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N° 3462

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2020

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour la création d’une communauté méditerranéenne
des énergies renouvelables,

 

 

présentée par Mesdames et Messieurs

M’jid EL GUERRAB, Olivier BECHT, PierreYves BOURNAZEL, Annie CHAPELIER, Paul CHRISTOPHE, Christophe EUZET, Agnès FIRMIN LE BODO, Thomas GASSILLOUD, Antoine HERTH, Dimitri HOUBRON, Philippe HUPPÉ, Aina KURIC, JeanCharles LARSONNEUR, Vincent LEDOUX, Patricia LEMOINE, Lise MAGNIER, Valérie PETIT, Maina SAGE, FrançoisMichel LAMBERT, Fabrice BRUN, Bertrand PANCHER, JeanLuc REITZER, Yannick HAURY, Pierre MORELÀL’HUISSIER, Guy BRICOUT, JeanCharles COLASROY, Richard RAMOS, Philippe CHALUMEAU, Bruno FUCHS, JeanMichel CLÉMENT, Jennifer De TEMMERMAN, Matthieu ORPHELIN,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’épidémie du covid‑19 et la montée des tensions en Méditerranée orientale suite à la découverte de vastes gisements gaziers doivent nous inciter à repenser nos relations de voisinage proche à l’échelle européenne.

La Méditerranée, mare nostrum, bien commun d’une multitude de cultures et de civilisations, est devenue ces dernières années une source d’inquiétudes et de craintes. Elle doit redevenir ce qu’elle a toujours été : un espace d’échanges et de coopération, désormais centré sur l’enjeu majeur de notre siècle ‑ les énergies renouvelables.

Aussi, il est grand temps de relancer la coopération méditerranéenne, initiée par le Processus de Barcelone en 1995 et poursuivie par le projet d’Union pour la Méditerranée (UpM). Pour y parvenir en prévenant d’éventuelles dispersions, il importe de se recentrer sur la partie occidentale de la Méditerranée, par la création d’une Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables (CEMER).

Cette structure, nouveau cadre de coopération régionale renforcée, pourrait être composée au Nord de l’Espagne, de la France et de l’Italie, au Sud de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie dans un premier temps, sans exclure l’intégration progressive d’autres pays volontaires. Une organisation Nord‑Sud en format restreint, dans un ensemble géopolitique et géographique cohérent, appelée à se développer en cercles concentriques.

Au cours des deux dernières décennies, en dépit des importants bouleversements qui ont affecté chaque pays (printemps arabes, guerre en Libye, crise économique en Europe, notamment en Grèce…), la croissance économique globale en Méditerranée a été soutenue (2,1 %/an entre 1990 et 2015), preuve du dynamisme de la région. La Méditerranée couvre neuf millions de kilomètres carrés et englobe 25 pays. Elle est stratégiquement située au carrefour de l’Europe, de l’Afrique, du Moyen‑Orient et de l’Extrême‑Orient. Cette géographie en fait un important corridor de transit pour les marchés énergétiques mondiaux, de sorte que les tendances qui l’affectent ne sont pas sans impact sur le reste du monde, alors même qu’elle ne représente que 7 % de la population mondiale.

En parallèle, et bien qu’elle ne soit pas le principal émetteur de dioxyde de carbone à l’échelle mondiale, la région demeure particulièrement sensible au changement climatique, subissant le risque d’être régulièrement exposée à des événements climatiques extrêmes.

Estimé à un investissement mondial annuel de près de 240 milliards d’euros (IRENA, 2017), l’engagement dans les énergies renouvelables apparaît donc comme une tendance structurelle. En ce sens, les pays de l’Union européenne se sont mis d’accord sur un objectif à atteindre en 2030 : 27 % d’énergies renouvelables devront couvrir nos besoins énergétiques.

En Méditerranée, force est de constater que les investissements ne sont ni à la hauteur des volontés politiques qui s’affirment aujourd’hui, ni des opportunités existantes. Si tous les pays, au Nord comme au Sud, ont pris des engagements fermes dans le cadre de l’Accord de Paris pour le Climat, le rythme et l’ampleur des efforts restent très variables selon les pays. Le cadre institutionnel actuel des relations méditerranéennes explique en partie ces insuffisances.

En effet, l’Union européenne souffre de ne s’être jamais projetée vers le Sud, et notre ambition ne saurait se limiter à l’établissement d’une zone tampon entre notre continent et l’Afrique, à l’heure où se multiplient les initiatives, organisations et structures privées comme publiques (forums et associations, rencontres, coopérations régionales). Ne manque que la définition d’un projet structurant qui répondrait de façon globale aux objectifs du développement durable.

