous les risques : risques sanitaires avec des conditions de vie, d’hébergement et d’accès aux soins qui les rendent extrêmement vulnérables ; risques sociaux avec des systèmes de protection insuffisants, des adultes perdus dans un maquis administratif, des enfants ballotés, une opinion publique mal informée et sensible aux discours d’exclusion ou de xénophobie ; risques financiers avec des dispositifs de soins et d’hébergement aux coûts astronomiques pour des résultats peu probants ; risques humanitaires avec des populations en souffrance privées de leur dignité et d’un accès aux droits fondamentaux qui s’en remettent au système D pour survivre et à l’action exemplaire des associations ; risques économiques avec l’impossibilité d’accéder aux ressources et au travail dans des conditions normales sans devoir contourner la réglementation ou se cacher.

Parce qu’il en va de la santé publique avec les risques de propagation de l’épidémie, le risque sanitaire est évidemment le plus prégnant. La précarité sanitaire de ces étrangers en situation irrégulière, leurs conditions de vie, de confinement, d’accès aux matériels de protection mettent en danger l’ensemble de la population et au premier chef les responsables et bénévoles des associations qui assurent leur hébergement et leur survie.

Le Portugal, pour cette raison impérative de santé publique et de protection sanitaire de l’ensemble de sa population a accepté dans un quasi‑consensus l’octroi de droits supplémentaires à beaucoup de sans‑papiers en cours de régularisation. Cette décision pragmatique est temporaire mais elle témoigne de la volonté du gouvernement portugais en période exceptionnelle d’apporter des réponses exceptionnelles qui donnent les mêmes droits à l’ensemble de sa population.

En Italie le gouvernement a décidé de faciliter l’obtention de permis de séjour temporaires pour les travailleurs sans papiers, indispensables aux secteurs de l’agriculture ou encore des services à la personne.

En plein confinement au début du mois d’avril 2020, 125 parlementaires, députés et sénateurs, ont demandé au Gouvernement de s’inspirer du modèle portugais pour procéder à des régularisations plus systématiques de « sans‑papiers ».

Il s’agissait alors de ralentir la diffusion du virus en s’en remettant aux recommandations de l’OMS qui demandait aux gouvernements de tout mettre en œuvre pour protéger les droits et la santé de chacun.

Au‑delà de cet impératif sanitaire force est de constater les incohérences de notre législation migratoire et ses effets trop tranchants qui accentuent les situations de non droit jusqu’à l’absurdité. Ainsi nous continuons à placer chaque année des milliers de personnes et de familles en situation d’irrégularité alors qu’elles ne sont ni expulsables, ni régularisables. Par ailleurs, beaucoup de ces personnes travaillent en étant souvent exploitées et en ne cotisant pas dans des conditions légales. Mais nous sommes incapables d’assumer un discours de vérité constatant une situation inhumaine.

La situation est telle qu’il serait pourtant nécessaire d’élargir et de clarifier les critères de régularisation, de simplifier les conditions d’octroi des titres de séjour, de respecter les principes fondamentaux du droit à la vie familiale, de traiter dans des délais raisonnables les situations les plus aberrantes et de faciliter et d’exécuter les obligations de quitter le territoire. Il est temps d’agir parce que c’est tout simplement irresponsable et inhumain de laisser des milliers de personnes sans papiers et sans droit dans de grandes souffrances.

Toutes ces questions mériteraient que la représentation nationale ouvre un large débat et puisse légiférer sereinement. Mais nous sommes dans l’urgence et nous constatons que, dans le passé, toutes les politiques de régularisation se sont inscrites dans un contexte politique fort : l’alternance en 1981 et la cohabitation en 1993 en sont deux exemples.

Pour se relever, notre pays aura besoin de rester uni, en mobilisant tous ceux qui peuvent le servir. Les étrangers en situation irrégulière peuvent et souhaitent dans leur immense majorité contribuer à l’effort collectif, par le travail, le bénévolat, leur intégration dans la cité. Leur sort c’est aussi l’avenir de notre pays et la question de leur régularisation se pose de façon urgente, au moins à titre provisoire dans l’attente d’une remise à plat plus générale de nos politiques d’accueil migratoire.

Le contexte de crise appelle des réponses politiques audacieuses et c’est ce à quoi nous invitons le Gouvernement.

Telle est l’ambition portée par notre proposition de résolution de régularisation sur critères des sans‑papiers.


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34‑1 de la Constitution ;

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée nationale ;

Invite le Gouvernement à engager dans les plus brefs délais la régularisation de toutes les personnes en situation irrégulière sur l’ensemble du territoire français y compris les territoires d’outre‑mer, sur des critères prenant en compte l’impossibilité d’expulsion, notamment dans cette période d’épidémie de covid‑19. Les critères devront tenir compte de l’ancienneté de leur présence sur notre territoire, leur situation familiale fragile, la présence d’enfants nés dans notre pays et progressivement scolarisés.

Recommande de réécrire la « circulaire Valls » du 28 novembre 2012 concernant les conditions d’examen des demandes d’admission au séjour déposées par les ressortissants étrangers en situation irrégulière en demandant aux autorités déconcentrées de l’État de régulariser toutes les personnes qui ne représentent pas de dangers pour nos institutions et installées depuis plus de cinq ans en France et sur notre territoire métropolitain.

Demande au Gouvernement de régulariser toutes les familles monoparentales présentes sur notre territoire depuis plus d’un an et le plus souvent hébergées dans des foyers saturés.

Recommande de traiter spécifiquement le cas des personnes en situation irrégulière justifiant d’un travail régulier depuis plus de six mois.

Suggère la mise en place d’un dispositif, en relation avec les départements, de prise en charge des jeunes mineurs étrangers reconnus majeurs, dont la plupart contestent les décisions prises par les conseils départementaux et qui se trouvent du jour au lendemain « mis à la rue » sans aucune forme de protection.

Rappelle qu’aucune discrimination ne saurait être tolérée quant à l’accès aux droits, à l’hébergement et à la protection sanitaire, économique et sociale des personnes considérées.