En s’appuyant sur les structures déjà existantes, la CEMER s’attellerait à la réalisation d’un grand partenariat économique et scientifique autour d’un projet commun, à l’instar de ce que fut la CECA pour l’Union européenne : une nouvelle union énergétique, celle du 21e siècle.

Le parallèle avec la CECA est parlant. Un projet commun sur l’énergie avait été la première étape vers un projet européen plus global et politique, tant l’énergie constitue le terrain idéal d’une conciliation entre stratégie économique et vision d’avenir en faveur des peuples.

En se concentrant sur la production des énergies renouvelables, ce projet illustrerait par ailleurs le chemin parcouru dans le sens d’une transition énergétique, et cette idée que de part et d’autre de la Méditerranée, les pays ont la même légitimité et la même détermination pour y cheminer.

Ce nouvel espace pourrait ainsi devenir le premier pôle de recherche et de production d’énergie renouvelable dans le monde, avec une exploitation et une distribution coréalisée entre les pays du Nord et du Sud. Il s’agirait de mutualiser en Europe et en Afrique les moyens de recherche, les innovations et les investissements massifs dans les énergies solaires, l’hydraulique, la biomasse, la géothermie ou encore l’hydrogène vert, ainsi que toutes les autres sources d’énergie propres aux pays de la région.

Aujourd’hui, le bilan de 50 années de non‑Méditerranée est sous nos yeux : drames humanitaires, immigration clandestine, conflits larvés depuis 40 ans. En l’absence d’action, nous sommes condamnés à voir cette zone se militariser à outrance pour se « protéger », une zone où les pires menaces sont à craindre alors qu’elle constitue par sa géographie une formidable source d’opportunités et une porte ouverte vers l’Afrique.

Le processus de la CEMER pourrait être lancé rapidement si la volonté politique rejoint la nécessité que ressentent aujourd’hui nos concitoyens de former une communauté unie autour de projets positifs partagés. Les liens historiques qui unissent les femmes et les hommes des deux côtés de la Méditerranée, leurs attaches familiales et culturelles, les parcours professionnels ainsi qu’une jeunesse pleine d’énergie, représentent des atouts essentiels pour réussir ce beau défi.

Enfin, ce dessein est aussi et surtout un enjeu de réalisme géopolitique, d’intérêt économique, social, écologique et de stabilité. Robert Schuman, père‑fondateur de la CECA, affirmait que « la paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent ». Ses propos résonnent particulièrement aujourd’hui. A l’heure où nous avons l’opportunité d’agir, un mot d’ordre devrait s’imposer : osons !


proposition de rÉsolution

Article unique

L’Assemblée Nationale,

Vu l’article 34–1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement de l’Assemblée Nationale,

Considérant l’engagement de la France, dans le cadre des Accords de Paris sur le Climat signés en 2015, de porter à 32 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique nationale en 2030 ;

Considérant l’engagement de la France, dans le cadre des Accords de Paris sur le Climat signés en 2015, de réduire de 50 % la consommation énergétique nationale à horizon 2050 ;

Considérant l’impératif pour la France d’atteindre les Objectifs du Développement Durable dont la présente résolution est directement concerné par 11 des 17 objectifs ;

Considérant le consensus des pays méditerranéens d’accélérer le développement des énergies et des technologies qui permettent de relever les défis d’une mobilité durable au sein de l’industrie du transport et de la logistique, par la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la lutte contre le réchauffement climatique, et la protection de la biodiversité ;

Considérant les projections de plusieurs modèles climatiques qui attestent qu’après l’Arctique, la Méditerranée sera la région la plus durement touchée par le phénomène de réchauffement climatique caractérisé par une diminution des précipitations moyennes, une augmentation importante des températures en particulier en été conduisant ainsi à une raréfaction des ressources en eau, un accroissement de la sévérité des sécheresses et à la multiplication violente d’épisodes dit « cévenols » comme en attestent les fortes crues qui touchent régulièrement le bassin méditerranéen de la France ;

Considérant le nouveau contexte économique lié à la crise sanitaire dû à la pandémie du covid‑19 incitant la relocalisation de l’industrie européenne dans le bassin méditerranéen et à la recherche d’une souveraineté énergétique méditerranéenne et européenne ;

Considérant l’engagement de la France dans la région et le Dialogue des deux rives amorcé à son initiative en 2019 dans le cadre du Dialogue 5+5 ;

Invite le Gouvernement, dans une démarche de dialogue et avec nos partenaires étatiques et les sociétés civiles, à instituer la création d’une Communauté méditerranéenne des énergies renouvelables (CEMER) qui, sur le modèle de ce que fut la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) pour la constitution de l’Union européenne, puisse œuvrer à l’élaboration d’un partenariat inclusif en méditerranée autour du développement durable.